Er gouers neuez

Une chanson nouvelle

A new song

Collectée par Pierre Le Roux (1874-1975), Professeur de celtique à l'Université de Rennes
[Les titres ont été ajoutés. Les points de suspension signalent de passages sautés (principalement des explications philologiques)]

Collected by Pierre Le Roux (1874-1975), Professor of Celtic at Rennes University
[All titles were added. The ellipsis (...) indicates skipped passages (mainly philological explanations)]

La plus ancienne chanson populaire?
"La chanson bretonne que l'on trouvera plus loin est, à ma connaissance, la chanson populaire la plus ancienne [*] qui nous soit parvenue (je mets à part les cantiques)... Dans ...le grenier de la maison de ma mère occupée...jusque vers 1890 par la mairie de Pleubian, près de Tréguier, se trouvait une liasse de feuillets manuscrits du commencement du 17Ie siècle. Ces 18 feuillets...se composent de pièces diverses de procédure... et de brouillons de cours d'étudiant, en latin et en français ; plusieurs de ces pièces sont de la main d'Yves Le Patezour...et sont datées de 1632 et 1633"
[*] Cette affirmation doit dans doute être nuancée: cf. Me 'm-eus ur vestrez ma mignon

Yves Le Patezour
"Les registres de Pleubian n'étant pas antérieurs à 1624, je n'ai pu trouver la date de naissance d'Yves. Il était fils d'Ollivier et de Jeanne Louchon... On lit dans le registre des décès : « L'an 1658, le 18e jour du mois de juin, Maître Yves Le Patezour, notaire, est décédé... duquel le corps a été inhumé le lendemain dans notre Eglise paroissiale. G. Lucas ». G. Lucas était recteur de Pleubian.
Il semble bien qu'en 1631, quand il commence à donner des leçons à Yvon Le Bris (cf. infra), Yves Le Patezour était sorti du collège depuis peu, puisqu'il utilise encore ses cahiers d'étudiant pour écrire comptes et chansons et noter 'un exemple pour plain chant'."

Feuillet portant la chanson
"Le plus important des feuillets ... porte au recto des notes d'écolier ; un bout de la page contient une quinzaine de lignes en latin concernant la 6e églogue de Virgile... l'autre bout dix-sept lignes en français sur la 'condition de l'ousme (homme), Cicéron et tous ceux qui en ont traité s'accordant sur « ce seul poynct personne ne pouuoyct contanter de sa fortune '.
Dans l'espace resté libre entre ces deux textes, on lit : 'Pour servir à M. Yves Le Patezour, fils de feu Ollivier de la paroesse de Ploebihan celluy ou celle qui le trouvera audict nom il randra il payra le vin à la mesure de quintin', plaisanterie d'écolier, la mesure de Quintin concernant la toile.
Ce feuillet, plié en deux, a donné au verso deux demi-pages, sur l'une desquelles se trouve la chanson qui va être donnée.
Sur l'autre le « rolle » des sommes dues par un nommé Yvon Le Bris 'depuis qu'il a este commance a vesnir a lecolle le 8e jour de mai 1631, à raison de 4 solz par mois, au total, pour 14 mois « onze réall et un soulz'. "
The oldest Breton folk song?
"The Breton song that we will find further on is, to my knowledge, the oldest folk song [*] that has reached us (excepted the church hymns) ... In ... the attic of my mother's house which belonged ... until around 1890 to the premises of Pleubian town hall, near Tréguier, there was a wad of handwritten sheets from the beginning of the 17th century. These 18 sheets ... consist of various procedural documents ... and drafts of student lessons, in Latin and French; several of these pieces are by the hand of a named Yves Le Patezour ... and are dated 1632 and 1633 ".
[*] This statement should be taken "cum grano salis": cf. Me 'm-eus ur vestrez ma mignon.

Yves Le Patezour
"Since parish Pleubian's registers do not refer to years before 1624, I could not find out Yves' date of birth. He was the son of Ollivier and Jeanne Louchon ... We read in the death register:" In the year 1658, the 18th day of June, Master Yves Le Patezour, notary, died ... whose body was buried the next day in our parish church. G. Lucas ". G. Lucas was the vicar of Pleubian.
It seems that in 1631, when he started to give lessons to Yvon Le Bris (cf. below), Yves Le Patezour had just left college, since he still uses his student notebooks to write accounts and songs and note 'an example for plain song'. "

The sheet with the song
"The most important of the sheets ... bears schoolchild notes on the one side. The bottom half of the page contains about fifteen lines in Latin concerning Virgil's 6th Eclogue ... further down there are seventeen lines in French on the 'human condition', Cicero and all those who wrote about this topic agree on 'only one point, namely that nobody really accepts to be satisfied with their fate'.
Somewhere between these two texts, we read: 'To serve Mr. Yves Le Patezour, son of the late Ollivier of the parish Ploebihan. Anyone who finds this notebook should return it to the aforementioned person, who will pay him wine according to the 'Quintin measure'. This is a schoolboy joke, since Quintin's measure is a canvas size standard.
This sheet, being folded in half, on the back of one of these two half-pages, is the song to investigate.
On the other half page, we find the roll of the sums due by a named Yvon Le Bris 'since he started coming to school on the 8th day of May 1631, at the rate of 4 pence per month, in total, for 14 months, 'eleven shillings and a penny'."


Original KLT Français English
Er gouers neuez 1632

1. « Cloarec ioanc chuy a voar ar fat
e promessioch dre o fez mat,
e prometsiocli diff allies
e fisach ma doux potr iamoys ».

2. « Mar prometis dach, hag ez ris,
Voa ouz en em ioaussat ez ris,
tremen an amser a so ret,
ha rei e roll da ioanctet ».

3. Ar cloarec ioanc a lavare
De uestres quer ar beure :
« en ano doue, me o pet
en amour neue e choaset ;

4. ha na choaset quet cloarec
na vech ad are gaudisset ;
Ouz ar merchet na dire quet
Ober un amour a cloarec ».

5. — « Ma goallen ha ma mousiouer
Cloarec, dïguecet diff dar ker
Cloarec, dïguecet diff dar ker
hag ou trugare, gaudisser ».

6. Ar cloarec ioanc a respontas
Dar verch ioanc paz e clevas :
« Ou gualen hag ou mousiouer
Merch ioanc a fall dech dar ker ;

7. Hac en anno doue, me o pet,
reity da nep ou poa caret
reity da nep ou poa caret
ha da nep [ou] quiri parffet ».
Ur werz nevez

1. - Kloareg yaouank c'hwi a oar ervat
E prometjoc'h dre ho feiz mat
E prometjoc'h din alies
E vijec'h ma dous paotr james.

2. - Mar prometis deoc'h, hag a ris
Oa ouzh en em c'hodisat e ris
Tremen an amzer a zo ret
Ha reiñ he roll da yaouankted.

3. Ar kloareg yaouank a lare
D'e vestrez ker ar beure:
- En anv Doue, me ho ped
Un amour nevez e choazit;

4. Na choazit ket ur c'hloareg
Na vec'h adarre godiset.
Ouzh ar merc'hed na dere ket
Ober un amour a gloareg. -

5. - Ma gwalenn ha ma mouchouer,
Kloareg, degasit din d'ar ger!
Kloareg, degasit din d'ar ger,
Hag ho trugarez, godiser! -

6. Ar kloareg yaouank a respontas
D'ar verc'h yaouank pa'z he glevas:
"Ho kwalenn hag ho mouchouer,
Merc'h yaouank, a fell deoc'h d'ar ger

7. Hag en anv Doue, me ho ped,
Roit-c'hwi da nep ho-poa karet
Roit-c'hwi da nep ho-poa karet
Ha da nep ho kiri parfet! -
Une chanson nouvelle

1. -- Jeune clerc, vous savez bien
Que vous promîtes sur votre foi,
Que vous me promîtes souvent
D'être mon doux ami à jamais.

2. — Si je vous le promis et je le fis.
Ce fut en m'amusant,
II faut bien passer le temps
Et laisser rouler jeunesse.

3. Le jeune clerc disait
A sa chère maîtresse ce matin-là :
--- Au nom de Dieu, je vous prie
De choisir un nouvel amour ;

4. Et ne choisissez pas un clerc
De peur d'être encore trompée.
Aux filles il ne convient pas
D'avoir un amour de clerc.

5. — Ma bague et mon mouchoir.
Clerc, rapportez-les moi à la maison
Clerc, rapportez-les moi à la maison
Et grand merci, fourbe! -

6. Le jeune clerc répondit
A la jeune fille en l'entendant :
-- Votre bague et votre mouchoir
Jeune fille vous les voulez à la maison,

7. Et au nom de Dieu, je vous prie,
Donnez-les à celui que vous aviez aimé
Donnez-les à celui que vous aviez aimé
Et qui vous aimait parfaitement! »
A new song

1. - Young clerk, you know well
That you promised on your faith,
That you often promised me
To be my true lover forever.

2. - If I promised you that as I did.
It was just for fun,
We each have our own pastimes
And youth must have its fling. -

3. The young clerk said
To his dear mistress that morning:
--- In the name of God, please
If ever you choose a new love,

4. Don't choose a clerk
For fear of being deceived again.
For girls it is not suitable
To be in love with a clerk.

5. - My ring and my handkerchief.
Clerk, bring them back to me
Clerk, bring them back to me
And I thank you, deceitful lad! -.

6. The young clerk answered
To the girl on hearing it:
- Your ring and your handkerchief,
Girl, you want to be brought back to you,

7. In the name of God, please,
Give them to the one you did love,
Give them to the one you did love
And who did love you perfectly too.-.


NOTES du Professeur PIERRE LE ROUX:

Chansons de clercs écrites et orales
"Les chansons bretonnes, recueillies au 19e siècle, où figurent des « clercs » d'origine paysanne, sont nombreuses. Après Souvestre, dans ses "Derniers Bretons", A. Le Braz, dans son "Introduction aux "Soniou Breiz-Izel", a bien montré la place importante du clerc dans le folklore breton. S'il n'était pas nécessairement un futur prêtre, il était toujours considéré comme pouvant le devenir ; pendant son séjour, aux vacances, dans le milieu familial, une idylle pouvait se nouer que brisait le plus souvent une vocation qui s'affirmait, ou la volonté des parents. D'où ces séparations parfois tragiques qui sont le sujet de bien des chansons bretonnes.
La ressemblance, dans la forme, de cette chanson avec les chansons de tradition purement orale est frappante. Certains détails sont les mêmes ; celui de la bague et du mouchoir, donnés comme gages d'amour et réclamés par la jeune fille, est fréquent ; on peut comparer avec les vers 17 et suivants de notre chanson ce passage des Soniou de Luzel, I, p. 266 (chanson recueillie à Paimpol en 1883 ; les deux interlocuteurs sont d'abord la jeune fille, puis le clerc) :

(5) - Va goalen ha va niouchouër
Digasset d'in, cloarec, d'ar gër.

(6.2) - Ho coalen hac ho mouchouër
A vezo kasset d'ec'h d'ar gër,

(7) Hac eur vech ail, c'hui, bezit fur,
Na reit netra d'an avantur.
(5) - Ma bague et mon mouchoir.
Apportez-les moi, clerc, à la maison.

(6.2) - Votre bague et votre mouchoir
Vous seront portés à la maison

(7) Et une autre fois, vous, soyez sage,
Ne donnez rien à l'aventure.


Cf. Collection Penguern, 89, p. 45: le même détail se retrouve dans des chansons sur feuilles volantes. Mais c'est surtout la composition même de notre chanson qui est identique à celle des chansons de tradition purement orale :
- même présentation dramatique, avec un emploi presque exclusif du dialogue ;
- la chanson commence, sans préambule, avec les reproches de la jeune fille ;
- même effacement de l'auteur."

Traditions orales et feuilles volantes
Mais cette « chanson nouvelle » me semble offrir un intérêt plus général. Quand on étudie l'ensemble des chansons populaires bretonnes, on est frappé par la différence qu'il y a entre les chansons de tradition purement orale et les chansons sur feuilles volantes., la plupart imprimées au XIXe siècle, et dont les auteurs sont souvent connus.
  • Les premières l'emportent tellement sur les autres par leurs qualités de simplicité, de naïveté, que l'on est amené à penser non seulement qu'elles sont d'époque différente, mais aussi d'auteurs de valeur différente. La diffusion considérable des chansons sur feuilles volantes a certainement nui à leur qualité.
  • Auparavant, les faits divers qui pouvaient donner matière à chanson ont pu inspirer quelque témoin local, plus doué, paysan, artisan, clerc ; la longueur de la chanson importait peu, et une chanson très brève, comme la nôtre, pouvait contenir l'essentiel. Au XIXe siècle, ce devint un métier de composer et de vendre des chansons (Yann ar Minous en a composé des centaines) ; il fallait donner à l'imprimeur de quoi remplir sa feuille : d'où les longueurs insipides de la plupart de ces chansons, quoique certaines ne soient pas sans mérite."

    Particularités des chansons de clercs
    "La ressemblance des chansons de tradition purement orale avec notre chanson du XVIIe siècle permet de supposer qu'elles sont beaucoup plus anciennes...et qu'elles ont pu être composées par des gens d'origine paysanne, mais d'un certain degré de culture: l'exemple d'un Yves Le Patezour, notaire, s'intéressant aux chansons populaires confirmerait cette vue.

  • Mais, par leurs sujets même, ces chansons portent la marque d'une époque ancienne, particulièrement celles où figurent des clercs. Cela est évident pour celles où les clercs se battent avec des gentilshommes, ou vont demander leur grâce au roi.
    Il en est de même de celles qui ont trait à leurs aventures sentimentales ou autres.
  • Je ne crois pas que des faits réels aient, au XIXe siècle, donné le sujet de chansons sur feuilles volantes concernant des clercs ; ceux-ci n'y figurent, beaucoup plus rarement, que par souvenir et imitation des vieilles chansons traditionnelles, et dans une forme souvent plus gauche et plus vulgaire.
  • Les premières semblent remonter à une époque où les mœurs du clergé des campagnes bretonnes étaient beaucoup moins sévères. On sait quelles difficultés rencontrèrent les grands missionnaires, Michel Le Noblez et le Père Maunoir, non seulement auprès du peuple, mais encore auprès de certains recteurs. Dans son "Confessional" de 1612, en breton, Euzen Guegen ... s'adressant ... à tous clercs désirant être prêtres, des diocèses de Cornouaille, Léon, Tréguier et Vannes, écrit (je traduis):
    « Combien il est déshonnête de voir un prêtre quitter sa soutane pour danser et lutter, et un religieux son froc, ou de les voir danser avec ces vêtements, comme il est certain qu'ils le font, parce qu'ils sont fous, ou complètement ignorants de ce qui convient à leur état et qualité... ».
    Au siècle suivant, dans son Dictionnaire, Dom Le Pelletier fait venir, bien bizarrement:
    «Cloarec de Clôar, Glohar= tiède ; et cette épithète a pu être donnée par dérision aux jeunes ecclésiastiques qui ne sont pas assez fervents au service de l'Eglise»."

    Chanson de clerc en latin
    "Yves Le Patezour nous a laissé un témoignage de la place que tenaient dans les collèges ces idylles de jeunesse, dans une chanson en latin qui me paraît d'un certain intérêt pour l'histoire de la chanson bretonne.
    [Au dos d'une pièce de procédure figurent ] des vers octosyllabiques rimes, en latin, se suivant deux par deux sur la même ligne, sans doute pour gagner de la place ; diverses fautes semblent dues à la lecture difficile d'un modèle ou à la précipitation du copiste ; l'écriture est négligée.

    A. Primo die quo te vidi
    Cor in te posui
    Et spiritu cum corpore
    Non desinit ab amore.

    B. Unam amavi filiam
    Nominatam nescio quam,
    Et curn in templum intrarem,
    Et amicam non viderem

    C. Eram crudelior leone
    Et non poteram gaudere
    . Multum temporis perdidi,
    Et studere non potui

    D. Iter facïendo ad scholam,
    Causa videndi amicam,
    Et aetate cum florebam
    Semper puellam amabam

    E. Cum ad ordîmes promovi
    Ipsam odio habui,

    F. O benedicte Joanes
    Quid de me dicunt virgines?
    Putantne me habere
    Et lecturis suis tenere?

    G. Ad tabernam solus eo
    Ubi est frons qua doleo.
    Cubuit hostis ad hospitam
    Ego miser infra tota.
    A. Le premier jour que je te vis
    Je t'ai donné mon cœur
    Et d'esprit comme de corps
    II n'a pas cessé de t'aimer.

    B. J'ai aimé une seule fille
    Qui s'appelle... je ne sais.
    Et quand j'entrais dans l'église
    Et que je ne voyais pas mon amie,.

    C. J'étais plus furieux qu'un lion,
    Et je ne pouvais être joyeux.
    J'ai perdu beaucoup de temps,
    Et je n'ai pu étudier,

    D.Quand j'allais à l'école,
    [Et cela] pour voir mon amie.
    Et dans la fleur de ma jeunesse
    J'aimais toujours la jeune fille.

    E. Quand j'ai reçu les ordres
    Je l'ai détestée.

    F. O bienheureux Jean
    Que disent de moi les vierges ?
    Croient-elles m'avoir
    Et me tenir par leurs lettres

    G. Je vais seul à l'auberge
    Là où est le visage qui me fait souffrir.
    L'hôte et l'hôtesse sont allés se coucher;
    Et je suis resté, pauvre de moi.


    Les vers [F et G], je crois, ne se rattachent pas à cette pièce, quoiqu'inspirés par les mêmes préoccupations."

    Le "Cloarec du bord de l'étang" des Sonioù Breizh-Izel
    "Ne sont-ce pas des confidences tout-à-fait semblables que fait, en breton cette fois, le « jeune Cloarec du bord de l'étang » des Soniou Breis-lzel I? 324 (Chanson recueillie à Pleudaniel, à 8 kilomètres de Pleubian, en 1888) ?

    (A) Biscoaz n'am eus laket ma foan
    Da garet plac'h, nemert unan ;
    Da garet eur plac'h triouac'h la ;
    Nemet p'hi gwelan na ran joa.

    (C) N'allan na lenn na studia
    Gant kirri'r merc'hed o nea,
    Ispisial Jannet ar Rouz,
    Gant he daoulagad amourous.

    (B) Na pec'h an-me d'an offern-bred
    Me ne laran pater a-bed,
    Nemet sellet dreïst bec ma scoa
    Da gât ar vestres coant am oa..
    .
    (D) Ma mamm, ma zad p'ho deus goufet
    D'ar studi da Baris c'hon casset..
    (A) Jamais je n'ai pris la peine
    D'aimer une fille si ce n'est une.
    D'aimer une fille de dix-huit ans.
    Ce n'est qu'en la voyant que je me sens en joie.

    (C)Je ne peux ni lire, ni étudier,
    Avec (le bruit que font) les rouets des filles, en filant ;
    Surtout (à cause) de Jeanne Le Roux,
    Avec ses yeux amoureux.

    (B) Et quand je vais à la grand-messe,
    Je ne dis aucune prière ;
    (Je ne fais) que regarder pardessus le bout de mon épaule,
    Du côté de la maîtresse jolie que j'avais..
    .
    (D) Ma mère, mon père quand ils ont su;
    A l'étude à Paris m'ont envoyé..


    Il sera donc prêtre ; la jeune fille en meurt ; mais au contraire du clerc de notre chanson le « jeune clerc » en aura grand chagrin, et, dans une des versions recueillies, en mourra, lui-aussi."

    La datation des chants de tradition orale
    "D'après tout ce qui précède on peut supposer que l'inspiration et souvent la composition de beaucoup de chansons de tradition purement orale, recueillies au xixe siècle, remontent beaucoup plus haut, et que certaines d'entre elles ont pu être composées dans le pur esprit populaire par des auteurs d'origine paysanne de quelque culture, parfois par des clercs. Il ne faut peut-être pas non plus rejeter complètement cette idée qu'avec le temps s'opère une sélection qui préserve les œuvres d'un intérêt plus humain, sélection qui n'a pu se faire sur les œuvres plus récentes, et qui, pour des raisons évidentes, ne se produira plus."

    Him Sanct Sebastian, Hymne de St-Sébastien
    "On trouve encore dans les papiers d'Yves Le Patezour un feuillet ... dont le recto est occupé par une pièce de procédure dressée le 8 décembre 1614 « en la demeuranz de Henry Audren au bourg de Ploebihan... ». Ce Henry Audren est sans doute le notaire prédécesseur d'Yves Le Patezour... Ont également disparu tout ou partie des derniers mots de la première strophe ; les parties facilement restituées figurent entre crocliets dans le texte ci-après. La pièce est inachevée.

    Him Sanct Sebastian

    a. Autro guir Sanct Sebastia[n]
    Ny ou pet ol bras ha [bihan] ,
    Noz ha mintin, heur [ha momet] ,
    Ouz an drouc er on p[reser]uet.

    b. Martyr biniguet, amy bras
    Don Redempteur nep on crouas,
    Da guement christen sou er bet
    Houz heulx gallout da rey remet.

    c. Ar pestilans sou diremet
    Dichar, cry,, cruel ha callet
    Pellaty diouz on cartyr
    Ha diuar ar mais hac a ker.

    d. Paz plich guenach chuy el bepret
    Ober cessy er sort cleuet...
    Hymne de Saint Sébastien

    a. Vrai Seigneur saint Sébastien
    Nous vous en prions tous grands et petits,
    Nuit et jour, heure et moment,
    Du mauvais air préservez-nous.

    b. Martyr béni, grand ami
    De notre rédempteur qui nous créa,
    A tout chrétien du monde
    Vous avez le pouvoir de donner remède.

    c. La pestilence est sans remède
    Impitoyable, rude et cruelle
    Eloignez-la de ce quartier
    Et de nos champs et de la ville

    d. Quand vous le voudrez cessera
    une telle maladie.


    On peut remarquer dans le texte quelques traits du dialecte de Tréguier ...
    La date de cette copie se situe entre 1614 et 1632 ; Saint Sébastien est invoqué contre les maladies contagieuses; or il y a eu en Bretagne au xvne siècle de terribles épidémies, particulièrement de 1620 à 1640."

    [Cf. à ce sujet le chant du Barzhaz La Peste d'Elliant]

    A propos de Pierre Le Roux
    Bretonnant de Plouëc, près de Pontrieux, le Professeur Pierre Le Roux (1874-1975) a occupé la chaire de celtique (créée en 1903) à l'Université de Rennes depuis 1911. Son nom reste attaché à l'Atlas linguistique de la Basse-Bretagne, dont la parution en six fascicules s'échelonna sur quarante ans, de 1924 à 1963. Ses investigations portèrent sur 77 localités. Il refusa de participer à la réunion de linguistes qui le 8 juillet 1941 adopta comme écriture devant servir à l'enseignement de la langue bretonne, l'écriture KLTG. En 1945, son successeur à la chaire de celtique (qui sera transférée à Brest en 1978) sera l'Abbé Falc'hun (1909-1991) qui défendra une autre orthographe, dite "skolveurieg" (universitaire).
    On ne peut cependant que se féliciter que l'orthographe KLT dont l"élaboration remonte aux travaux de Le Gonidec (1775-1838), de François Vallée et Emile Ernault (1908), du chanoine Pierre Le Goff (1911), de Xavier de Langlais '1936) etc.semble s'être définitivement imposée, malgré les circonstances malencontreuses de son adoption officielle.
  • NOTES by Professor PIERRE LE ROUX:

    Written and oral "Kloarek songs"
    "Breton songs, collected in the 19th century, featuring "kloer" (clerics) of peasant origin, are numerous. After Souvestre, in his" Last Bretons ", A. Le Braz, in his" Introduction to "Soniou Breiz-Izel", has clearly shown the important role played by clerics in Breton folklore. If they would not necessarily be ordained as priests, they always were considered to be able to be; during their stays, at holidays, in their family environment, idylls could be formed that most often a vocation that asserted itself would break. Some times it was the will of the parents. Hence these sometimes tragic separations which are the subject of many a Breton song.
    The formal resemblance of this song with the songs of purely oral tradition is striking. Some details are the same: the ring and the handkerchief, given as pledges of love and claimed back by the girl, are usual props in these little tragedies; we can compare with verses 17 and following of the song at hand this passage from "Soniou Breiz Izel" by Luzel, I, p. 266 (a song collected in Paimpol in 1883; the two interlocutors are first the girl, then the clerk):

    (5) - Va goalen ha va niouchouër
    Digasset d'in, cloarec, d'ar gër.

    (6.2) - Ho coalen hac ho mouchouër
    A vezo kasset d'ec'h d'ar gër,

    (7) Hac eur vech ail, c'hui, bezit fur,
    Na reit netra d'an avantur.
    (5) - My ring and handkerchief
    Bring them back to my home, sir.

    (6.2) - Your ring and handkerchief
    Will be brought back to your home

    (7) But in a future, be wise,
    Don't give any pledge blindly.


    See Penguern Collection, 89, p. 45: the same detail is found in broadside songs.
    But in the present case, it is the very composition of our song which is identical to that of songs belonging to purely oral tradition:
    - same dramatic structure consisting almost exclusively of a dialogue;
    - the song begins, without preamble, with the girl's reproaches;
    - same anonymity of authorship."

    Oral traditions and broadside sheets
    But this "New ballad" seems to me to offer a more general interest. When we study Breton folk songs as a whole, we are struck by the difference between the songs of purely oral tradition and the songs on broadside sheets. Most songs of the latter class were printed in the 19th century, and their authors are often known.

  • The former prevail so much over the others by their qualities of simplicity, of naivety, that one cannot help thinking not only that they are from different eras, but also from authors of different value. The considerable dissemination of printed broadside songs certainly undermined their quality.

  • Previously, the various topics which could provide material for a song would inspire some local witness, a gifted country bard, a craftsman, a clerk. The length of the song didn't matter, and a very short song, like ours, could contain the essentials. In the 19th century, composing and selling songs became a calling ( the named "Yann ar Minous" composed hundreds of them); you had to give the printer enough stuff to to fill out a sheet: hence the tasteless lengths of most of these songs, even if some were not without merit. "

    Particularities of the kloarek songs
    "The resemblance of songs strictly pertaining to oral tradition with the present 17th century song makes it possible to surmise that they are very old ... and could have been composed by country people with a certain degree of culture. The example of this notary Yves Le Patezour, who was evidently interested in popular songs would confirm this view.

  • By their very subjects, these songs bear the mark of an ancient era, particularly those in which clerics play a pivotal role. This is evident for those featuring clerics fighting with noblemen, or travelling far to ask for their pardon from the king.
    The same applies to those which relate their love affairs or other adventures.
  • I do not believe that, in the 19th century, actual facts could give the subject of broadside songs about clerics; these appear in that category of songs only rarely, and then mostly as reminiscence and imitation of old song tradition, and in a form often more awkward and more vulgar than their models.
  • The old traditional songs seem to date back to a time when the mores of the Breton countryside clergy were much less severe. We know what difficulties encountered the famous missionaries, Michel Le Noblez and Father Maunoir, not only with the people, but also with certain priests. In his "Confessional" of 1612, in Breton language, Euzen Guegen ... addressed ... all clerics wishing to be priests in the dioceses of Cornouaille, Léon, Tréguier and Vannes, and wrote (in translation):
    "How dishonest it is to see a priest remove his cassock to dance or wrestle, or a cleric undo his frock, or worse, to see them dance in their ecclesiastical attire, as we know for sure they do, because they are crazy, or completely ignorant of what suits their condition and quality ... "
    In the next century, in his Dictionary, Dom Le Pelletier explainrd very strangely:
    the word “Cloarec" (Cleric) as related to "Clôar, Glohar"="lukewarm"; and this epithet could have been given in derision to young ecclesiastics who are not fervent enough in the service of the Church."

    Kloareg song in Latin
    "Yves Le Patezour has left us a testimony of how important these idylls were for young college students, in a Latin lament which seems to me to be of the highest interest for the history of Breton song.
    [On the back of a procedural document appear] octosyllabic verses, in Latin, arranged two by two on the same line, probably to save space; various faults seem to be due to the difficult reading of a model or to the great haste with which the copyist put the text down in an untidy writing.

    A. Primo die quo te vidi
    Cor in te posui
    Et spiritu cum corpore
    Non desinit ab amore.

    B. Unam amavi filiam
    Nominatam nescio quam,
    Et curn in templum intrarem,
    Et amicam non viderem

    C. Eram crudelior leone
    Et non poteram gaudere
    . Multum temporis perdidi,
    Et studere non potui

    D. Iter facïendo ad scholam,
    Causa videndi amicam,
    Et aetate cum florebam
    Semper puellam amabam

    E. Cum ad ordîmes promovi
    Ipsam odio habui,

    F. O benedicte Joanes
    Quid de me dicunt virgines?
    Putantne me habere
    Et lecturis suis tenere?

    G. Ad tabernam solus eo
    Ubi est frons qua doleo.
    Cubuit hostis ad hospitam
    Ego miser infra tota.
    A. The first day I saw you
    I gave you my heart
    And my soul and my body
    Never stopped loving you.

    B. I loved only one girl
    Who's named ... I don't know.
    And whenever I entered the church
    And didn't see my sweetheart.

    C. I was more as furious as a lion,
    And I couldn't be happy.
    I wasted a lot of time,
    And I couldn't study,

    D. When I went from school,
    [In order] to see my friend.
    - I was in the flower of my youth -
    I still loved that girl.

    E.But when I was ordained
    My love had turned into hatred.

    F. O blessed Saint John
    What do these girls say about me?
    Do they fancy they have caught me
    And hold me with their letters like in a jail?

    G. I go alone to the inn
    There I see the face that makes me suffer.
    The host and hostess went to bed;
    And I stay alone. Woe is me!.


    I doubt that verses [F and G] are related to this piece,though they are inspired by the same concerns."

    Sonioù Breizh-Izel's "Cloarec by the pond"
    "Thoroughly similar little secrets are confided to us, in Breton this time, by the" Young Cloarec by the Pond " in Luzel's "Soniou Breis-lzel", Part I, page 324 ( a song collected at Pleudaniel, 8 kilometers away from Pleubian, in 1888)."

    (A) Biscoaz n'am eus laket ma foan
    Da garet plac'h, nemert unan ;
    Da garet eur plac'h triouac'h la ;
    Nemet p'hi gwelan na ran joa.

    (C) N'allan na lenn na studia
    Gant kirri'r merc'hed o nea,
    Ispisial Jannet ar Rouz,
    Gant he daoulagad amourous.

    (B) Na pec'h an-me d'an offern-bred
    Me ne laran pater a-bed,
    Nemet sellet dreïst bec ma scoa
    Da gât ar vestres coant am oa..
    .
    (D) Ma mamm, ma zad p'ho deus goufet
    D'ar studi da Baris c'hon casset..
    (A) I never indulged
    In loving a girl, except this one.
    She is an eighteen year old girl.
    Only when I see her do I feel joy.

    (C) I can neither read nor study,
    Because of the purr of the girls' spinning wheels,
    Especially that of Jenny Le Roux,
    The girl with lovely eyes.

    (B) And when I go to high mass,
    I say no prayers;
    I just keep trying, over my shoulder,
    To catch a glimpse of my pretty sweetheart ..

    . (D) When my mother and my father heard of it;
    They sent me to Paris to study there...


    He will therefore become a priest, causing the poor girl to die; but unlike the cleric of our song, the "Young Cleric by the Pond" will be very sorry for it, and, in one of the versions collected, he will die, too. "

    Dating the songs belonging to oral tradition
    "From all of the above we may infer that the inspiration and often the composition of many songs of genuine oral tradition, collected in the nineteenth century, reach back much further, and that some of them may have been composed in a pure popular style by educated authors of country origin, sometimes even by clerics. It is perhaps not necessary to reject completely the idea of a selection taking place, as time goes by, which preserves works providing deeper insight in human mind, a selection which could not be obtained with more recent works, and which, for obvious reasons, will not in a future. "

    Him Sant Sebastian, Hymn to Saint Sebastian
    "We still find in Yves Le Patezour's papers a sheet ... the front of which is occupied by a procedural deed drawn up on December 8, 1614 " at the home of Henry Audren in the village of Ploebihan ... ". This Henry Audren is undoubtedly Yves Le Patezour's predecessor in his notary's office ...
    All or part of the last words of the first stanza have also disappeared; the easily restored parts appear in crocliets in the text below.

    Him Sanct Sebastian

    a. Autro guir Sanct Sebastia[n]
    Ny ou pet ol bras ha [bihan] ,
    Noz ha mintin, heur [ha momet] ,
    Ouz an drouc er on p[reser]uet.

    b. Martyr biniguet, amy bras
    Don Redempteur nep on crouas,
    Da guement christen sou er bet
    Houz heulx gallout da rey remet.

    c. Ar pestilans sou diremet
    Dichar, cry,, cruel ha callet
    Pellaty diouz on cartyr
    Ha diuar ar mais hac a ker.

    d. Paz plich guenach chuy el bepret
    Ober cessy er sort cleuet...
    Hymn to Saint Sebastian

    a. True Lord Saint Sebastian
    We beg you all, big and small,
    Night and day, at any hour and any time,
    Protect us from bad air.

    b. Blessed martyr, our great friend
    On behalf of our Redeemer who created us,
    To every Christian in the world
    You have the power to provide remedies.

    c. Against pestilence there is no remedy
    It is merciless, harsh and cruel
    Move it away from this neighborhood
    From our fields and our city

    d. As soon as you decide it
    Such a disease will stop.


    We can spot in the text some traces of Tréguier dialect ...
    This copy is dated between 1614 and 1632. San Sebastian is invoked against contagious diseases. Now there were terrible epidemics in Brittany in the seventeenth century, particularly between 1620 and 1640. "

    [Cf. on this subject the Barzhaz song Plague in Elliant]

    About Pierre Le Roux
    A Breton speaker born at Plouëc, near Pontrieux, Professor Pierre Le Roux (1874-1975) has occupied the chair of Celtic (created in 1903) at the University of Rennes since 1911. His name remains attached to the 'Linguistic Atlas of Lower Brittany' , whose publication in six fascicles spread over forty years, from 1924 to 1963. His investigations covered 77 localities. He refused to participate in the meeting of linguists who on July 8, 1941 adopted as spelling system for the teaching of the Breton language, the KLTG writing. In 1945, his successor to the Celtic chair (which was to be transferred to Brest in 1978) was Abbé Falc'hun (1909-1991) who defended another spelling system known as "skolveurieg" (university spelling).
    We can however only be thrilled at the thought that the KLT spelling, the elaboration of which dates back to the works of Le Gonidec (1775-1838), François Vallée and Emile Ernault (1908), Canon Pierre Le Goff (1911), Xavier de Langlais' 1936) etc. seems to have definitively imposed itself, despite the unfortunate circumstances of its official adoption.




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    * Taolenn*