Les funérailles d'antan

Funerals of times bygone

Georges Brassens (1960)

1. Jadis, les parents des morts vous mettaient dans le bain, De bonne grâce ils en faisaient profiter les copains: «Il y a un mort à la maison, si le cœur vous en dit, Venez le pleurer avec nous sur le coup de midi... » Mais les vivants aujourd’hui ne sont plus si généreux, Quand ils possèdent un mort ils le gardent pour eux. C’est la raison pour laquelle, depuis quelques années, Des tas d’enterrements vous passent sous le nez. (bis) Refrain Mais où sont les funérailles d’antan? [1] Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards De nos grands-pères, Qui suivaient la route en cahotant, Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées Ronds et prospères… Quand les héritiers étaient contents, Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même, Ils payaient un verre. Elles sont révolues, Elles ont fait leur temps, Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres, On ne les reverra plus, Et c’est bien attristant, Les belles pompes fu- nèbres de nos vingt ans. 2. Maintenant, les corbillards à tombeau grand ouvert [2] Emportent les trépassés jusqu’au diable vauvert, Les malheureux n'ont même plus le plaisir enfantin De voir leurs héritiers marrons marcher dans le crottin. L’autre semaine des salauds, à cent quarante à l’heure, [3] Vers un cimetière’ minable emportaient l'un des leurs… Quand, sur un arbre en bois dur, ils se sont aplatis On s'aperçut que le mort avait fait des petits. (bis) (Refrain) 3. Plutôt que d’avoir des obsèques manquant de fioritures, J’aimerais mieux, tout compte fait, me passer de sépulture, J’aimerais mieux mourir dans l’eau, dans le feu, n’importe où, Et même, à la grand’ rigueur, ne pas mourir du tout. O, que renaisse le temps des morts bouffis d’orgueil, L’époque des m’as-tu-vu- dans-mon-joli-cercueil, Où, quitte à tout dépenser jusqu’au dernier écu, Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul. (bis) [4] (Refrain)

1. In olden times the deads' parents were anxious to please Their friends: they kindly let them profit from a decease. “We have got a corpse at home, consider it a boon, Please do come and with us mourn him at the stroke of noon ...” But today the living are no more so generous, Whenever we have a corpse we will keep it for us And for so many years past That's the reason for which, A lot of burials We were condemned to miss. (twice) Chorus : Ah, the funerals of times bygone! [1] Ah, the small hearses, small hearses, small hearses, small hearses Of our dear grandfathers, That followed the road bouncing along, With their precious load of little stiffs, little stiffs, little stiffs Plump and properous ... When the heirs had had satisfaction, Grave-digger and undertaker, and priest, even horses They got a drink offered. Now you are past and gone, Now you have passed away, Ye, lovely pom, pom, pom, pom, pomp and circumstances! You're nevermore to come Again, so sad to say, Ye, pomp and circumstances of my younger days! 2. Now hearses, at the risk of accident and great pace, Carry the dead right up to some god-forsaken place. The unfortunates no more rejoice a little bit At seeing their duped heirs walking through the horseshit. The other week some bastards, at the speed of ninety [3] Miles an hour drove one of theirs to some mean cemetery... When they’d flattened themselves on a tree made of hard-wood It appeared that the de- -ceased had got a large brood. (twice) (Chorus) 3.Rather than a funeral without flourish and pomp, I'd rather do, all things considered, without a tomb. I’d rather die burnt alive, drown'd, doesn’t matter where, I'd accept even not to die at all, if need were. O, let the time of the dead bloated with pride return, The show-off days of the did-you-see-my-splendid-urn! When, even if it meant that all their money would drift, People wanted to die higher than they had lived. (twice) (Chorus) Transl. Christian Souchon (c) 2022

NOTES
[1] Mais où sont les funérailles d'antan? Réminiscence de la ballade de François Villon, “Mais où sont les neiges d'antan”.

[2] L'expression « à tombeau ouvert » est utilisée au moins depuis 1894 pour signifier « chevaucher à une vitesse folle ». Supposer ici un double sens possible (« transporter un cadavre vers une tombe grande ouverte ») est tentant, mais ce serait une erreur.

[3] La conversion en mesures anglosaxonnes donne 88 mi/h et non 90 mph: Traduttore traditore!

[4] L'expression « mourir plus haut que son cul » est , faut-il le préciser?, l'adaptation de l'expression triviale « péter plus haut que son cul » à un contexte funéraire!
[1] “But where are the funerals of yesteryear?” is reminiscent of François Villon's ballad, "But where are the snows of yesteryear?"

[2] The phrase “à tombeau ouvert” has been used at least since 1894 to mean “riding a horse at insane speed”. To suppose here another possible meaning, (“carrying a corpse to a wide open grave”) is tempting but would be erroneous.

[3] About 88 mph: Translated as 90 mph: Traduttore traditore!

[4] “De mourir etc.” Literally: “to die higher up than their arse”- - this is an adaptation of the ordinary French “to fart higher up than their arse” to fit the funereal context.



Un tour de force: G. Brassens savait chanter
un texte aussi difficile la pipe à la bouche!



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