Siège de Pestivien et Trogoff

Extrait de la Chronique de Bertrand Du Guesclin

Par Cuvelier, Trouvère du XIVème s. publié par E. Charrière en 1839 par Fermin Didot Frères à Paris

Texte modernisé suivi du texte original (Cliquer sur les cases "+" et "-" pour afficher ou effacer les chapitres)

'film1949.jpg
Affiche du film de Bernard de Latour "Duguesclin" avec Fernand Gravey, 1949

cix. — Bertrand arrive à Guingamp. —- Accueil qu’on lui fait. (Rimes en « is »)

cx. -— Bertrand veut partir, on ferme les portes de la ville. (Rimes en « a »)

cxi. -— Bertrand se rend à leur prière, et revient sur ses pas. (Rimes en « ie »)

cxii. — Atrocités commises par la garnison de Pestivien. (Rimes en « ez »)

cxiii. -— Préparatifs pour l’attaque du château. — Un espion vient avertir le commandant (Rimes en « ant »)

cxiv. — Sommation de Bertrand (Rimes en « iez »)

cxv. — On se prépare des deux côtés à l’attaque (Rimes en « ez »)

cxvi.. — Et à la défense. Commencement de l’assaut. (Rimes en « aux »)

cxvii. — Courage des habitants de Guingamp dirigés par Bertrand. (Rimes en « ez »)

cxviii. — Un écuyer normand plante son enseigne sur la forteresse. (Rimes en « ie »)

cxix. — Exploits du châtelain. (Rimes en « ant »)

cxx. — Il se rend à Bertrand. ——Celui-ci le sauve malgré les réclamations des bourgeois. (Rimes en « ie »)

cxxi. — Craintes de Thomelin, commandant de Trogoff, à la nouvelle de la prise de Pestivien. (Rimes en « oit »)

cxxii. — Prédictions de Merlin qui semblent concerner Bertrand. — Elles sont confirmées par la nature de ses armes. (Rimes en « ans »)

cxxiii. — Il met son château en état de résister. (Rimes en « aux »).

cxxiv. -— Il envoie un messager à Roger David, qui s’en plaint à Montfort. (Rimes en « ier »)

cxxv. —-Celui-ci vient trouver Montfort à Brest. — Felleton accuse Bertrand et dit qu’il fera juger l’affaire à Paris. (Rimes en « a »)

cxxvi. — Bertrand réduit le château de Trogoff. (Rimes en « er »).




RESUME PAR LE CHEVALIER DE FREMINVILLE

Tiré de son "Histoire de Bertrand Du Guesclin, Connétable de France et de Castille, considérée principalement sous le rapport stratégique, poliorcétique et militaire en général", Brest, A. Proux, 1841

"Duguesclin, donné en otage par Charles de Blois, au comte de Montfort, après le traité des landes d'Evran, ne fut pas rendu à son prétendant au trône ducal, quand les hostilités reprirent, mais, gardé par un Anglais, Felleton, s'évada et vint se réfugier à Guingamp où il séjourna quelques jours, d'où il songeait à aller en Normandie guerroyer pour Charles V, roi de France.
Mais les bourgeois de la ville implorèrent son secours pour les délivrer des ravages de deux fameux capitaines anglais : Roger Davy, à Pestivien (à 4 lieues de Guingamp), et Thuomelin à Trogoff en Plouégat-Moysan. « Nous sommes chargés, de la part de la ville, ajoutèrent ces bourgeois, de vous offrir une somme de 60.000 écus, et de mettre à votre disposition 6.000 hommes, si vous daignez en prendre le commandement, pour aller attaquer et détruire ces deux châteaux, repaires de vrais bandits ».
Duguesclin n'accepta de leur offre que les 6.000 hommes et non l'argent. Ce ne fut qu'au bout de 8 jours que les 6.000 hommes furent armés et équipés. Le grand capitaine se porta d'abord sur Pestivien qu'il démantela.
« Après cette expédition, Duguesclin marcha sur le château de Trogoff. Mais Thuomelin, ayant appris de quelle manière notre héros avait triomphé du château de Pestivien, qui était infiniment plus fort, n'attendit pas l'escalade, et dès qu'il se vit investi par les soldats de Bertrand, il se rendit à composition. Il eut la permission, pour lui et sa garnison, de sortir de la place, vie et bagues, sains, et de se retirer où ils voudraient ». Le château fut aussi démantelé, pourtant sans trop grandes ruines, puisqu'en 1841 il en restait encore une tour."

QUELQUES REMARQUES:

1. Les prises de Pestivien et de Trogoff sont deux événements consécutifs de l'année 1363 et non espacés de 5 ans comme l'écrit M. Donatien Laurent dans le catalogue de l'exposition "La Bretagne au temps des Ducs 1491-1991', p. 129. Il date Trogoff de 1364 et Pestivien de 1369.

2. Il existe d'autres récits de ces deux exploits de Du Guesclin:
  • Une variante en prose, dite "Chronique anonyme", du présent poème, éditée, entre autres, par Francisque Michel de l'école des Chartres en 1830, cite de nombreux manuscrits et livres imprimés aux titres divers, tels que "Le Roman de Bertran de Glacquin ou Du Guesclin", dans lequel l'auteur s'appelle "Cimelier". Elle reproduit un texte en prose qui fait figure de résumé du poème de Cuvelier en 22.790 vers. C'est un livre imprimé à Lyon au 15ème siècle : Pestivien y est appelé tantôt "Prestan", tantôt "Pithiviers". Roger David s'appelle David Hollegriefve, époux de la vicomtesse de Rouen (=Rohan) (Allgreave est le nom d'un village dans le Cheshire en Angleterre). Trogoff y devient Tourgost. Thomelin s'appelle Thomnellin . La prophétie qui le conduit à capituler est décrite ainsi: "Quand il se vit assiégé, si lui souvint que es livres de Merlin avait vu qu''en ce temps issirait de la petite Bretagne une aigle qui de la condition du petit estournel serait, etc."
    Il existe une autre édition moderne de ce même texte: J.-A.-C. Buchon, "Choix de chroniques et mémoires sur l'histoire de France: Chronique anonyme de sire Bertrand du Guesclin", Paris, Desrez, 1839, t. 4, p. 1-95. Deux traductione en français moderne sont dues, l'une à Gabriel Richou (1879), l'autre à Jules Chappée (1892-1896)
  • « Histoire de Bertrand Duguesclin » du conseiller Hay du Chatelet (1620-1682), l'un des premiers membres de l'Académie française, qui raconte avec une foule de détails le siège de Pestivien, l'imprenable château entouré d'un plan d'eau.
  • "Bertrand Du Guesclin : connétable de France et de Castille" par Émile de Bonnechose (1801-1875), 1880, Paris, qui se demande si Duguesclin avait failli à l'honneur, quand il faussa compagnie à Felleton: "La guerre recommença et les otages furent rendus mais Montfort, contre tout droit, refusa de rendre la liberté à celui qu'il redoutait le plus dans le parti opposé au sien, il retint prisonnier Bertrand du Guesclin, et en remit la garde à ce même Felleton qui était tombé deux fois entre les mains du héros breton. En fait, selon la chronique de Guillaume Saint-André, relative à ce "traité d'Evran', Bertrand, engagé au service du Duc d'Orléans, n'avait accepté de servir d'ôtage que pendant un mois et avait été remis entre les mains de Knolles, non de Felleton. A l'expiration de son engagement,il prit congé de son hôte qui lui donna un écuyer pour lui faire honneur. Felleton qui avait été arbitre dans le traité d'Evran et désirait assouvir sa rancune, allégua qu' une clause du traité avait été prétendument violée; L'affaire fut jugée à l'avantage de Duguesclin par le Parlement de Paris en novembre 1363 ..."
    Tous ces ouvrages puisent à une source commune qui n'est autre que le poème de Cuvelier.

    3. La prophétie du chevalier à l'écu portant un aigle qui impose à tous son ascendant comme l'étourneau attire ses congénères (vers 3286 à 3299) n'est pas aisée à identifier parmi les 74 prophéties du "Livre des rois de Bretagne" de Geoffroy de Monmouth. Il n'est pas étonnant que ce livre ait trouvé sa place dans la bibliothèque du château de Trogoff. Plus de 200 exemplaires de l’"Historia Regum Brittaniae" de Geoffroy de Monmouth sont recensés" (Guenée Bernard, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, 1980, p. 250).
    On réserve aujourd'hui le nom de "Livre de Brut" (un nommé Brutus" est censé être l'ancêtre éponyme des Britons) à la "Chronique de Castleford en moyen anglais qui raconte l’histoire de la Grande-Bretagne jusqu’en l’an 1327. Elle s’inspire notamment de l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth .
    Cuvelier devait plutôt penser à un ouvrage en français, le "Roman de Brut" de Wace qui transpose l’"Historia regum Britanniae", de Geoffroy de Monmouth, Quoi qu'il en soit, l'étourneau est relativement absent des ouvrages traitant du symbolisme des animaux, si ce n'est que sans les "Mabinogion" gallois, Branwen, maltraitée par son mari, l'Irlandais Matholouc'h, communique avec son frère Bran le Béni grâce à un étourneau.
    Si la prophétie de l'"Aigle et de l'étourneau" qui décida Thomelin à se rendre sans combattre semble difficile à identifier, il n'en va pas de même de celle de la "Vierge du Bois Chenu" qui fut invoquée lors du procès de Jeanne d'Arc: elle correspond aux prophéties 32 à 34 de l'ouvrage de Geoffroy de Monmouth.

    4. Trogoff fut remis sans combattre par Thomelin à Duguesclin, à la différence de Pestivien que Roger David défendit avec une énergie farouche. Il n'est pas étonnant que non seulement Le vassal de Duguesclin, mais aussi La filleule de Duguesclin , en dépit des transformations apportées par La Villemarqué aux chants authentiques qu'il avait collectés ont trait à la prise de Pestivien (et non à celle de Trogoff en ce qui concerne le second poème).

    Retour vers "La filleule de Duguesclin"
    Retour vers "Le vassal de Duguesclin"