GWERZ PENMARC'H



ton
Kempennet gant Christian Souchon (c) 2006


"La Taverne de la Jamaïque", film d'Alfred Hitchcock, 1939

VERSION LONGUE


1. An deiz a foar Santez Katell
Sortias ar flod d'eus Ster-Bourdel (bis)

a. Ha pa oe war ar rad mouilhet
N'o-doa bet banne avel a-bet.

b. Ha kaer o-doe int naviget
Avel awalc'h n'o-deus kavet ket

2. Pa voent erru e-tal Penmarc'h
Neuze oa dezhe avel awalc'h:

c. Gouloù a-dreñv, gouloù araok:
Int a soñje bout e-kreiz ar flod.

d. "Kouraj, kouraj, bugaligoù:
Da vont ' benn d'an avel d'ar C'heloù

e. Ma z'imp 'benn 'n avel d'ar C'heloù,
Ni 'vo koue'et e Penmarc'h en aochoù..."

3. Petra c'hoarvez gant Penmarc'hiz
A zalc'h gouloù en noz 'n o iliz?

4. Kriz a galon nep na ouelje
E-tal Penmarc'h nep a vije

f. O welet ar mor o virviñ
Gant ar vartoloded o veuziñ?

5. O welet ar mor o ruzhiañ
Gant gwad ar gristenien o veuzañ?...

g. "Piv ' gaso 'r c'heloù da Waien:
Eo kollet ar flod holl 'met unan?

h. Piv fell d'eoch, 'met ur chas-mare,
Nemet ur chas-mare a rafe?

i. Ur chas-mare eus Porzh-Loeizon
A soñje de doublje ar C'heloù..."

j. Oa ket e gomz peurlavaret
Un taol mor eas ha -deus hen beuzet...

6. Ni a wele merc'hed Gwaien
O tont en aod gant liñserioù gwenn.

7. Kant intañvez d'eus bae Gwaien
A gasas gante kant liñser wenn.

8. O c'houll an eil digant eben:
" N'ho-Peus ket klevet keloù ma den?"

9. "Penaos me 'welfe korf ho ten,
Pa 'mañ 'tebriñ krañked melen?"

k. Kriz vije 'r galon na ouelje
'Korn an Dorchenn nep a vije

l. O welout ar c'horfoù o tont
Ivez da Bennhorz ha d'Ar Gador

m. E Plozeved er parkoù 'maint
Gouelioù lienn ar flod o sec'hañ.

n. Red eo bennigañ ar parkoù
Evit douariñ ar c'horfoù

o. An Aoc'hig Drev 'zo un den mat
'deus sternet e garr d'o charreat,

p. Evit o kas, da zaou, da dri
Da Ver'd Sant-Per da interiñ.

10. Malloz, malloz da Penmarc'hiz
A zalc'h gouloù noz 'n o iliz!

q. Da Penmarc'hiz, da Blozevet
Ivez da Benhorz, da Dregenneg

11. A zalc'h gouloù 'n o ilizoù
Vit ma ' yel d'an aod 'r batimañchoù!

r. Tudoù Penmarc'h zo tud daonet
Birviken gant Doué pardonet!

Hervez Stumm F-V. An Uhel

VERSION COURTE


1. Bremañ bloaz, da Santez Katell
Sortias ar flod eus a Vourdel (bis) [1]

2. Pa oent erru e-tal Penmarc'h
O devoe kavet avel a-walc'h (bis)

3. Petra c'hoarvez gant Penmarc'hiz
O terc'hel gouloù-noz 'n o iliz ?

4. Kriz a galon neb na ouelje
E-tal Penmarc'h neb a vije

5. O wel't ar mor bras o ruziañ
Gant gwad ar gristenien ennañ !

6. Neb a welje merc'hed Gwaien
O vont d'an aod beb a-unan

7. Seizh intañvez ha seizh-ugent
O vont d'an aod en ur vandenn

8. O c'houl' an eil digant eben :
- N'az peus ket klevet keloù va den ? [2]

9. - Keloù ho ten ha va hini :
E-tal Penmarc'h 'maint o veuziñ!

10. Mallozh ! mallozh da Benmarc'hiz
A zalc'h gouloù-noz en o iliz

11. 'Zalc'h gouloù-noz 'n o ilizoù
'Vit ma yel d'an aod 'r batimanchoù



TRADUCTION


1. Le vingt-cinq novembre à Bordeaux
L'an passé, sortirent les bateaux. (bis) [1]

a. Lorsque dans la rade ils mouillaient,
Le vent avait cessé de souffler.

b. Ils avaient beau se démener
Le vent venait toujours à manquer.

2. Quand de Penmarc'h ils approchèrent
C'est voiles gonflées de vent arrière,

c. Feux derrière comme devant:
La flotte autour d'eux, assurément!

d. "Courage, courage, petits,
Grâce au vent, contournons les récifs...

e. Vent et récifs auront tôt fait
Que sur Penmarc'h nous soyons jetés..."

3. Gens de Penmarc'h, est-ce vous qui
Laissez l'église éclairée la nuit!

4. Bien cruel eût été qui n'eût
Pleuré devant Penmarc'h, quel qu'il fût,

f. Voyant la mer qui bouillonnait
Et tous ces marins qui se noyaient?

5. Voyant l'océan empourpré
Du sang de ces chrétiens naufragés!

g. "Qui veut à Audierne annoncer
Qu'un seul navire a pu réchapper?

h. Qui d'autre qu'un chasse-marée,
Peut de cette tâche s'acquitter?

i. Un chasse-marée de Port-Louis
Saura doubler les Hélou, pardi ..."

j. Ce discours n'était pas fini
Qu'un paquet de mer l'a englouti...

6. Les femmes d'Audierne accouraient
Vers le rivage (portant des draps blancs) l'air éploré.

7. Cent (quarante sept) sur la grève,
Toutes veuves, venues en cortège.

8. Elles s'interrogent entre elles:
- A-t-on de mon mari des nouvelles? [2]

9. - Les mêmes du vôtre et du mien:
Disparus à Penmarc'h (proie des crabes jaunes) corps et biens!

k. Qui n'eût pleuré, n'eût point de coeur
A la Torche en voyant ce malheur

l. Voyant affluer tous ces corps
A Plozévet, La Chaise et Penhors.

m. A Plozévet où dans les prés
On a mis les voiles à sécher.

n. Il va falloir bénir les champs
Pour enterrer tous ces pauvres gens.

o. Rendons grâce au Père Dréo:
Il attela son char aussitôt,

p. Les naufragés il emporta
Au cimetière par deux ou trois .

10. Gens de Penmarc'h, soyez maudits
Dont l'église est éclairée la nuit!

q. Gens de Penmarc'h, de Plozévet
Gens de Penhors et de Tréguennec

11. Vos église sont des fanaux
Jetant sur la rive les bateaux.

r. Gens de Penmarc'h soyez maudits
Que Dieu ne vous reçoive à merci !

Trad. Ch. Souchon (c) 2006


NOTES

Classification Malrieu: M-00130, Flod Gwaien, la Flotte d'Audierne, The Audierne Fleet, 5 versions, 11 occurrences.

Collecté pour la 1ère fois avant 1892 par F-M. Luzel à Penmarc'h, chanteur "Nona An Dréon, vieux matelot de Kérity-Penmarc'h et publié dans "Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, année 1886, tome 7, p.126-130.

[1] Ce chant date d'une époque (17ème s.?) où la navigation côtière se faisait en "flottes" (flod) avec escorte de bateaux de guerre pour se protéger des navires anglais.
Il ressort d'une lecture objective que ce naufrage collectif est un accident: les bateaux, un temps retardés par l'absence de vent, passent de nuit devant des bourgades côtières (Penmarc'h, Plozévet, Penhors, Trégennec) où la célébration de la Sainte Catherine a conduit à prolonger l'éclairage des l'églises. Trompés par ces feux qu'ils confondent avec les lanternes des bateaux escorteurs, les navires marchands viennent heurter les rochers de la côte (La Torche, la Chaise, les Hélou...). Ces bateaux retournaient à leur port d'attache: Audierne.

[2] Cette complainte, et cette strophe en particulier, a inspiré la sarcastique gwerz publiée en 1939 par le chanoine Pérennès, Le bateau naufragé.
Il serait intéressant de savoir si la femme de lettres britannique Daphné du Maurier (1907-1989) connaissait cette gwerz. Son roman "l'Auberge de La Jamaïque" met en scène des naufrageurs de Coenouailles qui se servent de lanternes pour provoquer la perte de navires qu'ils pillent après avoir occis les rescapés. Alfred Hitchcock en a tiré un film du même nom avec Charles Laughton et Maureen O'Hara.
La séquence "You-tube" que la vidéaste "Bretonne" consacre à la Gwerz Penmarc'h suggère qu'une concurrence ancienne entre Audierne et Penmarc'h dans le commerce du vin de Bordeaux serait à l'origine de cette composition.


Malrieu Index: M-00130, "Flod Gwaien", "la Flotte d'Audierne", "The Audierne Fleet", 5 versions, 11 occurrences.

First collected before 1892 by F-M. Luzel at Penmarc'h, singer: Nona An Dréon, an old sailor from Kérity-Penmarc'h, and published in "Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest," 1886, volume 7, pp. 126-130.

[1] This song dates back to the 17th century (?) when coastal navigation was carried out in "fleets" ("flod") with escorts of warships to protect merchant ships against English vessels.
An objective reading suggests that the reported collective shipwreck was an accident: the ships, temporarily delayed by the lack of wind, were passing at night in front of the coastal towns Penmarc'h, Plozévet, Penhors and Trégennec where the celebration of Saint Catherine's Day had led to the churches being kept lighted late into the night. Fooled by these lights, which they mistook for the lanterns of the escort ships, the merchant ships struck the rocks along the coast (La Torche, La Chaise, Les Hélou, etc.). These ships were returning to their home port: Audierne.

[2] This lament, and this stanza in particular, inspired the sarcastic gwerz published in 1939 by Canon Pérennès, The Shipwrecked Boat.
It would be relevant to know if the British writer Daphné du Maurier (1907-1989) was familiar with this gwerz. Her novel "The Jamaica Inn" features Cornwall shipwreckers who used lanterns to cause the shipwreck of ships, which they plundered after killing the survivors. Alfred Hitchcock made a film of the same name from it, starring Charles Laughton and Maureen O'Hara.
The YouTube clip that the videographer "Bretonne" devotes to "Gwerz Penmarc'h" suggests that a long-standing rivalry between Audierne and Penmarc'h in the Bordeaux wine trade may have been the origin of this composition.




"La gwerz de Penmarc'h" interprêtée par les "Naufrageurs bigoudens"

* Taolenn*