Au 19ème siècle, c'est la France Napoléonienne qui donne ses contours actuels au territoire croate en faisant disparaître les deux républiques marchandes, Venise et Raguse (=Dubrovnik). Elle unifia l'espace croate au sud de la Save sous le nom de Provinces Illyriennes (1809-1813). Au congrès de Vienne, l'autorité austo-hongroise ne procèdera pas pourtant à l'unification administrative de cet ensemble.
C'est alors que naquit le mouvement de la Renaissance nationale croate dit "illyrien".

Piété mariale

En raison du nombre de lieux consacrés à la vénération de la Vierge, Zagreb devint aux 17ème et 18ème siècles une ville mariale, capitale pieuse et religieuse d'un royaume chrétien. La cathédrale de Kaptol initialement dédiée à saint Étienne, reçut une seconde dédicace: l'Assomption de la Vierge. La façade de la salle du conseil du Kaptol (sabor) s'orna d'une Vierge Marie, patronne du Royaume de Hongrie-Croatie. À l'extérieur des murs de Gradec, non loin de la Porte de pierre, s'éleva un hôpital municipal, l'Hospice de la Bienheureuse Vierge Marie. Le lieu de culte préféré des habitants de Zagreb est l'oratoire de la Porte de Pierre dont il a déjà été largement question. Juste avant le neuvième centenaire de la fondation de Zagreb, cette Madone fut déclarée patronne de la ville. En 1740, on érigea une statue de la Vierge sur la place Saint-Marc. À la fin du19e siècle, grâce aux efforts conjugués de la ville et de la cathédrale, une colonne surmontée d'une Vierge dorée fut élevée sur le nouveau parvis de la cathédrale.
Ce culte marial est à l'origine de pèlerinages à la Madone. Des centaines de miracles sont consignées dans les chroniques dites "Libri miraculorum". Ils ont été popularisés par des gravures sur bois et autres images saintes qui ont contribué à répandre le culte de la Vierge, tant aimée du peuple.
D'autres hauts-lieux de la piété mariale se trouvent à proximité immédiate de Zagreb: Remete (guérisons miraculeuses), Marija Bistrica, sur la route du mont Medvednica avec les étapes Markuševec, Čučerje et enfin l'oratoire de la Madone des Neiges à Bistrica. Le culte de la Vierge n'a d'ailleurs guère perdu de son intensité aujourd’hui.

Colonne de la Vierge Colonne de la Vierge Prière à la Vierge Prie-Dieu
Image 3: Ce prie-Dieu en été créé en 1908 par l'ébéniste Franjo Zavrlić d'après un dessin de l'architecte Stjepan Pohdhorski. Il est orné d'un tableau de la Vierge à l'Enfant peint par Oton Iveković (copie de Zlatko Bjelen, 1997). Ce prie-Dieu était destiné au chanoine Gustave Koritić, comme en témoigne une inscription gravée sur le couvercle du pupitre.

Le mouvement illyrien


Le mouvement Illyrien naquit parmi la jeunesse intellectuelle croate dans les années 1836-1863. Ses objectifs étaient autant politiques que littéraires: affirmer l'unité linguistique et ethnique des Slaves du sud de l'empire austro-hongrois et au-delà. Il fait partie d'un mouvement plus large, la Renaissance nationale croate (Hrvatski narodni pre-porod) et tire son nom d'une théorie qui fait des Slaves du sud les descendants des antiques Illyriens (titre revendiqué aujourd'hui par les Albanais).
Le 5 décembre 1835, le grammairien, politicien, journaliste et écrivain croate, Ljudevit Gaj (1809-1872) faisait paraître une proclamation annonçant deux publications utilisant la nouvel alphabet qu'il venait de mettre au point: "Ilirske narodne novine" (Gazette populaire illyrienne) et "Danica Ilirska" (Aube Illyrienne). Bien qu'il se soit séparé du Serbe Vuk Karadžić (1787-1864) en matière d'orthographe, l'alphabet cyrillique adopté par ce dernier vers 1850 correspond lettre pour lettre à l'alphabet latin de Ljudevit Gaj.

Cartes à jouer Texte 1 Texte 2 Carte postale Concert
Image 1: "Cartes de salon de Zagreb" (Dvorane zagrebačke karte). Imprimées par Joseph Bäck, Zagreb, 1847/1848. Eau forte colorée.
L'édition de cartes de tarot à décor traditionnel fut annoncée dans les "Narodne novine", le 19 mai 1847. Un certain Josip Bäck faisait savoir qu'il ouvrait une fabrique de cartes à jouer dans la Duga ulica. Ces cartes étaient ornées de tenues et costumes tirés de l'opéra "Ljubav i zloba" (Amour et malice), de paysages célèbres de Croatie et des principaux monuments de Zagreb. On leur décerna le titre de "Dvorana", "issues de la Maison de peuple", terme inofficiel appliqués à tous les locaux utilisés par le mouvement du Renouveau. Le dos des cartes était décoré d'une foule de petites demi-lunes avec au centre une étoile à sept branches, symbole du mouvement littéraire illyrien .

Images 2 :
- Journal du réformateur Ljudevit Gaj (1809-1872) le principal initiateur du mouvement de Renaissance nationale croate dit "illyrien" qui proposa une langue littéraire commune gommant les particuralismes locaux (štokavien jekavien). Il créa entre autres des salles de lectures (čitaonice) où de tels ouvrages étaient disponibles.
- Statuts de l'association Casino, fondée en 1841 en réponse aux salles de lecture populaires croates. Leurs membres se réunissaient pour organiser des bals dans l'ancien théâtre en langue allemande d' Amadeo dans la rue Demetrova où furent jouées en 1832-1833 et par des acteurs allemands, des pièces en croate kajkavien.

Image 3:
Statue de Ljudevit Gaj.

Image 4
Quelques objets de cette époque: ancien écritoire, sac et bourse ayant appartenu à Madame Ljubica Pisačićka, née Kukuljevićeva dont le nom figure sur la liste des souscripteurs d'un livre de poésies, "Glasi iz Dubrave Žeravinske", Les voix du Bois des Charbonniers, du Slovèno-Croate Stanko Vraz (1810-1851). Ce dernier était l'une des figures les plus en vue du mouvement illyrien. Le livre est dédicacé à son inspiratrice, Ljubica (Julienne) Cantilly, la nièce de son ami Ljudevit Gaj. C'est Vraz qui utilisa le premier l'alphabet de Gaj pour écrire le slovène.

Image 5
Le concert annoncé sur ce programme en deux langues, allemand et croate, a lieu dans une "dvorana" (cf. image 1).

Ban Josip Jelačić (1801-1859)


Portrait Jelačić Place Jelačić
Image 1: Le 23 mars 1848, le baron Josip Jelačić, nommé par décret impérial, gouverneur et général croate, est l’une des personnalités les plus importantes de l’histoire de la Croatie. Comme c'était un fervent partisan du mouvement illyrien, l’Assemblée nationale l'élit à l’unanimité gouverneur du Triple-Royaume de Croatie, Slavonie et Dalmatie.
Adhérant aux revendications du peuple, par un décrêt il abolit l'organisation féodale, convoqua le Parlement du pays à Zagreb pour proclamer la réunon de la Dalmatie au royaume de Croatie Slavonie.
Les 4 et 5 juin 1848, Zagreb assista à la cérémonie d'installation du gouverneur. C’était un événement majestueux, une cérémonie digne de l’acte historique. Voyant les 93 carrosses de cérémonie, la foule de dignitaires ecclésiastiques et laïques, l'enthousiaste populaire, le comte français Edgar Corberon compara l’entrée de Jelačić à Zagreb au retour des cendres de Napoléon à Paris.
En 1848, le général Jelačić défendit la cause impériale contre les insurgés hongrois, afin d'assurer à son pays une position équitable au sein du triple-royaume tripartite.
Après ses campagnes, il retourna à Zagreb, rendant souvent visite à la maison de ses parents, dans la rue Freudenreich, proche du palais du Gouverneur.
Il devint comte en 1854. Vaincu par la maladie, il mourut à Zagreb le 20 mai 1859.

Image 2: La place principale de Zagreb est nommé après lui: Place Ban-Jelačić. Sur cette place figure une statue équestre du ban Jelačić. Le régime communiste l'avait fait disparaître. Le nouveau régime l'a remise en place, mais elle fait face à la ville et non plus, comme à l'origine, à la Hongrie.

Réception solennelle du Ban Levin Rauch


Porte-drapeaux Allocution Porte-drapeaux

Itronisation du Ban Levin Baron Rauch, le 9 octobre 1869

Images 1 et 3: Un autre membre influent de la famille Rauch est le Baron Levin Rauch de Nyék (1819-1890). C'est un des membres fondateurs du Parti Unioniste Croato-Hongrois qui luttait contre le nationalisme croate (Hrvatski narodni preporod). Après les révolutions de 1848, la Croatie avait été directement rattachée à la Couronne des Habsbourg et séparée de la Hongrie. Avec le compromis austro-hongrois (Ausgleich) de 1867, l'Autriche-Hongrie était créée et Rauch fut nommé ban de Croatie le 27 juin 1867, dans un pays qui avait perdu son autonomie viv à vis de la Hongrie. Puis avec le compromis croato-hongrois de 1868, la Croatie recouvra une partie de son autonomie, tout en perdant certains autres droits. Rauch fut nommé officiellement Ban de Croatie-Slavonie le 8 décembre 1868 et resta en fonction jusqu'au 26 janvier 1871. Le 9 octobre 1869 il était reçu solennellement au Théâtre National Populaire entouré d'une foule de porte-drapeaux.

Image 2: Cette longue allocution fut lue à cette occasion.