BREZHONEK KLOAREK AL LOYER [1] p. 67 I 1. - Pa oan me e prizon 'n Naonet [2] Den 'bed zeue d'am gweled. Nemed al logod hag ar razhed. 2. Nemed logod hag razhed du Demeus ar re-se me oa didu, Demeus ar re-se me oa didu. 3. Pa m'edo er prizon e Gwened Tud awalc'h a zeue d'am gweled. Tudjentiled ha dimezeled. 4. Ha tud a Justis war o c'hezek... - Kloarek Al Loyer petra 'peus graet, Kloarek Al Loyer petra 'peus graet? 5. - Me n'am eus na tanet na laeret [3] Na war an hent bras derobet. Med merc'h ar Senechal, glevan, zo laeret. [4] 6. Me n'am eus avat graet kement-se, M'am-eus he kavet kousket em gwele, M'am-eus he kavet kousket em gwele? 7. 'M-eus he kavet kousket etre liñselioù wenn Ar c'harkanioù aour 'n he c'herc'hen, Ar c'harkanioù aour 'n he c'herc'hen. II 8. - Lezit-c'hwi ganin va mab kloarek! Me roy deoc'h e bouez an aour peuzet, Me roy deoc'h e bouez an aour peuzet! 9. - Na pa goustfe din-me va holl vat, Me lakay da vab da braonchalat, Me lakay da vab da braonchalat. p. 68 10. - Lezit-c'hwi ganin kloarek, mab me! Me roy deoc'h pouez va inkane, Va mab kloarek, ha me war he revrioù! - III 11. Kloarek Al Loyer a lavare War ar c'hentañ pasenn pa pigne, War ar c'hentañ pasenn pa pigne: 12. - Pelec'h ema e verc'h d'ar Senechal? Pa n'ema erru en ur fragal Ha daou-tri rum dañtel war he zal? - 13. Kloarek Al Loyer a lavare, Pa war an eil pasenn eñ pigne, Pa war an eil pasenn eñ pigne: 14. - Kasit din-me va binioù, Vit me reiñ ur zonenn pe zaou, Vit me reiñ ur zonenn pe zaou. 15. Ma rejouiso ar c'halonoù Spesial re zo en o c'hambroù, Spesial re zo en o c'hambroù. - IV 16. Merc'h ar senechal adal ma glevas, Pallen eus e gwele a rogas Vit ober pasennoù da zont d'an diaz. 17. - Bonjour deoc'h-c'hwi, va zadik , a-grenn! C'hwi zo aze, plaen, war ho torchenn, O kondu v' amour kloarek d'ar gordenn! p. 69 18. Diskennit, kloarek, ha deuit d'an diaz: Me zo bet, on bet deoc'h, ha vihen c'hoazh Me zo bet, on bet deoc'h, ha vihen c'hoazh 19. Ha me wisko brozh ha boutoù koad, Ha me yelo d'ar park da labourat, Ha me yelo d'ar park da labourat. 20. - Danvez awalc'h zo ti va zad, Evit delc'her tud da labourat, Delcher merc'h Senechal en he stad. [5] |
TRADUCTION FRANCAISE LE CLERC LE LOYER [1] p. 67 I 1. - Aux prisons de Nantes, ma foi, [2] Beaucoup de visites, je n'avais pas, Excepté des souris et des rats. 2. Des souris, des rats à foison: C'était bien là ma seule distraction, C'était là ma seule distraction, 3. Tandis qu'à la prison de Vannes Bien des gens viennent me voir, Dieu me damne! Des gentilshommes, de nobles dames, 4. Des gens de justice à cheval... - Clerc Le Loyer, qu'avez-vous fait de mal? Le Loyer, qu'avez-vous fait de mal? 5. - Ni brûlé, ni volé de biens, Comme font les bandits de grand chemin, Mais séduit, aux dires de certains, [3] 6. La fille du Sénéchal! Oui, [4] Moi qui l'ai trouvée couchée dans mon lit! Qui l'ai trouvée couchée dans mon lit! 7. L'ai trouvée entre les draps blancs, Au cou portant un beau collier d'argent. Au cou portant un collier d'argent. II 8. - Rendez-moi mon fils bien-aimé! Et son poids en or je vous donnerai, Son poids en or je vous donnerai. 9. - Je donnerais tout mon bien pour Que ton fils, il soit pendu haut et court, Que ton fils soit pendu haut et court! p. 68 10. - Rendez-moi mon fils, Sénéchal, Vous aurez le poids d'or de mon cheval, De mon fils et moi sur l'animal! - III 11. Or, Le Loyer disait ces mots Sur le premier degré de l'échafaud, Le premier degré de l'échafaud: 12. - Sénéchal, votre demoiselle, Parée de ses beaux atours, ne vient-elle Pas avec sa coiffe de dentelle? - 13. Le clerc Le Loyer demandait, En gravissant le deuxième degré, Gravissant le deuxième degré: 14. - Que l'on m'apporte mon biniou! Je vais jouer un air ou deux, et c'est tout, Je vais jouer un air ou deux, c'est tout. 15. Car je voudrais réjouir les cœurs Qui demeurent claquemurés ailleurs, Qui restent claquemurés ailleurs. - IV 16. Lorsque la fille l'entendit. Elle déchira les draps de son lit, En fit des marches et descendit. 17. - Bien le bonjour, père assassin, Qui le derrière assis sur un coussin, Prenez une vie qui m'appartient! p. 69 18. Clerc, quitte ces tréteaux de mort: Moi qui fus tienne, je le suis encor, Je fus tienne, je le suis encor. 19. Je prends souquenille et sabots, Pour travailler dans les champs, s'il le faut, Pour travailler aux champs, s'il le faut. 20. - Père possède assez de bien Pour confier sa tâche à d'autres qu'aux siens: Chez nous tu ne déchoiras en rien! [5] Traduction: Christian Souchon (c) 2014 |
ENGLISH TRANSLATION CLERK LE LOYER [1] p. 61 I 1. - In Nantes jails I happened to be: [2] The cutest things there I did ever see Were rats and mice that came to see me, 2. Grey mice and black rats of all sorts That were my only amusements and sports, Were my only amusements and sports. 3. When I was in Vannes under lock And key, people did to my prison flock, Damsels and gentlemen in did walk, 4. While the lawyers came on horseback... - Clerk, of ill deeds you must have got a stack Of ill deeds you must have got a stack. 5. - Not for robbery or arson They blame me, or for being a highwayman: But for Sheriff's daughter's subversion. [3] [4] 6. Yet I never did such a thing: Once I found her in my bed, sound sleeping, I found her in my bed, sound sleeping. 7. Found her asleep in white bed clothes That a gold necklace round her neck disclosed A gold necklace round her neck disclosed. II 8. - Give my son, the clerk, back to me! To give you his weight in gold I agree, To give his weight in gold I agree! 9. - If I am to spend all my good, Your son shall hang from a branch in the wood, He shall hang from a branch in the wood. p. 68 10. - Give me back my son, be so kind! I'll give the weight in gold of my horse, mind, With my son and me, riding behind! - III 11. Now the Clerk Le Loyer has told When mounting the first step of the scaffold, Mounting the first step of the scaffold: 12. - Sheriff's fair daughter I miss you! Was so sure that you would come into view With lace headdress to give me my due - 13. Then Clerk Le Loyer he has told, Mounting the second step of the scaffold, Upon the second step he has told: 14. -I wish you'd bring me my "biniou", So that I might play a ditty or two, That I might play a ditty or two. 15. That lonely hearts with joy may bloom Especially those locked up in a room, All those that are locked up in a room. - IV 16. The sheriff's lass sprang to her legs And has torn her sheets and blankets to shreds So as to make a ladder with treads. 17. - Hello father! I did elope! You sit on a soft cushion in the hope, To see my clerk on the hangman's rope! p. 69 18. Descend, darling, from this scaffold: I was your wife and I shall it uphold, I was yours and I shall it uphold! 19. I 'll put on clogs, the hoe I'll wield, O I shall work hard with you in the field, I shall work hard with you in the field. 20. - Now my father is rich enough To have other people do all this stuff, Spare a sheriff's lass tasks that are tough. [5] Translation: Christian Souchon (c) 2014 |
[1] Bibliographie:
[2] Le château ducal de Nantes devint une prison pour détenus prestigieux sous Richelieu. En 1654, le Cardinal de Retz, chef de la Fronde réussit à s'échapper du château. Un autre candidat possible est le surintendant des Finances, Nicolas Fouquet (1615 - 1680), que Louis XIV fit arrêter à Nantes le 4 septembre 1661 et conduire au château d'Angers. [3] Laerezh: Signifie ordinairement "voler", mais ici "séduire". Le "rapt de séduction" dans lequel une jeune fille de la petite noblesse, souvent désargentée, se laisse enlever par le fils instruit (clerc) d'un fermier enrichi, pour forcer ses parents à régulariser sa situation et admettre la mésalliance, est le sujet de plusieurs chansons (par exemple le "son" de Margodic de La Boissière). Celles-ci reflètent l'évolution sociale caractéristique de la fin du 18ème siècle. En l'occurrence, le père de la jeune femme a profité de son statut de magistrat pour donner à l'affaire une tournure criminelle et obtenir une condamnation à mort. La version "Kloarek ar Glaouiar" (Gwerzioù II de Luzel, p.420-427) est plus explicite. On comprend que la fille du Sénéchal est enceinte du clerc: "deus al lec'h-se, kloarek, paotr mad/ Da lakaat badeziñ merc'h pe vap!" (Descend de là, mon clerc bien-aimé, faire baptiser ta fille ou ton fils!). Son père a fait condamner le clerc pour viol et enfermé sa fille pour l'empêcher de le contredire. Avertie du danger par le biniou (un violon chez Luzel), la jeune femme s'échappe et vient, in extremis, rétablir la vérité et proclamer qu'elle se moque de la mésalliance que représente son union avec le fils d'un paysan qui s'avère au bout du compte disposer d'une fortune suffisante pour lui assurer son ancien train de vie. [4] Les sénéchaux, comme les baillis dans le nord de la France, étaient les officiers royaux à la tête des entités judiciaires de proximité. [5] Version française: On trouvera ci-après, la version française la plus connue (hormis une variante paillarde dont la mélodie inspirée d'une sonnerie de chasse est très réussie) de la gwerz bretonne. Georges Brassens a consacré la 3ème strophe de sa chanson "La route aux quatre chansons" aux "Prisons de Nantes": "Je me suis fait faire prisonnier, Dans les vieilles prisons de Nantes, Pour voir la fille du geôlier, Qui parait-il, est avenante. Mais elle avait changé de ton, Quand j'ai demandé :«que dit-on Des affaires courantes, Dans la ville de Nantes ? » La mignonne m'a répondu : « On dit que vous serez pendu Au matines sonnantes, Et j'en suis bien contente !» Les geôlières n'ont plus de cœur Aux prisons de Nantes et d'ailleurs. La geôlière de la chanson Avait de plus nobles façons." Il existe une variante de la ballade française dans laquelle la jeune fille use d'un subterfuge pour sauver son ami: ils échangent leurs vêtements et la belle prend la place du condamné à mort dans la prison: Puisqu'il en est de la sorte, on ne peut vous condamner. Si vous êtes une fille, on ne peut vous étrangler Et nous vous permettons, chez vous de retourner... Plus loin la fille s'écrie: Je me moque des juges et leurs bonnets carrés Et de ces robes noires: j'ai mon amant sauvé! L'intrigue de cette chanson rappelle de façon surprenante l'épisode Jacobite de l'évasion de Lord Maxwell de la Tour de Londres le 23 février 1715, avec l'aide de sa femme. |
[1] Bibliography:
[2] The castle of the Dukes in Nantes became a jail for prominent prisoners under Richelieu. In 1654, Cardinal de Retz, the leader of the "Fronde" uprising, managed to escape from the castle. Another contender for being the hero of the story is the Finance Superintendent, Nicolas Fouquet (1615 - 1680), who was arrested by order of Louis XIV in Nantes on 4th September 1661 and sent to be jailed in Angers Castle. [3] Laerezh: usually means "to steal", but here "to seduce". (here translated as "subversion"). The "agreed abduction" whereby an (often left broke) low gentry girl, elopes with the educated son (a clerk) of an enriched farmer, to force her parents to legalize her situation and accept that she should marry beneath herself, gives the plot for several songs (for instance the "son" of Margodic de La Boissière). These songs highlight the social upheavals in the late 18th century. In the present instance, the girl's father availed himself of his authority as a judicial officer to represent the case as a criminal affair and have the young man sentenced to death. The version "Kloarek ar Glaouiar" (Gwerzioù II by Luzel, p. 420-427) is more explicit. It clearly states that the Seneschal's daughter is pregnant by the clerk ("deus al lec'h-se, kloarek, paotr mad/ Da lakaat badeziñ merc'h pe vap!": Come down, my darling clerk, and have our son or daughter baptized!). Her father had the clerk sentenced to death for rape and he had locked up his daughter lest she would contradict him. Warned by the biniou tune (a violin in Luzel's version), the girl escapes and restores the truth in the last moment: she doesn't care if she marries beneath herself, all the more so, since her husband is very well off, after all, and able to ensure her usual high standard of living. [4] Seneschals (translated here as "sheriff"), and Bailiffs in Northern France, were royal officers who were vested with local judiciary and police powers. [5] A French language version: Further below is the most popular French language (but for a bawdy variant with a haunting tune imitating the sound of hunting horns) counterpart to the Breton song. Georges Brassens dedicated the third stanza of his song "La route aux quatre chansons" to the "Prisons of Nantes": "A prisoner I came to be In the old stately jails of Nantes, The jailer's girl I burnt to see For the song of her was so haunting. But now she speaks another way, When I asked her :«What is the la- test gossip, say, currently, Here in old Nantes fair city? » This answer gave me that sweet girl : « A rope for you they will unfurl; Early tomorrow morning, And I find it exciting!» Never were jailer girls so bad In Nantes, or elsewhere, may I add. The jailer girl in the old song, She never would have done such wrong!" There also is a variant to the French song in which the girl uses a subterfuge to save her friend: they exchange clothes and the girl takes the place in jail of the man sentenced to death: Since the situation is such, We cannot condemn you. If you are a girl, We are not allowed to throttle you And give you the permission to return home... Then the girl ejaculates: I don't care for judges with their square bonnets And black cassocks, as long as my lover is saved! The plot of this latter song is astonishingly similar to the Jacobite episode of Lord Maxwell's escape from London Tower, on 23rd February 1715, with the help of his wife. |
FRANCAIS LES PRISONS DE NANTES 1. Dans les prisons de Nantes, et tra lalalalala et tralali et tra lalalala Dans les prisons de Nantes, Y'avait un prisonnier, Y'avait un prisonnier. 2. Personne ne vint l'vouère Personne ne vint l'vouère Que la fille du geolier, Que la fille du geolier! 3. Elle lui porte à boire Elle lui porte à boire A boire et à manger A boire et à manger 4. Et des chemises blanches Et des chemises blanches Quand il veut en changer Quand il veut en changer 5. Un jour il lui demande, Un jour il lui demande: - Mais que dit-on de mouè? Mais que dit-on de mouè? 6. - On dit de vous en ville, On dit de vous en ville, Que demain vous mourrez... Que demain vous mourrez... 7. - Mais s'il faut qu'on me pende, Mais s'il faut qu'on me pende, Déliez moi les pieds, Déliez moi les pieds! - 8. La fille était jeunette, La fille était jeunette, Les pieds lui a délié, Les pieds lui a délié! 9. Le galant fort alerte, Le galant fort alerte, Dans la Loire a sauté, Dans la Loire a sauté! 10. Dès qu'il fut sur la grève, Dès qu'il fut sur la grève, Il se mit a chanter, Il se mit a chanter... 11. - Je chante pour les filles, Je chante pour les filles, Surtout celle du geôlier, Surtout celle du geôlier. 12. Si je reviens à Nantes, Si je reviens à Nantes, Oui, je l'épouserai, Oui, je l'épouserai! - |
ENGLISH THE PRISONS OF NANTES 1. In the prisons in Nantes, et tra lalalalala et tralali et tra lalalala In the prisons in Nantes, There was a prisoner, There was a prisoner. 2. Nobody came to visit him Nobody came to visit him But the jailer's daughter, But the jailer's daughter! 3. She gave him water to drink She gave him water to drink Water to drink and food to eat Water to drink and food to eat 4. And she brought him a fresh shirt And she brought him a fresh shirt When the old one had to be changed When the old one had to be changed. 5. One day he asked her, One day he asked her: - What do they say about me? What do they say about me? 6. - There is a rumor about town, There is a rumor about town, That you'll be put to death tomorrow That you'll be put to death tomorrow 7. - If I am to be hung If I am to be hung Please, untie my feet Please, untie my feet! - 8. The girl was very young, The girl was very young, She did untie his feet, She did untie his feet! 9. The right nimble gallant, The right nimble gallant, Has dived into the Loire, Has dived into the Loire! 10. After he'd reached the bank, After he'd reached the bank, He began to sing, He began to sing... 11. - I sing for the daughters, I sing for the daughters, Especially that of the jailer, Especially that of the jailer. 12. If I return to Nantes, If I return to Nantes, For sure, I'll marry her, For sure, I'll marry her! - |