XVII LE PONT MIRABEAU
Sous le Pont Mirabeau, la Seine à l'ombre coule
Le phare impérieux troue, immense, la nuit.
Je ne veux pas rouler avec tes flots, ô foule
Phare, je ne veux pas me perdre dans la nuit.
J'ai ma vie et mon vers en doit dire l'ivresse.
J'impose avec les doigts le rythme aérien
Et si je fais sourdre le cri d'une caresse
Mon art l'enchaînera d'une corde d'airain.
Viens. Le fleuve n'est rien, et la nuit n'est qu'un songe,
Et la ville qui gronde, et la terre, et les cieux
Ne sont que les vapeurs où mon rêve se plonge
Et qu'un souffle pourrait disperser, odieux.
J'ai les plaisirs furtifs et les tâches stériles,
Le rire du mesquin et la fierté d'avoir
Osé ce que ne rêvait pas la meute vile,
Et l'orgueil sera plus âcre qu'un poison noir.
Et notre lit sera semé de braises tendres.
Le pal dans nos deux corps tournera son désir
Et nos plaisirs seront mêlés toujours de cendres.
Nous saurons la douleur atroce de jouir.
Mais qu'importe. Nos corps sont pétris de fournaises,
Nous n'aimons que l'ortie et les ronces pour les
Y reposer, nos entrailles tressaillent d'aise
Quand les bourreaux tisonnant en ouvrent les plaies.
Sous le Pont Mirabeau, la Seine à l'ombre coule.
La ville dans la nuit darde ses mille feux.
Un bronze fut fondu dont nous fûmes le moule.
Entre nos veines, notre sang coule du feu.
Michel Galiana (c) 1991
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XVII MIRABEAU BRIDGE
Under Mirabeau Bridge the Seine flows in the shade
The majestic lighthouse makes a hole in the night.
I don't want to be washed, O crowd, along your tide,
Nor do I want to be lost in the dark, O light!
My life is mine. My verse shall tell of its rapture.
I force on it rhythms and my fingers beat time.
Around the cry of a caress that I conjure
My pitiless craft shall strong chains of bronze entwine.
Come. The flow is nothing, the night in dream confined,
And the roaring city, and the earth and the sky
Are no more than the mist wrapped up in my mind
And that an odious gust of wind could nullify.
I feel a secret joy in fruitless proceedings,
Despise the mean-minded and I am proud to dare
What rabble never did in wild imaginings,
And my bitter pride may with dark poisons compare.
And all over our bed will be strewn soft ember.
A spit in our bodies will rotate and desire
And pleasure with ashes will be mixed for ever.
We shall know how the pain caused by pleasure is dire.
Don't mind. Our bodies are kneaded with glowing ore,
And to rest on, beds of nettles and thorns are ours.
Our innermost beings are delighted when they are
Tormented by fiends who poke about in our scars.
Under Mirabeau Bridge the Seine flows in the shade.
A thousand lights spread o'er the city's dark attire.
Both of us were the moulds wherein a bronze was made
And the blood through our veins courses like raging fire.
Transl. Christian Souchon 01.01.2005 (c) (r) All rights reserved
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