Er roue Stevan

Le roi Etienne et autres prophètes bretons

Publié en 1891 par l'Abbé Jean-Marie Guilloux

A résumé in English is available on page Gwenc'hlan's Prophecy, chapter "The Gwynglaff in the "Dialogue with King Arthur"

DIVERSES PROPHETIES BRETONNES (Malrieu M-00249)

  • La Bretagne a eu un autre prophète que Guinclan, vers la même époque: frère Pierre Morin de Guignen (en Ille et Vilaine) à qui, selon le Barzhaz Breizh, la tradition attribue à tort, la Carnaval de Rosporden. Il prédit l'union prochaine du Duché et du royaume de France.
  • Une autre prophétie qui daterait de 1627 est conservée dans le registre de baptême de la paroisse d'Edern (au nord de Quimper). Elle présente une strophe en français et une en breton pour laquelle Ernault propose des modifications et une traduction
    Un peu avant seize-cent trente
    Les vouga à la barbe jaune paieront la rente
    Un beau Gaston moult besognera
    Et la croix rouge de couleur changera.
    Goude glav bras arnou noaz a-dra-sur
    Meur a vouga varvel a-druilhoù
    Hag en hor bro a cheñcho stil
    Rag mui e kuit kant mil a vrezilho.
    Goude glav bras, armoù noazh, a-dra-sur
    Meur a vouga var-velen a paeo truaj
    Hag en hor bro ar groaz a cheñcho pep tro
    Rag mui eged kant mil a vasilio.
    Après pluie battante, armes nues pour bientôt
    Plus d'une barbe jaune acquittera l'impôt
    Et, par chez nous, la croix changera de livrée
    Car plus de cent mille âmes seront ébranlées.
  • Quant à Kerdanet, dont on sait qu'il a interprété à sa manière l'article Guinclan du dictionnaire du Père Grégoire, il a également publié une prédiction imputée à l'Abbé Guillerm, recteur de Guimiliau, dans sa "Vie des Saints... d'Albert Le Grand", en 1837. En 1631, selon lui, cet abbé prévoyait que Brest aurait à pâtir de la Révolution:
    Er bloaz mil seizh kant pevar ugent ha nav
    Brest ne dalvezo ket ur bod skav:
    Hag er bloaz mil seizh kant pevar ugent ha dek
    Ne kousko ozac'h-er-bed disoursi gant e c'hwreg.
    En 1789
    Brest ne vaudra pas un buisson de sureau.
    Et en 1790
    Aucun mari ne dormira tranquillement avec sa femme.
  • L'érudit breton, Gwennole Le Menn(1938-2009), dans « Du nouveau sur les prophéties de Gwenc’hlan : du texte moyen-breton (XVe) aux traditions populaires modernes », publié par la Société d’Émulation des Côtes-du-Nord, tome CXI, 1982, établit un rapport entre " Er Roue Stevan" ou "Roi Etienne" (Vannes, cf. infra), Philip Norman (Langonnet), Loeiz Philip (Priziac), et le Gwenc’hlan du Bazhaz en Trégor, à telle enseigne qu'on les regroupe parfois sous un seul n° de la classification Malrieu (M-00249).
    Dans les différents cas, on retrouve des vers et passages entiers semblables et imputés aux uns comme aux autres. Ainsi, chez Louis Philippe (Loeiz Philip):

    "Sur le chemin du Faouët, il y aura de grands chemins se coupant et se recoupant. Tous seront rougis du sang des soldats."
    Il disait aussi, semblant annoncer les troubles de la Révolution: "La guerre contre er walen (?) nous détruira... Il n’y aura plus de prêtres ni de sœurs. Les églises serviront de salles de danse...Viendra le temps où il y aura une brume sur le pays. Les gens resteront trois ans sans récolter de blé...Les gens seront heureux. On ne reconnaîtra plus les riches des pauvres mais, après cette guerre, la vie sera difficile pour ceux qui survivront…."




    ER ROUE STEVAN - LE ROI ETIENNE

    Il convient enfin de parler ici d'"Er roue Stevan", du "Roi Etienne" , lequel aurait été un vagabond poète qui répandit ses prédictions à l'ouest de Vannes (Plescop, Camors, Baud, Baden), à l'époque de Louis XV (1715-1774). Peut-être s'appelait-il Etienne Leroy et était-il né à Meucon,le 15 mai 1701.
    Il serait mort, comme il l'avait annoncé "par la faute d'un clerc, ni dans une maison, ni dehors", le 7 décembre 1775 à Langarrio en Baden. On l'aurait trouvé dans un four à pain où il s'était réfugié chassé par un prêtre d'une noce parce qu'il irritait les convives par une de ses prophéties maléfiques. (registre des sépultures de Baden).
    C'était un original qui restait des heures à la fenêtre d'un grenier, les jambes dans le vide à observer les astres. Pour vivre, il aidait aux travaux des champs. Il passait aussi pour savoir guérir bêtes et gens.

    La tradition orale le concernant a été mise par écrit en 1891 par le vicaire de Brandivy, l'abbé Jean-Marie Guilloux (1848-1900). Il est l'auteur d'un article, "Le roi Stevan", paru dans la "Revue Morbihannaise", (1891-1892), Tome I, p.51-64. Le même sujet est traité par Jérôme Buléon, en 1894, dans la même revue (1891-1913), tome 4, p. 189-215, dans le cadre d'une "promenade archéologique".

    Ces éléments se retrouvent dans l'opuscule en vannetais, "Profésieu er roué Stevan hag er brezél bras" publié aux éditions Normand d'Hennebont, en 1915 par le Jésuite, professeur au lycée Saint-François-Xavier de Vannes, Sylvestre Sévéno (Jelvestr Seveno, 1864-1925).
    Ces ouvrages nous apprennent l'origine du titre de roi dont s'enorgueillit le prophète Stevan: A la suite de ses prédictions, on lui demandait parfois: «Quand toutes ces choses arriveront, que serez-vous ?... Je serai roi, répondait-il !».

    L'abbé Guilloux attribue à Stevan 4 catégories de prophéties qui ont trait:


  • Aux récoltes, modes vestimentaires, destins individuels:
    -récoltes:
    -vêtements des prêtres:
    -vêtements féminins:
    -chaussures:
    -sabots:
    -coiffes:
    -blouses:
    -parapluies:
    -prévisions de décès
    -L'héritier de Trélécan,
    et Marion du Faouet.
    -mise en garde
    Mort du prophète
    du fait d'un homme d'église.
    et d'une prophétie maléfique.
    Er blé man e zou blé et pis bihan, hadet ha hui e dolpou.
    Donnez e rei un amzér é vou doh et surplisseu dihoachelleu pek.
    Donner e rei un amzér en dou et vélean losteu pek.
    Botteu ler er merhied e saou ber creis gar.
    Me huel chué get er merhied botteu grocit get ler ha get coet.
    Er haped e zei ag er holern.
    Er vlous e zei hag er givred.
    Me huel tud e zoug a drest ou feneu el pelegeu arem.
    A Guemevé-Hilary en Plumergat
    Minour en Trelecan en dès nandec tachen eit hou é hunan: Ean é hélion
    Marion et Faouit, hag e varhuou er prison guet un habit dishinouret.
    Goarnet et hroaidur-cé! Un dé e zei ma vou ar un dro lausquet ha buhet.
    Eid on mé, ne varhuein nag en ti, nag er mez.
    Hag un den a ilis e vou caus de me marhue.
    Sellet er verh yaouanc ! qent ur blé é couehou en toul douar.
    Cette année sera favorable au petit pois, semez-en et votre récolte sera double.
    Un temps viendra où l'on verra flotter aux surplis des prêtres des ailes de pie.
    Où les prêtres porteront des queues de pie.(ces soutanes n'apparaîtront en Vannes qu'en 1828).
    Les femmes porteront des bottines qui couvriront la moitié de la jambe.
    Je vois aux pieds des jeunes filles des chaussures faites de cuir et de bois (les soques).
    C'est de l'ouest que viendra le capot (lequel remplace la coiffe vers 1845).
    La blouse viendra du sud-est. (de Questembert).
    Je vois des gens portant au-dessus de leur tête des bassins d'airain.
    Mort de la jeune Julienne Rouzic,
    Le richard de Trelecan possède à lui seul dix-neuf exploitations:
    Il suivra Marion du Faouet (*) et il mourra en prison dans un habit de galérien.
    Surveillez bien cet enfant (Plumergat): un jour il sera, en même temps, brûlé et noyé.
    Pour moi, je ne mourrai ni dans une maison, ni hors d'une maison.
    Et un homme d'église sera la cause de ma mort.
    Pauvre fiancée ! avant un an elle sera au fond de la tombe. (**)

    (*) Marie-Louise Tromel, dite Marion du Faouët, née le 6 mai 1717 au Faouët (Morbihan), dirigeait une troupe de brigands qui sévit en Cornouaille. Elle fut pendue le 2 août 1755 à Quimper.
    (**) Cf. Introduction ci-dessus.


  • à ce qu'on appelle de nos jours l'aménagement du territoire:
    -clôtures et sapins:
    -chemins vicinaux;
    -péages
    -à l'entrée des villes
    -voies empierrées
    -pont du Tric'horn
    -route de Pluvigner à Trélécan
    -et de Cheval-Blanc à Vannes
    -présages de guerre
    Traversant ces routes
    les chemins de fer
    iront jusqu'au bout du monde
    et ce sera la fin du monde!
    Er lanneu e vou closet, ha coët él chubelenneu en hai hadet.
    Donnet e rei un amzer e grouézou en henteu a vorh de vorh
    Hag en dud e griou forh;
    Durant ma veint a guer de guer ne vou guet kalz a miser.
    En henteu e vou groeit guet mein bihan, aval doh uieu.
    Ur pont Trihom e vou commencet, ha Jamoes n'achihou
    Quer guir et ma ei un hent a vorh Plevigner de drezein guern Trelecan.
    Groeit e vou un hent a St. Anna de Wuenet, dré er Marc'h-Guen.
    A pe achihou en hent-cé, é tei ur brezel.
    Un hent melen e drezou ol en henteu-cé;
    Er hiri, lerh o lerh, e druei guet tan,
    Hemb ehein na roncet, dré er manéeu hag en devalenneu,
    Ag ur pen eral ag er bet. Nezé é tei en achimant.
    Les landes seront clôturées; des arbres en forme de balai y seront semés. (*)
    Un temps viendra où les chemins se croiseront de bourg à bourg
    Et le peuple criera misère.
    Tant qu'ils relieront les villes entr'elles, le mal ne sera pas grand.
    Les chemins seront faits de petites pierres comme des pommes en forme d' oeufs
    Un pont au Trihorn commencera et jamais ne finira (**)
    Aussi certainement qu'une grande route partira du bourg de Pluvigner et traversera les marais de Trelecan.
    Un chemin partira par le Cheval-Blanc, de Sainte-Anne, et reliera ce village à Vannes.
    Quand ce chemin s'achèvera une guerre éclatera.
    Un chemin jaune traversera toutes ces grandes routes:
    Des traînées de charrettes se succéderont les unes aux autres; elles se mouvront par le feu,
    Sans l'aide de boeufs, ni de chevaux, à travers montagnes et vallées,
    D'un bout à l'autre du monde, alors viendra la fin.

    (*) Guillou remarque "De fait, le sapin n'a commencé à être généralement semé chez nous qu'il y a environ soixante ans." [soit vers 1820].
    (**) "Chose remarquable ! L'entrepreneur du pont se nommait M. Jamais. Est-ce par hasard à ce personnage que le mendiant faisait allusion ? En ce cas, il faudrait supprimer la négation, et la prédiction s'énoncerait de la sorte : «Un pont au Trihorn sera commencé, jamais le finira.» Ce qui ne laisse pas d'être assez vraisemblable. Comme la négation accompagne toujours le mot jamais, nos bonnes gens l'auraient, sans le savoir, introduite dans la phrase, ne pouvant deviner que jamais dût servir à désigner une personne. Le changement a été d'autant plus facile qu'il a suffi de transposer une lettre, et que la prononciation, dans les deux cas, reste à peu près la même. Si cette interprétation est exacte, on demeura d'accord qu'en cette circonstance le mendiant s'est surpassé." (Abbé Guilloux).


  • à des événements à caractère historique:
    La guerre civile fera rage
    en Bretagne même:
    -vols de bestiaux
    -massacres à Auray
    Soldatesque
    en uniforme
    parlant français.
    -levée en masse
    Population mâle
    décimée
    Les femmes ne seront
    guère mieux
    loties.
    Goudé e tei ur brezel bras, ha peb unan e gavou brezel é tal e zor
    Quit a monnet pelloh.
    Donneit e rei un amzér ma vou tennet er lonnet ag er reu dré ou herner.
    Ur hoch goaid e druei et melinieu é tal Alré.(*)
    Donneit e rei un amzér ma vou guelet lannen Grégam goleit
    A soudardet gusquet é ru, é guerh, é guen.
    Hag er seminel e huchou : qui-vi ?
    Er soudarded e vou tolpet dihue, hueh pader er ar-nuigent.
    Hag arlerh et brezel, ne vou qet stancoh en dud eit er melinieu avel
    Ut holen lien e lavregou ol er bautred.
    Et merhièd ne vou qet stancoh eit et melinieu avel :
    Sellet er barrez bras-cé: un dé e zei
    Ur holen lien e gouiffou ol er merhied.
    Plus tard surgira une grande guerre et chacun, sans aller plus loin,
    Trouvera la guerre au seuil de sa maison.(*)
    Un temps viendra où les bestiaux seront arrachés à l’étable par la corne.
    Un ruisseau de sang fera un jour tourner les moulins d'Auray. (**)
    Un jour viendra où les landes de Grandchamp seront couvertes de soldats.
    Vêtus de rouge, de vert, de blanc.
    Les sentinelles crieront : Qui vive?
    L’armée se rassemblera en deux fois 24 heures
    Après la guerre, les hommes seront aussi rares que les moulins à vent
    Une aune de toile suffira pour faire des culottes à tous les hommes.
    Les femmes seront aussi rares que les moulins à vent
    Voyez cette parroisse [de Grandchamp, Plumergat et Brec'h]:
    Une aune de tissu suffira pour toutes les coiffes

    (*) En 1891, l'abbé Guilloux pense avant tout à la révolution de 1789, (qui est pour l'Eglise, la conséquence de l'impiété générale fustigée plus loin.
    Guilloux voit dans ces prophéties l'annonce des razzias des Bleus sous la Révolution: "Les nationaux de la grande Révolution arrivaient à l'improviste dans les villages, forçaient les portes des écuries, et, à la barbe du cultivateur indigné, enlevaient ses bestiaux, les conduisaient à Vannes."
    (**) S’agit-il du débarquement de 1795 à Quiberon puis des exécutions des émigrés ?
    Un dicton similaire: "Rod ar vilin a valo flour / Gand goad ar venec’h eleac’h dour." (La roue des moulins moudra menu: le sang des moines lui servira d’eau) est signalé par La Villemarqué dans l'édition 1839 des "Prophéties de Gwenc'hlan". On en trouve l'équivalent dans le Guyonvarc'h de Dufilhol. L'existence de ce centon est confirmée par François Vallée dans une communication au congrès de Moncontour de l'"Association Bretonne", en 1912.


  • aux signes annonciateurs de la fin du monde:
    Ces hostilités annoncent
    la fin du monde, ainsi que:
    -explosion démographique
    -déséquilibre démographique
    -science sans conscience
    -école obligatoire
    -école de l'indocilité
    -histoire de molaires
    -irrespect des enfants
    -alcoolisme
    -luxe excessif
    -animaux suisibles
    -brusque arrêt de la natalité
    -épuisement des ressources
    Sellet mad, mem bugalé, ha pe huelet tanteu é satiein é lann Blaeren,
    é vehemb é labou­rat doh en toq.
    A pe dostei d'en achimant, en douar e vou poblet bras.
    En amzer ce er bautred e grappou er gué é rang er merhied.
    Donnet e rei un amzer ma vou habiltet en dud un ampouison eit er réral.
    Donnet e rei un amzer ma vou scoleit ol er vugalé.
    Ne vou qet a bad doh tai
    Donnet e rei bugalé a buar kildent:
    N'on don respect eit en dud couh nag eit en dud youanc.
    A pe vou fol en dud ged et guin ardant, é tei en achimant
    A pe vou sot en dud get er brageriseu, é vou prest er maleurieu.
    Donneit e rei un amzér ma vou lonqueter bléad dré er hamet lann» Seih vlé qènt, croaidur erbet ne vou gannet.
    Seih vlé qènt, en douar ne daulou meit er peh e dou receuet.
    Pensez-y bien, lorsque vous verrez ériger des tentes dans la lande de Ploeren,
    Nous toucherons au bord du chapeau.
    Quand la fin des temps viendra, le monde sera grandement peuplé.
    Les filles seront si audacieuses que les hommes grimperont dans les arbres pour leur échapper
    Un temps viendra où les savants seront des empoisonneurs publics.
    Un temps viendra où tous les enfants passeront par l’école. (*)
    Rien n’égalera leur indocilité.
    Où les enfants n’auront que quatre grosses molaires.
    Ils n'auront d'égard ni pour la jeunesse ni pour la vieillesse.
    Quand le peuple raffolera d'eau-de-vie, la fin sera proche.
    Quand le luxe régnera dans le peuple, ces grands malheurs seront proches;
    Un temps viendra où la récolte sera la proie des sauterelles.
    Sept ans auparavant, la natalité subira un arrêt total.
    Sept ans auparavant, la terre ne produira que ce qu'elle aura reçu (grain pour grain)! (**)

    (*) A propos de l'école gratuite et obligatoire, l'avis éclairé de l'abbé Guillouxen 1891 est particulièrement savoureux: "Jules Ferry a imposé à la France l'instruction obligatoire, et si, en réalité, tous nos enfants ne fréquentent pas l'école, légalement et officiellement, ils sont censés le faire. Stevan assurait qu'au lieu de les rendre meilleurs, l'école les gâterait. «Rien n'égalera leur indocilité». C'est la conséquence naturelle de l'empoisonnement moral de l'enfance. L'instruction seule est comme un arbre sauvage: elle ne peut produire de bons fruits. Ses fruits naturels sont l'orgueil et l'indiscipline, et il n'est pas d'autres correctifs que l'éducation religieuse: tout enfant laïquement instruit et élevé n'est autre chose qu'un précoce émeutier...Une société nourrie dans de pareils sentiments n'a d'égards pour rien. Issue de la chair, elle doit avoir en horreur tout ce qui n'est pas charnel. C'est ce qui explique la dispense partielle du carême, de l'abstinence du samedi, du jeûne et de l'abstinence des rogations..."
    (**) On l'aura remarqué, certaines de ces vaticinations qui évoquent l'évolution démographique, la pollution ou l'épuisement des ressources naturelles sont d'une étonnante actualité...au XXIème siècle!


    **********

    Au 4ème et dernier chapitre de son opuscule, l'abbé Guilloux, s'efforce de dater ces prédictions transmises par la tradition locale:
    "On peut invoquer à l'appui [de ladite tradition],
    - d'abord l'acte de décès de Julienne Le Rouzic, que les archives de Plumergat mentionnent au 7 février 1719 ;
    - puis les relations de Marion du Faouët avec le minour de Trélécan, prédites de 1740 à 1755, c'est à dire à l'époque où la grande voleuse remplissait le pays du bruit de ses exploits. Ces deux faits ne nous autorisent-ils pas à conclure que Stevan vivait en 1719 et vers 1750 ?
    - Rien n'indique en revanche jusqu'à quelle année il a prolongé sa vie. Les registres de Plumergat et de Plougoumelen ne fournissent aucun renseignement à cet égard, et l'information puisée dans les archives de Baden, jusqu'à plus ample recherche, est manifestement insuffisante...
    Mon dessein [n'est pas] de garantir l'authenticité de toutes les prophéties dont la tradition lui fait honneur. Il est à croire que quelques unes... lui ont été inconsciemment attribuées par le peuple et que la plupart avaient à l'origine une forme sensiblement différente de la forme où elles nous sont parvenues...
    Pour me borner aux prédictions relatives à la soutane à queue de pie, au croisement des chemins vicinaux, à l'établissement des voies ferrées, à la construction du pont d'Auray... elles sont en vogue dans diverses paroisses, on les rapporte à peu près dans les mêmes termes, le public les a connues bien avant leur réalisation. Dès lors ne serait-on pas fondé à les croire authentiques ?"

    Les prophéties de la 2ème série qui condamnent les désenclavement rappellent irrésistiblement La Vieille Ahès, ainsi que Le Vieillard aveugle de la collection De Penguern.
    Le premier de ces textes parle d'ailleurs de "charriots de fer" où l'on pourrait voir une évocation des chemins de fer, ce qui permettrait de dater les passages en question.
    Tout naturellement l'Abbé Guilloux, en 1891, écrivait: "Quel homme, il y a cent ans, songerait à ces chars de feu, à ces séries de voitures roulant sans boeuf ni chevaux d'une extrémité à l'autre de la terre ? Pourtant le mendiant les a annoncés. Tous nos vieillards au besoin l'attesteraient. «Assurément, pensaient-ils, ce seront les voitures de l'Antéchrist, traînées par tous les diables de l'enfer.» Lorsque les préfets de Louis-Philippe entreprirent le réseau des voies publiques, les braves gens au courant de la présente prédiction, regardaient ces travaux avec étonnement : «Voici, disaient-ils, que la prédiction commence à se réaliser, mais on ne voit pas encore ce chemin qui doit couper les autres.» A l'apparition des voies ferrées : «Ah ! pour le coup, s'écrièrent-ils, nous y voilà. Attendons maintenant la fin.»



    CONCLUSION

    Toutes ces prophéties bretonnes ont un air de famille. Bien qu'elles visent en général des aires géographiques restreintes (Guingamp pour le "Dialogue entre Guynglaff et le roi Arthur", Brest pour celles de l'abbé Guillerm, Priziac et Langonnet chez Loeiz Philip et Philip Norman, le Trégor chez Guinclan-Gwenc'hlan, l'ouest de Vannes chez le roi Etienne), elles sembent tirer une bonne partie de leur substance commune d'un fonds de formules, dont certaines sont devenues des proverbes collectés par L.F. Sauvé et Du Cleuziou. Les thèmes qu'elles abordent sont d'une étonnante modernité (triomphe de l'athéisme et de l'amoralité, confusion des sexes et des âges, dérèglement climatique et confusion des saisons, pollution du globe, épuisement des ressoures naturelles, méfaits du désenclavement...). On observera cependant que chaque époque peut y voir un miroir de ses propres préoccupations et qu'en 1891, l'abbé Guilloux faisait une tout autre lecture que nous des vaticinations du roi Etienne!

    Ce parallélisme s'observe également dans le cas des deux étranges poèmes collectés par De Penguern, le Vieillard aveugle et la Vieille Ahès, que l'on doit, assurent certains, au seul talent créatif de Guillaume Kerambrun, de même que les prophéties de Gwenc'hlan devraient tout à l'imagination de La Villemarqué, alors qu'elles présentent avec les "Prophéties populaires" et les "Proverbes" collectés par Hippolyte Raison du Cleuziou de surprenantes similitudes. Compte tenu de ce qui précède, on peut soutenir que, si ces magnifiques morceaux d'anthologie ont certainement bénéficié du savoir-faire littéraire de leurs collecteurs, ils procèdent d'un matériau de base dont le caractère populaire authentique ne fait guère de doute.

    Par ailleurs, on trouvera à la page When the King deux prophéties du maître en la matière, Nostradamus, dont les oracles commencèrent à être publiés en 1568.

    ""Dialog etre Arzur Roe d'an Bretounet ha Guynglaff" (Chant royal)
    "La prophétie de Gwenc'hlan"
    "An den kozh dall" (Penguern)