L'enfant supposé

The Changeling

Dialecte de Cornouaille

  • M-00254
  • Première publication, Barzhaz, 1ère édition, en 1839, sous le titre "Ar vugel [!] laec'hiet" (avec une faute de mutation).
  • Chanté par Annaïk Huon, épouse Le Breton de Kerigazul en Nizon (selon table A).
    Cependant La Villemarqué, dans l'édition de 1845, avait cité comme informatrice "une paysanne de Nizon appelée Fañche Mélan [identifiée par Donatien Laurent comme étant Françoise Droal, épouse Guyader]. L'origine de cette erreur est expliquée dans la notice préliminaire du chant Gwenc'hlan.
  • Ce chant est absent des manuscrits de Keransker.
  • Il n'a été recueilli que par La Villemarqué.
    - Un conte similaire, "Histoire du cornikan de Coatbrezel", a été publié dans la Revue de Bretagne tome IV -3ème livraison (2ème année) Mars 1834, Rennes (pp. 118 - 122) par Corentin Tranois.
    - Selon Francis Gourvil ("La Villemarqué", p.353), "il s'agit d'une pièce dont les éléments existent dans le fonds populaire des contes et traditions en prose , mais non sous forme de chanson. Son titre breton "Ar bugel lec'hiet" est d'ailleurs incompréhensible."
    Cependant, il le range dans la catégorie des "chants inventés", page 94 de son "Villemarqué (et page 395, où il figure parmi les "pièces historiques neutres", tenues par Loth et Luzel pour "inventées").
    Il ne dit pas non plus quel titre il aurait préféré. Le Père Grégoire traduit "enfant supposé" par "bugel roet dre avoultriezh gant ur c'hwreg d'he ozac'h evel pa vez-eñ e dad" ou "bastard lakaet e-touez bugale lejitim heb gouzout d'an ozac'h"!
  •  'Jennet Francis sruggles with the fairies for her baby', gravure de T.H. Thomas tirée de 'British Goblins' de Wirt Sikes, Londres 1880
  • M-00254
  • First published in "Barzhaz Breizh, 1st edition, 1839 as "Ar vugel [!] laec'hiet" (with a grammatical error)
  • From the singing of Annaïk Huon, wife of Le Breton from Kerigazul near Nizon (according to table A).
    However, in the 1845 edition La Villemarqué had named another informer, to wit "a Nizon country woman called Fañche Mélan [whom Donatien Laurent identified with Françoise Droal, wife of Guyader]. For the cause of this mistake see preliminary notice to the song Gwenc'hlan.
  • No hand-written version in the Keransquer MSS.
  • No other record than in the Barzhaz.
    - A similar tale, "The cornikan of Coatbrezel", was published in "Revue de Bretagne" book IV -3rd release (2nd year) March 1834, Rennes (pp. 118 - 122) by Corentin Tranois.
    - Francis Gourvil (in "La Villemarqué", p.353) writes: "This piece is made up of elements existing in tales and oral traditions in prose, but not as a song. Its Breton title "Ar bugel lec'hiet" will not be understood by an average Breton speaker."
    However he includes it into the category of "invented songs", on page 94 of his "Villemarqué (and page 395 where it is quoted among other "neutral historical pieces", considered as "invented" by Loth and Luzel).
    Nor does he state what title he would have prefered. The Reverend Gregory of Rostrenen translates in his Dictionary "substituted child" as "bugel roet dre avoultriezh gant ur c'hwreg d'he ozac'h evel pa vez-eñ e dad" or "bastard lakaet e-touez bugale lejitim heb gouzout d'an ozac'h"!

  • Ton
    La mineur, peut-être hypodorien à l'origine.
    D'après l'arrangement de Friedrich Silcher

    Français English

    1. Marie, son cœur est affligé
    De la perte de son bébé
    Qu'une korrigane a volé.

    2. - J'étais allée jusques au puits.
    Laissant mon Loïc dans son lit;
    A mon retour, on l'avait pris.

    3. Et remplacé l'enfant si beau:
    Par cet être noir, ce crapaud,
    Qui griffe et mord sans dire un mot,

    4. Qui toujours demande à téter,
    Alors qu'il a sept ans passés,
    Et qui n'est pas encore sevré.

    5. Vierge, sur le trône neigeux,
    Avec, dans vos bras, l'Enfant-Dieu,
    Contemplez mon sort malheureux.

    6. Votre Enfant, vous l'avez gardé.
    Moi, le mien, on me l'a volé.
    Mère de compassion, pitié!

    7. - Fille, ne désespère pas!
    Loïc n'est pas perdu, crois-moi,
    Loïc, on le retrouvera.

    8. Dans une coquille d'œuf, dis
    Que tu fais à dîner pour dix:
    Le nain parlera malgré lui.

    9. Alors, dès qu'il aura parlé,
    Fouette-le donc. Fais-le crier.
    Et quelqu'un courra le chercher.

    10. - Ma mère, que faites-vous là?
    Disait le nain, rempli d'émoi,
    Que faites-vous, dites-le moi?

    11. - Ce que je fais ici, mon fils?
    Dans cette coque d'œuf je cuis
    De quoi faire à manger pour dix.

    12. - Dans une coque d'œuf, pour dix?
    Avant la poule, l'œuf je vis.
    Avant l'arbre, le gland aussi.

    13. J'ai vu le gland dans la campagne,
    Le chêne dans l'autre Bretagne;
    Non de tels châteaux en Espagne!

    14. - Tu as beaucoup vu, je crois bien:
    Et vlan et pan et vlan et pan!
    Et vlan! Vieux gaillard, je te tiens!

    15. - Ne le frappe-pas! Rends-le-moi!
    Ton fils, je ne le frappe pas:
    Dans notre pays, il est roi! -

    16. Quand Marie revint au logis
    Son enfant était endormi
    Doucement dans son petit lit.

    17. Et comme elle le regardait,
    Voulant le couvrir de baisers,
    Elle vit ses yeux qui s'ouvraient;

    18. Il se leva sur son séant,
    Tendit vers elle ses bras blancs:
    - Mère, j'ai dormi bien longtemps!

    Traduction: Christian Souchon (c) 2008

    1. Pretty Mary is so sorry;
    She has lost Loïc, her baby;
    With the "korrigan" he must be.

    2. - To collect water I had gone,
    Left him in his cradle, alone,
    But he was far, when I came home.

    3. And I found that freak in his place,
    As black as a toad in its face,
    A scratching, biting, dumb disgrace!

    4. Always wants to suck at my breast.
    Though it's over seven, at least.
    Won't be weaned before long, I guess.

    5. O Mary, on Your throne of gold,
    In Your arms Your dear Son you hold
    Joyful, my grief is unconsoled.

    6. Your holy Child, You always kept,
    Whereas of mine I was bereft.
    Mother of pity, stop that theft!

    7. - Daughter, for your son do not grieve!
    Loïc is not lost, I believe,
    Your dear Loïc will be retrieved.

    8. Who feigns cooking in an eggshell
    For ten labourers, may compel
    A silent dwarf the truth to tell.

    9. Once he has spoken, flog him well!
    Once flogged, he will start to yell.
    His cries being heard will end the spell.

    10. - What are you doing, my mother?
    Said the dwarf who watched in wonder.
    What the deuce are you doing there?

    11. - What I am doing here, my son?
    Cooking in an eggshell for ten
    Labourers who dwell in my den.

    12. - In an eggshell, mother, for ten!
    I saw the egg before the hen;
    Before the tree, I saw the grain;

    13. I saw acorn and limber tree,
    Strong oak in Upper-Brittany,
    But never saw such oddity!

    14. - My son, you saw too many things!
    And bang! And bing! And bang! And bing!
    Old boy! This will be the ending!

    15. - Don't do him harm! Leave him to me!
    I did not do your son any.
    For he's the king in our country! -

    16. When Mary returned to her house,
    She found her child in sweet repose,
    In his cradle, having a doze.

    17. She was gazing at him in bliss
    And bending to give him a kiss
    But he opened his eyes at this.

    18. He sat up in his cradle fair
    And held out his small arms to her
    - I've been for long asleep, mother!

    Translation: Christian Souchon (c) 2008




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    Résumé
    En son absence un beau bébé est volé à sa jeune mère et remplacé par un horrible nabot boulimique et muet. Sur le conseil du recteur, la mère provoque l'étonnement du "changeon" en prétendant préparer le repas de dix laboureurs dans une coquille d'œuf. Il récite une formulette qui trahit son grand âge. Alors elle le fouette et ses cris alertent sa véritable mère, une korrigane, qui restitue l'objet de son larcin et repart avec son rejeton.
    Alors qu'il avait reconnu le caractère presque universel de cette tradition populaire ou s'exprime une hantise maternelle peut-être vieille comme le monde, le collecteur la présente, à partir de 1845, comme un bien propre du monde britonnique. Une querelle littéraire qui l'oppose à la traductrice de poèmes gallois anciens (cf. Gwenc'hlan), n'est peut-être pas étrangère à ce revirement. De ce fait, La Villemarqué n'a pas vu l'incidence tragique de ce thème exploité, à leur manière par les théologiens, surtout germaniques, à partir du 12ème siècle.

    Une tradition galloise
    Voici, pour commencer, un extrait des "Gobelins de Grande Bretagne, Folklore gallois, Fées et mythes, Légendes et traditions" de Wirt Sikes (1836 - 1883), publiés à Londres chez S. Low, Marston, Searle et Rivington en 1880.
    "J'ai souvent entendu ce conte au Pays de Galles et il ressemble toujours, pour l'essentiel au chant de La Villemarqué. Ce qui suit est la traduction presque mot à mot d'un récit recueilli dans le Radnorshire (un comté jouxtant celui de Montgomery). On notera une tendance moderne à localiser les événements:
    'Dans la paroisse de Trévéglis près de Lanidloes, dans le Comté de Montgoméry, il y a un chalet de berger que l'on appelle le "Lieu de la Querelle", pour avoir servi de cadre à une querelle hors du commun. Il était habité par un homme et sa femme qui eurent des jumeaux dont la mère s'occupait avec soin et tendresse. Quelques mois plus tard, la maîtresse de maison avait dû se rendre chez une proche voisine pour une affaire importante. Bien qu'elle n'eût pas à aller bien loin, elle répugnait à laisser ses enfants tout seuls dans leur berceau, ne serait-ce qu'une minute, car sa maison était isolée et on racontait toutes sortes d'histoires à propos des gobelins ou "Tylwyth Teg" qui hantaient la région.
    Elle s'absenta cependant et revint dès que possible. Mais en retournant chez elle, elle fut terriblement inquiète de voir, alors qu'il n'était que midi, quelques 'elfes en jupon bleu'. Le cœur battant, elle se précipita chez elle. Mais elle constata avec soulagement que tout semblait tel que lorsque elle avait quitté la maison. Cependant, au bout d'un certain temps, les bonnes gens commençaient à se demander pourquoi les jumeaux ne grandissaient pas et conservaient une taille de nains. L'homme en concluait que les enfants n'étaient pas de lui et sa femme affirmait le contraire, ce qui provoqua entre eux la grande querelle qui donna son nom au lieu-dit.
    Un soir, la femme qui avait le cœur gros, se décida à aller trouver un sorcier, persuadée que cela était de son ressort. Or le temps des moissons était proche pour le seigle et l'orge, c'est pourquoi le prud'homme lui dit: "Quand tu prépareras le dîner des moissonneurs, vide une coquille d'œuf et fais-y bouillir du potage, puis prends-la et franchis la porte comme pour aller porter leur repas aux ouvriers. Ecoute ce que les jumeaux diront. S'ils disent des choses qui dépassent l'entendement des enfants, rentre dans la maison, prends-les et vas les jeter dans les flots du Llyn Ebyr (Lac des Abers), tout près de chez toi. Mais s'ils ne disent rien de spécial, ne leur fais pas de mal".
    Et lorsque ce fut le jour des moissons, la femme suivit ce conseil et elle sortit pour écouter. Elle entendit l'un des enfants dire à l'autre:

    Gwelais fesen cyn gweled derwen;
    Gwelais wy cyn gweled iâr
    Erioed ni welais ferwi bwyd i fedel
    Mewn plisgyn wy iár!
    J'ai vu les glands avant de voir le chêne;
    J'ai vu l'œuf avant de voir la poule;
    Jamais je n'ai vu bouillir le repas des moissonneurs
    Dans la coquille d'un œuf de poule!
    [ en breton:
    Gweliz mez kent gweled dervenn.
    Gweliz ui kent gweled yar wenn.
    Biskoazh na weliz berviñ boued ar vederien
    E-barzh bluskenn ui-yar!]

    Sur ce, la mère rentra dans la maison, saisit les deux enfants et alla les jeter dans le Lac des Abers. Aussitôt les gobelins en habits bleus accoururent pour sauver leurs nains et la mère retrouva ses enfants. C'est ainsi que fut mis fin à la querelle entre les deux époux."

    Sources écrites galloises de l'oralité bretonne?
    Dans les "notes" qui suivent le chant, La Villemarqué signale l'existence de cette tradition galloise et cite presque mot pour mot le texte gallois ci-dessus. Dans la première édition, celle de 1839, il cite ses sources: Miss J. Williams (Fairy Legends of Wales); Crofton Crocker (Tradition of the South of Ireland, III partie) et le "Cambrian Quaterly Magazine" (t. II p.86).
    Il en déduit, sans doute trop hâtivement,
    "que cette ballade remonte pour le fond à une époque antérieure à la séparation définitive des Bretons insulaires et des Bretons armoricains,...[ce] que confirme,..., la forme ternaire des strophes et l'allitération régulière qu'elle présente d'un bout à l'autre."

    A ce sujet, le rapprochement que fait La Villemarqué avec un passage de la Vie de Merlin de Calédonie (Vita Merlini Caledoniensis, 1150) semble tout à fait pertinent. Il écrit dans ses notes et éclaircissements:
    "Par un hasard extraordinaire, Geoffroy de Monmouth met les paroles que [l'on va] lire dans la bouche de son barde sorcier."
    Roboris annosi silva stat quercus in ista
    Quam sic exegit consumens cuncta vetustas
    Ut sibi deficiat succus penitus que putrescat.
    Hanc ego cum primum cepisset crescere vidi
    Et glandem de qua processit forte cadentem,
    Dum super astaret picus- ramum que videret.
    Hic illam crevisse suo iam pene sedebam
    Singula prospiciens tunc et verebar in istis
    Saltibus atque locum memori cum mente notavi.
    Ergo diu vixi- mea me gravitate senectus
    Detinuit dudum: rursus regnare recuso.
    Dans cette forêt se dresse un chêne vénérable
    Dont la vieillesse qui consomme toutes choses
    A tant tiré la sève qu'il a pourri en-dedans.
    Je l'ai vu alors qu'il commençait à peine à croître
    Et j'ai vu tomber le gland qu'il avait produit
    Et que le pivert, perché sur sa branche avait aperçu.
    C'est ici que je le voyais pousser de son propre élan.
    J'étais alors attentif aux choses et m'inquiétais pour elles
    Dans ces forêts; et ce lieu s'est gravé dans mon esprit.
    J'ai donc vécu longtemps - et le poids de l'âge
    Depuis longtemps pèse sur moi: je ne veux plus régner.

    "Si cette remarquable coïncidence n'était pas l'effet du hasard, elle prouverait que le moine gallois qui faisait ainsi parler Merlin connaissait le chant populaire et ce serait pour notre ballade une nouvelle preuve d'antiquité.".
    Le moins qu'on puisse dire, en effet, c'est que Geoffroy de Monmouth semblait connaître soit le conte, soit le dicton à propos du chêne!
    Cette évocation de Merlin par La Villemarqué conduit certains commentateurs à ranger ce chant parmi les très suspects "chants arthuriens du Barzhaz" (qui auraient inspiré les romans de Chrétien de Troyes, Béroul, Thomas, Robert de Boron, etc.) et à rapprocher l'Enfant supposé de Lancelot du Lac, fils du roi Ban de Bénoïc, enlevé encore enfant par la fée Viviane. Cela semble bien hasardeux!
    D'une façon générale, il semble qu'en dépit de la réputation des chœurs d'hommes gallois, le répertoire de chants populaires anciens de la Principauté soit bien moins riche que celui de la Basse-Bretagne. De sorte que les correspondances entre les chants vivants dans les domaines brittoniques des deux côtés de la Manche semblent fort rares. En revanche des parallèles existent entre la tradition orale bretonne et la littérature ancienne galloise (Submersion d'Is, Yannick Scolan, certains motifs de Merlin, la laie des Vêpres des grenouilles et la chasse à la truie merveilleuse "Twrch Trwyth" des "Mabinogion"...) et justifient les nombreuses citations qu'en fait La Villemarqué. Sans doute faut-il voir là un phénomène d'origine religieuse, à savoir le résultat inégal des efforts de l'Eglise catholique post-Trentine d'une part, et de l'Eglise méthodiste d'autre part, pour remplacer la tradition par leurs propres chants. Au Pays de Galles les
    "imposteurs fanatiques et les prédicateurs populaires illettrés [étaient parvenus à...] faire disparaître des divertissements innocents tels que le chant, la danse, etc. pratiqués de tout temps, [...faisant du] Pays de Galles l'un des plus ennuyeux du monde." (Edward Jones, "Barde" du roi Georges IV, 1752-1824, dans "The Bardic Museum of primitive British poetry", 1802).

    Dans le livre de Wirt Sikes, le large extrait ci-dessus est précédé de la légende bretonne de La Villemarqué. Il est amusant de constater que dans l'édition de 1845, ce dernier ne cite plus ses sources livresques, mais affirme que la légende "nous [=lui] a été racontée par les paysans du Glamorgan". Il enjolive sans doute la vérité car ce membre de phrase disparaît en 1867.

    La Villemarqué au Pays de Galles
    On a vu, en effet, à propos de la Prophétie de Gwenc'hlan que La Villemarqué avait été chargé d'une mission auprès de l'Eisteddfod d'Abergavenny.
    Les 8 membres de la mission arrivèrent le 4 octobre 1838 à Abergavenny et La Villemarqué fut logé chez Lady Hall l'épouse du futur ministre des travaux publics dont le prénom Benjamin allait servir de surnom au carillon de Westminster "Big Ben". Il entonna, en réponse au discours de bienvenue du Rév. Price, un chant en un gallois mâtiné de breton (ou l'inverse) qui déchaîna cependant un enthousiasme délirant.
    Dans son rapport sur la littérature du pays de Galles au Ministre de l’Instruction Publique, La Villemarqué n’hésite pas à soutenir que la langue de Taliesin était exactement celle que parlent aujourd’hui les paysans de Basse-Bretagne. Il relate le moment solennel où
    "il vint à entonner un chant de bienvenue, dans l’idiome de son pays, et se vit compris et salué des applaudissements d’une foule en délire, soulevée toute entière comme par un effet électrique, aux accents d’une voix qu’ils reconnaissaient après treize cents ans !" » Mais il omet de dire qu’une traduction en anglais en avait été faite et distribuée juste avant par le Révérend Price …
    Cela lui valut d'être reçu le 11 octobre dans l'ordre des Bardes sous le nom de "Barz-Nizon". Les éditions de 1839 et de 1845 du Barzhaz s'ouvrent d'ailleurs sur un épigramme, une citation des "Triades de l'Île de Bretagne" rédigée selon l'orthographe de Le Gonidec:
    Koun a c'havo barz or bop moliannuz
    ar our ha c'hénédel,
    ha fob digwez amzeraou.
    Le barde gardera le souvenir de toute chose digne d'éloges
    concernant l'individu et la race
    et tout événement contemporain

    L'Introduction propose en outre des citations de poèmes gallois de Taliésin, travestis de la même façon et présentés comme du "breton du VIème siècle", avec en regard du "breton moderne" qui en diffère à peine et qui est parfaitement incompréhensible. Dans ses "Contes populaires des anciens Bretons" (1842, page 355), La Villemarqué affirmera, en s'appuyant sur une transcription tout aussi incompréhensible du début de Pérédur, que les paysans de Cornouaille comprennent plus facilement les "Mabinogion" que ceux du Glamorgan..."L'"identité parfaite" des deux idiomes, proclamée par le jeune barde, est donc loin d'être prouvée. Dans l'édition définitive de l'ouvrage, si la diatribe de Taliésin contre la poésie populaire est toujours citée dans l'introduction (p. XXIX), elle ne l'est qu'en français et ces exemples sont, eu égard aux progrès des études bretonnes, sagement supprimés.
    Dans son allocution de remerciement, l'impétrant, au bras duquel on avait attaché le ruban bleu des druides, annonça son intention d'élever un temple en rassemblant en Armorique les fragments épars des chants des anciens Bardes. Les journaux parisiens et bretons publièrent d'amples comptes rendus de ces scènes de fraternisation.
    La Villemarqué visita ensuite Stonehenge et les ruines de l'abbaye de Glastonbury puis revint en Galles, où, à Dowlais, dans le Glamorgan, il fut l'hôte pendant plusieurs jours de Lady Charlotte Guest qui était en train de publier la traduction anglaise annotée de contes gallois du moyen âge sous le titre de Mabinogion, à partir du manuscrit dit le "Livre rouge" ("Llyfr Coch") de Hergest.
    Cette rencontre qui eut lieu en décembre 1838 était sans doute prévue depuis longtemps, car La Villemarqué était en fait déjà en relation épistolaire avec Lady Guest. Il lui avait fourni en avril 1838 des passages du "Chevalier au Lion" de Chrétien de Troyes qu’il avait transcrit à partir d'un manuscrit de la Bibliothèque royale. Il s'agissait d'un travail considérable (au moins 25.000 mots déchiffrés et recopiés) pour lequel, dans la Préface dans l'ouvrage qui venait de paraître, la traductrice adressait ses "remerciements les plus vifs et les plus mérités".
    L'admiration que lui inspirait le talent de la jeune femme se commua en rivalité, lorsque La Villemarqué écrivit (comme l'affirme Gourvil qui ignore si c'est de Londres ou Oxford) à l'éditeur de l'ouvrage, pour voir son nom figurer à la page de titre, au motif qu'il avait fourni à la traductrice une copie du Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes à rapprocher du conte "La Dame de la Fontaine et corrigé les épreuves de son texte.
    Il ne passa vraisemblablement que quelques jours à Oxford où il fut reçu par le Rév. Foulkes, principal du Jesus College et arriva le 11 février 1839 à Londres où il rencontra quelques personnalités françaises, dont Alfred de Vigny, avant d'embarquer pour la France, le 6 mars.

    Rivalité entre deux celtisants
    Fin 1839, il adressa au Comité gallois son étude consacrée aux "Influences des traditions galloises sur les littératures européennes du Moyen-âge". C'est le savant allemand Schultz, auteur d'une "Saga von Merlin" et d'une traduction allemande des Mabinogion qui remporta le prix. Dans son essai, La Villemarqué fait largement appel aux Mabinogion de Lady Charlotte Guest. Mais dans le rapport qu'il adresse en mai 1839 au ministre de l'instruction publique, il met en avant le travail fourni par le Rév. John Jones dit "Tegid",
    "chargé de transcrire et de revoir les textes que la plume facile de lady Charlotte fait passer dans l'anglais le plus pur et le plus élégant."
    Lady Guest ne manqua pas de remarquer dans son journal, à la date du 11 novembre 1840, que l'essai de La Villemarqué
    "faisait grand usage de mes Mabinogion tout en les mentionnant assez rarement. Au contraire, il insinuait que je n'ai pas écrit le livre moi-même (tout en n'osant pas m'en accuser ouvertement). La raison cachée de tout ceci réside dans son dépit de ne pouvoir me devancer dans la publication de Pérédur."
    Et de fait, La Villemarqué s'était fait envoyer par "Tegid" un double de ce conte dont il voulait faire le sujet d'un livre et celui-ci lui procura un texte gallois sans traduction anglaise. Ce n'est qu'en 1842, à la suite de la publication des "Mabinogion" incluant la traduction de "Pérédur", que La Villemarqué fit paraître ses "Contes populaires des anciens Bretons" précédés d'un "Essai sur l'origine des épopées chevaleresques de la Table Ronde".
    La Villemarqué y expose que
    "parmi les monuments enfouis dans les bibliothèques galloises, se trouvent des recueils manuscrits d'anciens contes populaires bretons, d'origine armoricaine. Je fus chargé...de les rechercher, les traduire et de constater quels rapports ils pouvaient avoir avec la littérature française...Lady Charlotte Guest se réserva la première partie de cette tâche et voulut bien m'y associer. Elle fit imprimer plusieurs textes originaux et poursuit leur mise en lumière...j'entreprends seul la seconde en ce moment."
    Bien que La Villemarqué ne prétendît pas, comme on le voit, avoir traduit ces textes gallois, Lady Guest nota dans son journal, le 20 mai 1842, que l'ouvrage du vicomte
    "comporte une traduction française des trois premiers contes des 'Mabinogion' que l'auteur s'ingénie à présenter comme réalisée par lui directement à partir du gallois, sans reconnaître ce qu'elle doit à ma propre version. Il me copie servilement du début jusqu'à la fin et se sert de mes notes sans le dire, sauf dans un cas sans importance. Le procédé est d'une mesquinerie insigne et son auteur est trop méprisable pour qu'on s'y attarde." (cité par Donna R. White https://www.jstor.org/stable/20557305). Lady Guest fit savoir que la traduction française des contes partait en réalité de sa propre traduction anglaise et que les notes reprenaient largement les siennes.
    Comme on le voit, la question de l'antériorité réciproque des traditions orales et écrites se doublait d'une polémique personnelle entre deux auteurs, ce qui n'était pas fait pour clarifier le débat. Concernant le chant qui nous intéresse ici, ce différend explique sans doute que La Villemarqué ait rapidement cessé de percevoir que le thème de l'enfant supposé par un être surnaturel dépassait le cadre de la Bretagne et du Pays de Galles, alors au centre de ses préoccupations.


    Sources: "La Villemarqué" de F.Gourvil et "Aux origines du nationalisme breton" de Bernard Tanguy - Editions 10-18 - oct. 1977.
    D'autres traditions orales communes à la Bretagne et au Pays de Galles sont évoquées à propos du Combat de Saint-Cast et de Yannick Scolan.

    L'enfant supposé: une figure mythique
    Pourtant, dans les notes qui suivent ce chant dans l'édition de 1839, La Villemarqué montrait qu'il avait l'intuition que ce thème n'était pas propre au domaine brittonique (Galles et Bretagne). Il indiquait que d'autres auteurs, Croften Crocker, Walter Scott (domaine gaélique), Thiele et Jacob Grimm (domaine germanique), citent des
    "traditions de leurs pays qui s'accordent toutes par le fond avec la tradition bretonne, quoiqu'elles en diffèrent plus ou moins par les détails".
    Il n'était peut-être pas tout à fait sincère quand il disait avoir recherché et trouvé une "œuvre complètement en vers", alors que la forme récit en prose mêlé de couplets est celle que l'on retrouve partout. Loin d'"accuser évidemment une modification postérieure", cette alternance de prose et de rimes est un élément de l'intrigue: elle exprime l'appartenance des locuteurs à des mondes différents, naturel et surnaturel, qui interfèrent dans cette histoire. (Yann Brekilien dans ses "Autres contes et légendes du Pays breton" (1994) commet l'erreur inverse: dans son"Enfant supposé", il fait parler le changelin en prose.)
    En voici un exemple pris chez Grimm ("Contes domestiques pour les enfants"; Chapitre 39: les lutins", 3, 1819):

    "Les lutins (Wichtelmänner) avaient enlevé à une mère son enfant au berceau et lui avait substitué un changeon (Wechselbalg) à la grosse tête et aux yeux fixes qui ne savait que boire et manger. Ne sachant que faire elle alla trouver sa voisine et lui demanda conseil. Celle-ci lui dit de porter le changeon dans la cuisine, de le déposer dans l'âtre, d'y faire du feu et de faire bouillir de l'eau dans deux coquilles d'œuf. Le changeon ne pourrait s'empêcher de rire, ce qui le perdrait. La femme suit son conseil en tous points: Lorsqu'elle place les coquilles pleines d'eau sur le feu, le nain à la grosse tête dit:
    „Nun bin ich so alt
    wie der Westerwald,
    und hab nicht gesehen,
    daß jemand in Schalen kocht!“
    "Désormais, je suis aussi vieux
    Que le mont Westerwald, mais je
    N'ai jamais vu qu'on fit bouillir
    De l'eau dans des coquilles d'œufs."

    Et il pouffe de rire. Alors surgit une foule de lutins, portant le véritable enfant. Ils le déposent dans l'âtre et emmènent avec eux leur congénère."
    Dans les éditions ultérieures du Barzhaz, toutes les références non-galloises disparaissent des commentaires.

    Le "Cornikan de Coatbrezal"
    Les fautes grammaticales qui entachent la version 1839 ("seiz blizien", "dek gounideien"..) pourraient indiquer que c'est le jeune barde lui même qui est l'auteur de la version bretonne entièrement rimée. Pour ce faire, il a sans doute mis à contribution le conte "Histoire du Cornikan de Coatbrezal" relaté par Corentin Tranois dans la "Revue de Bretagne" tome IV -3ème livraison, 2ème année, Mars 1834, Rennes, pp. 118 -122. Cette revue créée par Louis Dufilhol (1791-1864) publia, de janvier 1833 à mai 1834, une série d'articles illustrés de 6 chansons en breton de Vannes reçues de divers collaborateurs. Le conte en prose en question dont l'intrigue est identique à celle du poème du Barzhaz (si ce n'est que Loïc s'appelle ici Nannig"!) contient la formulette:
    Me 'm-eus gwelt Koat Brezal
    Me 'm-eus eñ gwelt e mez hag e gwial
    Ha me 'm-eus eñ gwelt e zolioù e maner Brezal
    Ha biskoaz n'em-eus gwelt kemend-all.
    J'ai vu le bois de Coatbrezal
    Quand il n'était que glands et gaules;
    Puis poutres du Manoir Brezal.
    Jamais n'ai vu chose si drôle!

    La Villemarqué a repris ce texte à la strophe 13 de son poème à l'dentique, mais il a remplacé le lieu-dit "Coatbrezal" par un mystérieux "Koad Breizh-all", bois de l'autre-Bretagne. Il n'est pas douteux qu'il connaissait ce texte, car il cite cet article intitulé "Traditions de Basse Bretagne" à propos du chant suivant, dans l'édition de 1839.
    La narration de La Villemarqué suit point par point celle de Tranois:
  • Une mère va à la rivière pour laver son linge et laisse sans surveillance son bel enfant auquel une vieille Cornicanèze substitue son monstre d'enfant: "une face sèche et ridée, d'un jaune sale comme unvieux parchemin gratté, des yeux de chouette, des cheveux crépus et aussi noirs que la suie de la cheminée, quelques brins de barbe bien longs, des dents et des ongles terribles..."
  • La mère pense qu'elle est punie de l'orgueil qu'elle éprouvait d'avoir un fils si gentil. Elle donne le sein à celui qu'elle pense être son enfant métamorphosé "qui la mordit en poussant des hurlements épouvantables". Toutes les mères, autrefois jalouses, se moquent d'elle."
  • La malheureuse mère faisait des pélerinages à la Vierge: N-D de Pitié, N-D de Bon-Secours, Sainte-Anne d'Auray, mais "l'infortuné Nanic ne dépouillait pas son enveloppe hideuse."
    Sur le conseil de pieuses amies:
    "Si le diable a pris possession de votre enfant, il faudra le conjurer, avant qu'il se détache de sa proie.", elle consulte le prêtre de la paroise
  • Le recteur lui révèle la substitution et le moyen d'y mettre fin: "Cet être hideux est le fils d'une vieille Cornicanèze...Il est... plus vieux que votre grand-père même... Il n'a pas encore parlé parce qu'il en avait la défense. Il faut qu'il vous parle maintenant." Pour l'y contraindre, elle devra préparer une "bassinée" de bouillie dans une coque d'œuf et répondre à la question qu'il ne manquera pas de poser que c'est là le repas de 19 "marreurs". C'est alors qu'il révélera son âge et qu'elle devra le fouetter. "A ses cris, sa véritable mère arrivera; mais n'écoutez point ses paroles et ne cessez la correction que lorsque Nannic sera remis entre vos mains."
  • Tout se passe comme annoncé: la vraie mère accourt et dit: "Ne tuez pas mon fils...Le vôtre, tout le monde chez nous le chérit!"
    L'autre continue de fouetter le monstre dont la mère assure:
    "Je ne puis vous le rendre; c'est déjà le plus bel homme de chez nous; c'est notre maître, c'est notre roi: laissez-le nous, il sera bien heureux!"
    Devant la détermination de son interlocutrice, la Cornicanèze s'en va et revient avec
    "le joli, le riant Nanic qui tend ses petites mains et se jette dans les bras de sa pauvre mère...et les hideuses créatures qui lui avaient causé tant de mal n'étaient plus là."

    On remarque aussi que les deux auteurs donnent au curieux comportement des "cornikaned" la même explication. Tranois écrit:
    "Les kornikaned sont bien laids et leurs enfants ont la face noire et ridée. Ne pouvant en avoir de moins hideux, ils ont imaginé de voler les petits enfants de nos campagnes."
    et la Villemarqué affirme, au chapitre VI de sa longue Introduction:
    "Presque toutes les traditions européennes leur attribuent aussi un penchant prononcé pour les enfants des hommes et les leur font voler...Leur but, en volant les enfants, est, disent les paysans, de régénérer leur race maudite. "

    Il reste toutefois un élément que le jeune La Villemarqué n'a pas repris: le mot "kornandoned", dont "kornikaned" est à l'évidence une variante et que Tranois, en qui on reconnaît aisément un pur bretonnant, explique ainsi:
    "Cornicanets": petits démons qui chantent avec la corne, comme dans le chœur infernal de Robert-le-Diable [de Meyerbeer, dont la première avait été donnée trois ans plus tôt, en novembre 1831 (fin de l'acte 3)].
    On notera que, de nos jours, les manifestants et le public des stades ont recours au même diabolique procédé...

    Le changeon dans les croyances populaires
    Montreur de changeon (18ème s.) L'intuition première du jeune La Villemarqué est aujourd'hui vérifiée:
    La gwerz du Barzhaz témoigne des croyances qui circulaient dans les campagnes. Elles avaient conservé une étonnante cohérence que met en lumière une étude de Jean-Michel Doulet qui consacra à ce thème, en 2002, un ouvrage de 400 pages intitulé "Quand les démons enlevaient les enfants". Outre des traditions de Chine et des montagnes du Montana, cet auteur cite des récits, berrichons, normands, guernesins, bretons, auvergnats, des Highlands, de Wallonie, du Tyrol, de Bavière ou encore, du Danemark, d'Islande, de Norvège, de Lituanie ou de Moravie, où l'on trouve en général les séquences suivantes :
  • La substitution : Une mère laisse son enfant seul à la maison pour vaquer à ses occupations. Pendant son absence, "on" ôte l’enfant du berceau pour y substituer un marmot à mine de vieillard.
  • Le constat : A son retour, la mère constate qu’au lieu du bel enfant qu’elle avait laissé à son départ, un affreux bambin muet et boulimique occupe le berceau.
  • Le conseil des voisines : Inquiète, la mère va prendre conseil auprès d’une voisine. Celle-ci lui indique alors la manière de procéder pour que le changelin dévoile sa véritable nature et, partant, pour qu’elle récupère son enfant.
    « Ce sont, répondit la voisine, les fées de Chêlin qui ont fait le changement. Si tu veux ravoir ton fils, voici comment t’y prendre. Tu vas allumer dans le foyer une grande fouée de feu, quand le bois flambera tu casseras les œufs et tu mettras les coques tout autour du foyer parmi la cendre, puis tu rempliras d’eau les coquilles comme si tu voulais la mettre à bouillir. »
  • Le dévoilement : Sitôt chez elle, la femme s’empresse de suivre les conseils de sa voisine. L’enfant, intrigué par ces préparatifs ou étonné par le spectacle qui s’offre à sa vue, ne tarde alors pas à parler et, en conséquence, à se dévoiler. L’enfant regarde autour de lui d’un air étonné, puis il s’écrie:
    "J'ai vu la forêt d'Ardenne
    Toute en seigle et en avène
    Le Chalonge plein de ronces
    Le Berry tout plein de choux
    Et la forêt de Bosquen
    Tout en bien (labour)"

    Haute Bretagne
    "Je n'sis de chut an, ni d'antan
    Ni du temps du Rouey Jehan
    Mais de tous mes jours et mes ans
    Je n'ai vu autant de pots bouillants"

    Guernesey
    "Bien que je n'ai vu naître le monde
    Je n'ai jamais vu tant
    de petits pots chauffant
    Ni tant de louches mélangeant"

    Flandres
    - Ah, j’ai plus de cent ans.
    Mais jamais je n’avais vu tant
    De petits pots bouillants!»

    Basse-Bretagne
  • La restitution : Les doutes de la mère étant confirmés, celle-ci se précipite sur le "changeon", le frappe ou menace de le frapper ou de le tuer, si on ne lui rend pas son bébé. Aux cris du "changeon", l’être surnaturel accourt dans la maison et propose de restituer l’enfant volé si on lui remet son petit sain et sauf.

    L'identité de ce "on" qui opère la substitution dépend des traditions locales: des fées, des nains, des elfes, bref des créatures surnaturelles pouvaient enlever les enfants au berceau et déposer à leur place leur propre progéniture. Le nom donné en France à ces inquiétants enfants était, assez souvent "changeon" ou "faiteau". Plus tard, les folkloristes introduiront le mot "changelin", adapté de l'anglais "Changeling".

    Les églises chrétiennes s'intéressèrent au changeon et, selon leur propre grille de lecture, y reconnurent l'œuvre de Satan, aidé ou non de ses exécutrices, les sorcières. Les conséquences de ce passage de la superstition à l'article de foi furent redoutables.

    Le changeon et la théologie
    Légende de St Etienne, 15ème siècleAlors que les mots "changeon" et "changelin" appartiennent en France à un vocabulaire de spécialistes, leur équivalent allemand "Wechselbalg" est compris de la plupart des germanophones qui l'utilisent surtout, il est vrai, comme une métaphore pour désigner un enfant difforme ou affligé d'une grave infirmité. C'est que, plus tôt qu'ailleurs, les superstitions à son sujet avaient attiré l'attention des théologiens.
  • La plus ancienne mention des ce mot ce trouve dans une traduction des Psaumes du Bénédictin Nokter III (ca 950-1022) qui utilise pour "enfant(s) d'un autre" (fremdes Kind) les expressions "wihselinc" et "wihselinga judei", et dans des fragments d'épitres de Paul, le mot "wehselkint". Ce qui montre que ces termes étaient déjà d'usage courant
  • Dans son recueil juridique "Sachsenspiegel", Eike von Repgow (ca 1180- ca 1233) désigne un faible d'esprit par le mot "Wechselbalg" . A la même époque on trouve des termes équivalents: "wehselkind", "wechseling", "wehselkalp". "Wechsel" signifie "échange" et "Balg" la totalité de la peau d'un animal (cf. anglais "belly", ventre et "bellows", soufflet. Le mot n'est pas, comme indiqué à tort dans l'article Wikipédia dont s'inspire ce chapitre, un synonyme de "Säugling", "nourrisson").
  • Hildegarde de Bingen (1098-1179) est une des premières à expliquer, dans ses ouvrages de médecine magique, les maladies mentales et les tares physiques par l'action pernicieuse du diables et de ses suppôts qui s'en prennent ainsi à la piété des hommes. D'autres savants interprètent de la même façon la croyance aux substitutions d'enfants.
  • En marge du domaine germanique, le cardinal Jacques de Vitry (ca 1160-1240), dans l'un de ses modèles de prêches pour prêtres inexpérimentés, parlait de "chamium" (voulant dire sans doute,"échange"), à propos d'un petit garçon qui ne grandissait pas, bien qu'il ait changé plusieurs fois de nourrice. Le message à transmettre était que le diable existe quoi qu'en disent les philosophes.
  • Le phénomène est théorisé par un démonologue dont les écrits auront un retentissement dans toute l'Europe, "Saint" Thomas d'Aquin (ca 1225-1274). Le changeon né d'une femme et d'un incube, est en fait conçu avec la semence d'un homme qui a eu commerce avec le même démon sous forme de succube, lequel y a ajouté ses propres caractéristiques diaboliques. La première victime de ces élucubrations fut sans doute une femme de 56 ans, Angèle de la Barhe qui, à Toulouse, fut condamnée à être brûlée vive par l'Inquisiteur Hugues de Béniol.
  • A Heidelberg, le théologien Nicolas de Jawor (von Jauer) (ca 1355-1435), dans son "De supersitionibus" (1415) reprend le thème de l'enfant substitué en le replaçant dans une longue perspective historique. A ses yeux le changeon est autant un démon que le démon qui l'enfanta. C'était déjà ce qu'affirmait en 1230 l’évêque de Paris, Guillaume d’Auvergne. Malleus
  • L'ouvrage essentiel légitimant la chasse aux sorcières fut le "Malleus maleficiarum", (Hexenhammer, Marteau des [=contre les] sorcières), publié à Strasbourg vers 1487 par les Dominicains Heinrich Kramer, dit Institoris et Jacques Sprenger. Bien qu'il fût condamné par l'Eglise en 1490 en raison de désaccords sur des points de détail, il connut 34 éditions jusqu'en 1669 et ce fut l'ouvrage de référence sur lequel s'appuyèrent les tribunaux séculiers de la Renaissance. C'est la malignité congénitale des femmes qui explique la sorcellerie, dont l'existence est "prouvée" par toutes sortes de raisonnements scabreux. l'ouvrage indique ensuite comment démasquer les sorcières et instruire leurs procès. Cet édifiant ouvrage fera autant de victimes chez les catholiques que chez les protestants.
  • En effet, la Réforme reprit à son compte ce mysticisme imbécile. Martin Luther était sans pitié envers les pauvres êtres que leurs infirmités désignaient comme "Wechselbälge": dans ses "Propos de table 5207" de 1540, il proposait de les faire tuer car ils n'étaient que des amas de chair (massa carnis) sans âme. Comme le Prince de Saxe-Anhalt refusait de noyer un changeon nommément désigné, Luther condescendit à recommander de faire dire un Notre-Père pour l'enfant à l'église.
  • Les changeons furent un des objets d'étude favoris des théologiens réformés, qu'il s'agisse des signes auxquels on les reconnaissait ou des moyens de se prémunir contre les échanges d'enfants non baptisés (les autres étaient immunisés): Gottfried Voigt consacre sa "Disputatio physica de infantibus suposititiis" publiée à Wittenberg en 1667, à prouver l'existence, puis à examiner les causes de ces monstrueux échanges, enfin à faire la liste des signes distinctifs des enfants supposés (gloutonnerie, hypercéphalie, aphasie, méchanceté). Par un jeu de questions et réponses, il "démontre" que les changeons ne sont ni hommes, ni monstres du fait qu'ils naissent tels qu'ils sont et n'évoluent pas...
  • L'œcuménique Jean Valence Merbitzio dans son ouvrage publié à Dresde en 1678, la "Biga disputationum..." consacrée aux 'Wechselbälge" et "Wassernixen", appuie ses théories sur les témoignages tant de Jésuites, le Cardinal Toletus et le Père Schottus, que du théologien protestant, David Chyträus; tant du médecin opposé à la chasse aux prétendues sorcières, Johann Meyer, que de l'historien Petrus Martyr. Il cite aussi les Italiens Giambattista della Porta, Francisco Torreblanca et le savant évêque Agostino Steuco. Il en conclut à l'existence de ces êtres engendrés par le Démon, avec l'assentiment de Dieu: il ne s'agissait pas d'humains, mais de corps sans âmes.
  • Erasmus Finx dans son "Protée infernal", publié à Nuremberg en 1695, recommandait aux mères, avant d'éliminer les malheureux changeons afin de récupérer leurs véritables rejetons, de s'assurer de l'accord des autorités religieuses. La méthode d'élimination la plus apte à assurer le retour de l'enfant enlevé consistait à ébouillanter le pauvre "Wechselbalg". Cependant, en 1654, dans le village silésien de Zuckermantel (aujourd'hui, Zlaté Hory), plus de cent malheureux enfants, y compris des bébés, périrent ainsi dans les flammes.
  • Dans le domaine anglo-saxon, le changeon sous sa forme anglaise "changeling" désigne encore aujourd'hui un enfant (ou un adulte) supposé sans nécessairement l'intervention d'éléments surnaturels. Le mot désigne aussi couramment un malade mental, à l'origine atteint de cyclothymie. Là encore, la croyance populaire a été détournée par les théologiens, en l'occurrence, l'évêque anglican Samuel Parker (1640-1687) qui désigna ainsi un jeune dément boulimique. Il fut imité en cela par le Behemiste (disciple d'un certain Jacob Böhme) Samuel Portage (1633–1691), auteur d'une interminable "Mundorum Explicatio" (Explication des mondes): incapable d'engendrer par lui-même des héritiers, le diable se servait des sorcières et des changeons pour faire prospérer ses maléfices parmi les hommes.
  • Cette récupération des croyances populaires par les théologiens et principalement ceux du domaine germanique se traduit par la définition donnée du "Wechselbalg" dans les dictionnaires:
    - Universallexikon de Zedler (1747): "Enfant de sorcière conçu par le diable substitué à l'enfant de malheureux parents... On trouve de tels enfants cornus au Pérou... Les Turcs leur donnent le nom de 'Nefesolini'..."
    - Conversations-Lexikon de Herder (1854): "Enfant d'une sorcière ou d'un monstre imaginaire analogue et du diable... Tous les enfants anormaux étaient ainsi considérés par un vain peuple aux 16ème et 17ème siècles et même les gens instruits étaient persuadés de leur existence... ce qui coûta la vie à plus d'un enfant défavorisé par la nature, avant que la pensée raisonnée ne relègue le "Wechselbalg" au rang des chimères."
    - Conversations-Lexikon de Herder (1907) et la plupart des dictionnaires du début du XXème siècle: oubliant la construction théologique, ils insistent sur le mythe populaire paye. "Selon les croyances populaires germaniques, nabot difforme substitué par les Nains à l'enfant d'une femme en couches".
    - Meyers Neues Lexikon (1954, du temps de la RDA): tout le Moyen-âge chrétien européen y est passé sous silence: "Wechselbalg": superstition celte et germanique qui veut qu'un enfant fantomatique difforme ait été substitué à un nouveau-né.

    Pour être complet, il faut signaler que Luther incluait le Pape parmi les créatures du Démon et que le Franciscain Sinistrari (1622 - 1701) pensait au contraire que Luther était né de l'union d'un diable et d'une femme.
    Bien qu'Erasme (mort en 1536) et Paracelse (1493 -1541) aient déjà, de leur temps, condamné l'exorcisme, le Catéchisme de l'Eglise catholique, publié en 1992, s'il ne parle plus de succubes ni d'incubes, n'a pas pour autant complètement renoncé à cette funeste fantasmagorie. Dans son article 1673 on peut lire:
    "Il est important de s'assurer, avant de célébrer l'exorcisme, qu'il s'agit bien d'une présence du Malin, et non pas d'une maladie."

    Source de ce chapitre: article "Wechselbalg" de Wikipédia.
    Un thème similaire est abordé dans Merlin au berceau

  • Résumé
    In its young mother's absence, a pretty baby is stolen and replaced by an ugly dwarf who doesn't speak and always sucks at her breast. Following the vicar's advice, the mother arouses the changeling's astonishment by pretending to cook the meal for ten labourers in an egg shell. He then recites a rhyme that betrays his old age. Now she flogs him and his cries alert his true mother, a "korrigan", who rushes in, restores the stolen child and vanishes again with her own offspring.
    Though he had recognized the almost universal aspect of this folk tale giving expression to an obsessive fear possibly felt by mothers since time immemorial, as from 1845, the collector presents it as specific to the Brittonic area. The reason for this reversal of opinion might be a literary strife opposing him at the time to a lady who translated old Welsh poetry (cf. Gwenc'hlan). As a consequence, La Villemarqué did not suspect the tragical repercussions of this superstition, after it was revisited in their own way by theologians, especially in Germany, from the 12th century onward.

    A Welsh tale
    Here is, to begin with, an excerpt from "British Goblins, Welsh Folk-lore, Fairy Mythology, Legends and Traditions" by Wirt Sikes [b. 1836 d. 1883], published in London by S. Low, Marston, Searle & Rivington in 1880.
    "I have encountered this tale frequently among the Welsh, and it always keeps in the main the likeness of M. Villemarqué's story. The following is a nearly literal version as related in Radnorshire (an adjoining county to Montgomeryshire), and which, like most of these tales, is characterised by the non-primitive tendency to give names of localities:
    'In the parish of Trefeglwys, near Llanidloes, in the county of Montgomery, there is a little shepherd's cot that is commonly called the Place of Strife, on account of the extraordinary strife that has been there. The inhabitants of the cottage were a man and his wife, and they had born to them twins, whom the woman nursed with great care and tenderness. Some months after, indispensable business called the wife to the house of one of her nearest neighbours, yet not withstanding that she had not far to go, she did not like to leave her children by themselves in their cradle, even for a minute, as her house was solitary, and there were many tales of goblins, or the Tylwyth Teg, haunting the neighbourhood.
    However, she went and returned as soon as she could;' but on her way back she was 'not a little terrified at seeing, though it was midday, some of the old elves of the blue petticoat.' She hastened home in great apprehension; but all was as she had left it, so that her mind was greatly relieved. 'But after some time had passed by, the good people began to wonder that the twins did not grow at all, but still continued little dwarfs. The man would have it that they were not his children; the woman said they must be their children, and about this arose the great strife between them that gave name to the place.
    One evening when the woman was very heavy of heart, she determined to go and consult a conjuror, feeling assured that everything was known to him . . . . Now there was to be a harvest soon of the rye and oats, so the wise man said to her, "When you are preparing dinner for the reapers, empty the shell of a hen's egg, and boil the shell full of pottage, and take it out through the door as if you meant it for a dinner to the reapers, and then listen what the twins will say; if you hear the children speaking things above the understanding of children, return into the house, take them and throw them into the waves of Llyn Ebyr, which is very near to you; but if you don't hear anything remarkable do them no injury."
    And when the day of the reaping came, the woman did as her adviser had recommended to her; and as she went outside the door to listen she heard one of the children say to the other:

    Gwelais fesen cyn gweled derwen;
    Gweiais wy cyn gweled iâr
    Erioed ni welais ferwi bwyd i fedel
    Mewn plisgyn wy iár!

    Acorns before oak I knew;
    An egg before a hen;
    Never one hen's egg-shell stew
    Enough for harvest men!

    'On this the mother returned to her house and took the two children and threw them into the Llyn; and suddenly the goblins in their blue trousers came to save their dwarfs, and the mother had her own children back again; and thus the strife between her and her husband ended."

    Welsh sources of Breton oral tradition?
    In the "notes" following the song, La Villemarqué points out the existence of this Welsh legend and quotes in almost the same words the Welsh rhymed triad above. In the first 1839 edition, he quotes his sources: Miss J. Williams (Fairy Legends of Wales); Crofton Crocker (Tradition of the South of Ireland, III part) and the "Cambrian Quarterly Magazine" (Part II p.86). His maybe somewhat rash deduction is
    "that the story and the rhyme are older than the epoch of the separation of the Britons of Wales and Armorica... [which] is confirmed by the triplet form of the verses and their being throughout alliterated."

    The parallel La Villemarqué makes to a passage in "The Life of Merlin of Caledonia" (Vita Merlini Caledoniensis, 1150) seems quite relevant. He writes in his "Notes and comments" to the song:
    "By a curious coincidence, Geoffrey of Monmouth puts the words above in the mouth of his bard-sorcerer."
    Roboris annosi silva stat quercus in ista
    Quam sic exegit consumens cuncta vetustas
    Ut sibi deficiat succus penitus que putrescat.
    Hanc ego cum primum cepisset crescere vidi
    Et glandem de qua processit forte cadentem,
    Dum super astaret picus- ramum que videret.
    Hic illam crevisse suo iam pene sedebam
    Singula prospiciens tunc et verebar in istis
    Saltibus atque locum memori cum mente notavi.
    Ergo diu vixi- mea me gravitate senectus
    Detinuit dudum: rursus regnare recuso.
    In that wood there stands an oak in its hoary strength
    Which old age, that consumes everything, has so wasted
    Away that it lacks sap and is decaying inwardly.
    I saw this when it first began to grow and I even saw
    The fall of the acorn from which it came,
    And a woodpecker over it, watching the branch.
    Here I have seen it grow of its own accord,
    watching it all, and, fearing for it in these fields,
    I marked the spot with my retentive mind.
    So you see I have lived a long time and now the weight
    Of age holds me back and I refuse to reign again.

    And La Villemarqué's cautious conclusion is:
    "Inasmuch as this coincidence is not due to mere chance, it would prove that the Welsh monk who ascribes Merlin this speech was aware of the folk song and this would bear additional evidence for the ancientness of our ballad."
    Apparently Geoffrey of Monmouth knew, at least, either the tale or the saying about oak and acorn.
    This evocation of Merlin by La Villemarqué has led some commentators to place this song among the spurious "Arthurian songs of Barzhaz" (which would have inspired the novels of Chrétien de Troyes, Béroul, Thomas, Robert de Boron, etc.) and to see in the Changeling a model for Lancelot du Lac, son of King Ban of Bénoic, kidnapped as a child by the fairy Viviane. This seems very risky!
    Generally speaking, in spite of the world-wide renown of the Welsh Men's chorus music, the body of old folk songs of the Principality is apparently far less encompassing than that of Lower-Brittany. So that correspondences between genuine widespread songs in Brittonic dialects on both sides of the Channel occur very seldom. On the other hand, parallels can be made between Breton oral tradition and old Welsh literature (Flooding of Is, Yannick Scolan, some motifs in the Merlin song, the sow in the Vespers of the Frogs and the Hunting of the magical boar "Twrch Trwyth" in the "Mabinogion"...), which justify that La Villemarqué often should refer to it. This is possibly the result of a religious process, namely the unequal impact of the endeavours of the respective churches, the Post-Trentine Roman Catholic Church here, the Methodist Church there, to have their own hymns supersede traditional lore. In Wales the
    "fanatic impostors and illiterate plebeian preachers [had succeeded in ...] dissuading [people] from their own innocent amusements such as singing, dancing and other rural sports and games, they delighted in from the earliest time, [...making of] Wales... one of the dullest countries of the world." (Edward Jones, "Bard" to King George IV, 1752-1824, in "The Bardic Museum of primitive British poetry", 1802).

    In Wirt Sikes' book, the large excerpt above goes after a short summary of the Breton legend reported by La Villemarqué. It is puzzling that, in the 1845 edition, La Villemarqué does not quote his bookish sources, but mentions that
    "We heard this Welsh version sung by peasants in Glamorganshire. He certainly embellishes the facts, since this sentence is left out in the 1867 edition.

    La Villemarqué in Wales
    As mentioned in connection with Gwenc'hlan's prophecy", La Villemarqué was chosen to take part in the 1838 "Eisteddfod" of Abergavenny.
    The 8 members of the delegation arrived in Abergavenny on 4th October 1838 and La Villemarqué was accommodated at the house of Lady Hall, the wife of the future First commissioner of Works whose Christian name, Benjamin, was to be attributed to the clock tower of the Houses of Parliament. He requited Chairman Rev. Price's welcome address with a song composed in a mix of Welsh and Breton that filled the audience with enthusiasm.
    In his 'report on the literature of Wales to the Minister of Public Instruction', La Villemarqué does not hesitate to maintain that the language of Taliesin was exactly that spoken today by the peasants of Lower Brittany. He recounts the solemn moment when
    "he came to sing a song of welcome, in the idiom of his country, and saw himself understood and greeted by the applause of a delirious crowd, lifted up as if by an effect electric, with the accents of a voice they recognized after thirteen hundred years!"" But he omits to say that an English translation had been made and distributed just before by the Reverend Price...
    This earned him the honour to be admitted on 11th October to the Order of Bards, Ovates and Druids, as "Barz-Nizon". A sample of this unique language was the epigram introducing the 1839 and 1845 editions of the Barzhaz, to wit an excerpt from the "Triads of the Isle of Britain" in the spelling worked out by Le Gonidec for the Breton language:
    Koun a c'havo barz or bop moliannuz
    ar our ha c'hénédel,
    ha fob digwez amzeraou.
    The bard shall remind us of all that is praiseworthy
    In individuals and the whole of our race
    And all the feats of the present times

    In the Introduction are included excerpts from Welsh poems by Taliesin in the same attire, dubbed "6th century Breton", with their "modern Breton equivalent" in the opposite column which is hardly different but altogether ununderstandable. In his "Old Breton folktales" (1842, page 355), La Villemarqué asserts, relying on a no less understandable transcription of the beginning of Peredur, that Cornouaille country folks understand the "Mabinogion" more easily than those of Glamorganshire..."The complete similarity" of both idioms, alleged by the young bard is, therefore, far from evident. In the final edition of 1867, Taliesin's diatribe against "common" (as opposed to "scholarly") poetry is still quoted in the Introduction (p. XXIX), but in French translation, and these samples are, in consideration of the recent achievements in Breton studies, wisely omitted.
    In his speech of thanks, the applicant on whose arm was bound the Druidic blue ribbon, disclosed that he was about to raise a temple in honour of the Bards of old, by gathering remnants of their songs that laid scattered throughout Brittany. Parisian and Breton papers alike published detailed accounts of these surges of brotherly feelings.
    La Villemarqué visited then Stonehenge and the ruins of Glastonbury Abbey and returned to Wales where, for a few days, he was the guest, in Dowlas, Glamorganshire, of Lady Charlotte Guest who was, by then, engaged in publishing an annotated English translation of medieval Welsh Tales, under the title Mabinogion. These texts were recorded in a MS known as the "Red Book" ("Llyfr Coch") of Hergest.
    This meeting, which took place in December 1838, was undoubtedly planned for a long time, because La Villemarqué was in fact already in correspondence with Lady Guest. In April 1838 he had provided her with passages from Chretien de Troyes' "Chevalier au Lion" which he had transcribed from a manuscript in the Royal Library. It was a considerable amount of work (at least 25,000 words deciphered and copied) for which, in the Preface to the book which had just been published, the translator addressed her "heartfelt and most deserved thanks".
    The admiration he conceived at first for the young woman's talent had become rivalry, when La Villemarqué sent a letter -so writes Gourvil who fails to know if it was from London or Oxford- to the publisher of the work, with the request that his name should be added on the title page. His grounds for doing so were that he had provided the translator with a copy of an excerpt from Chrestien de Troyes' "Knight of the Lion" that was to be paralleled with the tale "the Lady of the Fountain" and had revised the text she wrote to that end.
    He very likely spent only a few days in Oxford where he was the guest of Reverend Foulkes, Head of Jesus College and arrived on 11th February 1839 in London where he met a few prominent French, among them Alfred de Vigny, after which he embarked for France on the 6th of March.

    Rivalry between two Celtic scholars
    By the end of 1839 he sent to the Welsh Committee a study titled the "Influence of the Welsh heritage on the European medieval literatures". It was the German antiquarian Schulz, who had authored a "Saga von Merlin" and a German translation of the "Mabinogion", who won the prize. In his essay, La Villemarqué made ample use of Lady Charlotte Guest's "Mabinogion". But in the report he sent to the Ministry of Education in May 1839, he extolled the work carried out by the Rev. John Jones, alias "Tegid",
    "who was given the responsibility of transcribing and revising the texts that Lady Charlotte's nimble quill turned into the most unmixed and fashionable English."
    Lady Guest did not omit to remark in her diary, on the 11th of November 1840, that La Villemarqué's essay
    "makes ample use of her Mabinogion, though they are seldom mentioned. On the contrary he insinuates that she did not write the book herself (but he never dares to say it openly). The hidden reason for this was his disappointment at not being able to publish a "Peredur" before she did."
    And, really, it was not until the publishing of the "Mabinogion" including an English translation of "Peredur" that were published, in 1842, La Villemarqué's "Folk tales of the Old Bretons", preceded by an "Essay on the origin of the Round Table Romance".
    La Villemarqué explains that
    "among the monuments preserved in the Welsh libraries, hand written collections of Breton folk tales, originated in Armorica may be found. I was asked ... to retrieve and translate them and to investigate their relationship with French literature... Lady Charlotte kept for herself the first part of this task and was kind enough to make me her partner in it. She has published several original texts and goes on with their elucidation... As for me, I am currently undertaking on my own the second part of it."
    Although La Villemarqué did not claim, as we see, to have translated these Welsh texts, Lady Guest recorded in her diary, on May 20, 1842, that the viscount's work
    "contains a translation into French of the first three parts of the Mabinogion and in which he tries to make it appear that he translated straight from the Welsh without any obligation to my version. He has followed me servilely throughout and taken my notes without any acknowledgement except in one unimportant instance. Altogether it is a most shabby proceeding, but he man is too contemptible to be noticed. » (quoted by Donna R. White https://www.jstor.org/stable/20557305). Lady Guest announced publicly that the French translation was based in fact on her own English translation and that the notes were to a large extent a copy of her own notes.
    The result of all this is that the issue of the precedence of oral over written tradition was evidently overshadowed by a personal strife between two authors, a circumstance which was not apt to clarify the discussion.
    Concerning the song at hand, this quarrel certainly caused La Villemarqué to overlook that the theme of the child exchanged for another by a supernatural being was not limited to Brittany and Wales which was by then first in his preoccupations.

    Sources: "La Villemarqué" by Francis Gourvil and "Aux origines du nationalisme breton" by Bernard Tanguy - Editions 10-18 - Oct. 1977.
    Other oral traditions which Brittany and Wales have in common are addressed on pages Combat of Saint-Cast and Yannick Scolan.

    The changeling: a mythical figure
    Wechselbalg par J.H. Füssli, 1780 Yet in the "Notes" appended to this song in the 1839 edition, La Villemarqué proved that he was aware of this theme exceeding the only Brittonic area (Wales and Brittany). He named other authors, Crofton Crocker, Walter Scott (Gaelic area), Thiele and Jacob Grimm (German area), who report
    "traditions of their own countries that are in content, if not in form which may differ by some details, similar to the Breton tale."
    Maybe he was not quite truthful when he asserted he had "looked for and found a work throughout in verse", since the mix of prose and verse is found all everywhere. Far from being "the evident proof of ulterior interpolation", this alternate form of speech is the token of the interlocutors' belonging to two different worlds, natural and supernatural, that come in touch in this story. (Yann Brekilien in his "Other Tales and Legends from Brittany" (1944) commits an opposite mistake: in his "Substituted Child" his changeling speaks in prose!)
    Here is a sample thereof, taken from J. Grimm's "House tales for Children", Chapter 39, "The Dwarfs", 3, 1819:

    "The "Wichtelmänner" (dwarfs) had removed a woman's child from its cradle and substituted a "Wechselbalg" (changeling) with a big head and staring eyes that did nothing but drink and eat. Not knowing what to do, she went and asked her neighbour for advice. The latter told her to carry the changeling in the kitchen, lay it by the hearth and boil water in two egg shells. The changeling was sure to laugh out and then he was done for. The woman did everything as she was told. When she laid the egg shells full of water over the fire, the big headed dwarf said:
    „Nun bin ich so alt
    wie der Westerwald,
    und hab nicht gesehen,
    daß jemand in Schalen kocht!“
    "Now, I am as old
    As Mount Westerwald
    And I never saw
    Anyone cooking in shells."

    And he burst out laughing. That very moment a horde of sprites appeared with the true child. They laid it by the hearth and carried with them their little kinsman."
    In later editions of the Barzhaz, all non-Welsh references are removed.

    The "Cornikan of Coatbrezal"
    The grammar errors found in the 1839 version of the song ("seiz blizien", "dek gounideien"..) could be an indication that this throughout rhymed version was composed by the young bard himself. To that end he doubtlessly made use of the tale "The Cornikan of Coatbrezal" contributed by Corentin Tranois to the "Revue de Bretagne", book IV -3rd release, 2nd Year, March 1834, Rennes, pp. 118 - 122. This journal founded by Louis Dufilhol (1791-1864), published, from January 1833 to May 1834, a series of articles illustrated by 6 songs in Vannes dialect sent in by diverse contributors. The prose tale at hand whose plot is identical with the Barzhaz song (but for the baby's name: "Nannig" instead of "Loïc") includes the nursery rhyme:
    Me 'm-eus gwelt Koat Brezal
    Me 'm-eus eñ gwelt e mez hag e gwial
    Ha me 'm-eus eñ gwelt e zolioù e maner Brezal
    Ha biskoaz n'em-eus gwelt kemend-all.
    I saw the wood of Coatbrezal
    When it was but acorns and poles;
    Saw it turned to beams for Brezal manor.
    But never did I see such a thing!

    La Villemarqué took up this text in stanza 13 of his poem in almost the same terms, but for the placename "Coatbrezal" which he replaced with a cryptic "Wood of the Other Brittany" (Koad-Breizh-All). That he knew of this text is not questionable, since he quotes this article, titled "Traditions of Lower Brittany", in connection with the next song, in the 1839 edition of the Barzhaz.
    His narrative follows step by step the story recounted by Tranois:
  • A mother goes to the river to wash and leaves unattended her fair child for whom an old "Cornicaness" substitutes her monstrous son: "a wizened and wrinkled face, slovenly yellow like an old scraped piece of parchment, owl eyes, fuzzy hairs as black as chimney soot, a few lengthy bristles of beard, frightful teeth and claws..."
  • The mother imagines that this is the punition for being so proud of her nice son. She feeds at the breast the monster she supposes to be her own transformed child "It bites her and shrieks most dreadfully". All formerly jealous mothers, now despise her."
  • The unfortunate mother would go on pilgrimages and ask for Our Lady's help: Our-Lady of Pity, Our-Lady of Good-Succour, Saint-Ann of Auray, but "Poor Nanic did not cast off his hideous frame."
    Following a pious neighbour's advice:
    "If the devil has seized your child, he must be exorcized, or else he never will loosen his grip on his prey.", she asks the priest of her parish.
  • The parson discloses the substitution and explains how to put an end to it: "This ugly being is the son of an old Cornicaness...He is... even older than your grand-father. He did not speak, so far, because he was forbidden to do so. But he must be made to, now." To achieve that, she must cook a bowlful of porridge in an egg shell and answer the question he won't refrain from asking, to the effect that she is cooking lunch for 19 land-clearers. Then he will reveal how old he really is and she must flog him. "Upset at his cries, his true mother will come. But mind, don't trust her as long as your baby Nannic was not returned safely back into your hands."
  • Everything happens as foretold: the true mother hurries in crying: "Don't kill my son...Yours is much honoured and loved by our people!"
    But the other women keeps on flogging the monster whose mother declares:
    "I cannot give him back: he is the fairest lad in our country. He is our master. He is our king: please, entrust him to us! He will be happy with us!"
    But her interlocutor is so determined that the cornicaness eventually leaves and comes back with
    "the pretty and joyful Nanic who stretches out his little hands and throws himself in the arms of his poor mother...and the hideous, harmful creatures had disappeared."
    It is also noticeable that both authors account in the same way for the "cornicaned"'s weird behaviour. Tranois writes:
    "The cornicaned are very ugly and their children have black and wrinkled faces. As they are unable to beget a less hideous progeny, they devised to rob our country folks of their little children."
    whereas la Villemarqué states, in chapter VI of his long Introduction:
    "Nearly all European traditions ascribe to them a definite fondness for human children and recount how they steal them...The aim of this robbery is, so say country people, to regenerate their own accursed breed."

    There is still one element young La Villemarqué did not borrow: the word "kornandoned", to which "kornikaned" is evidently a variant, which Tranois, who is sure to have been a true Breton speaker, explains as follows:
    "Cornicanets": little demons who sing and blow the horn (korn), like in the hellish choir in the opera Robert-le-Diable [by Meyerbeer, that was premiered three years earlier, in November 1831 (at the end of Act 3)].
    As we know, demonstrators and football fans nowadays take recourse to the same devilish device...

    The changeling in folk beliefs
    Dans 'Le village des damnés' de Wolf Rilla (1960), les extraterrestres ont remplacé les fées The first intuition of young La Villemarqué is nowadays a recognized fact:
    The gwerz in the Barzhaz bears witness to beliefs that circulated everywhere in the countryside. They were remarkably consistent with one another, as highlighted by Jean-Michel Doulet in a survey of over 400 pages published in 2002 under the title "When Demons stole Children". Beside Chinese and Indian-American traditions (of Montana), this author quotes narratives from Berry, Normandy, Guernsey, Brittany, Auvergne, the Highlands of Scotland, Walloon region, Tyrol, Bavaria, or else Denmark, Iceland, Norway, Lithuania or Moravia... All of them include the following sequences:
  • Substitution: a mother leaves her child alone at home to attend her own affairs. During her absence "someone" removes the child from its cradle and lay in it an old-fogy-faced brat.
  • Noticing: once back home, the mother notices that, instead of the beautiful child she had left, an awful little lad, a dumb compulsive eater occupies the cradle.
  • The neighbour's advice: The worried mother asks a neighbour woman for advice. The latter gives her instructions to have the changeling unveiling his true nature, this being a prerequisite to the recovery of her child.
    " It was the Changeling fairies, answers the neighbour, who did the exchange. If you want to get your son back, this is the way to do it: you shall burn in your hearth a big bundle of fire wood. When the wood flames well, you'll break egg shells and lay them around the fire in the ashes. Then you'll fill the shells with water as if to boil it."
  • Disclosure: Back home, the woman immediately follows her neighbour's advice. The child, wondering at these proceedings, cannot refrain from speaking and disclosing its true nature. The child looked around in astonishment and cried:
    "Il saw the Forest of Arden
    Sawn with rye and sawn with oats;
    I saw Chalonge covered with thorns
    And Berry covered with cabbage;
    I saw the Forest of Bosquen
    When it was a ploughed field."

    Upper Brittany
    "Neither this year, nor yesteryear
    Nor in the days of King John was I born,
    But never in all these days and years
    Did I see so many boiling pots!"

    Guernsey
    "Though I saw how the world sprang up,
    I never saw so many
    Tiny pots boiling
    Or so many laddles stirring!"

    Flanders
    "- Ah, I am far over a hundred years old
    But never did I see so many
    Little pots of boiling water!"

    Lower Brittany
  • Restoring: Now, the mother has no more doubt and she hurls herself on the changeling whom she beats or menaces to beat to death, if her true child is not restored to her. Alarmed by the changeling's cries, the supernatural wight rushes in and offers to return the stolen child if its own offspring is safely returned to him.

    The identity of the "someone" who performed the exchange differs from place to place: fairies, dwarfs, elves... all sorts of otherworld beings could qualify for stealing newborn children off their cradles and depositing in their stead their own offspring. The name given in France to these dismal kids was, mostly, "changeon" (replaced nowadays by "changelin", adapted from the English "changeling").

    Christian Churches set to pondering over changelings and, pursuant to their own logic and rationale, recognized in them Satan's work, assisted or not by his mates, the witches. The consequences of this advancing from superstition to official creed were dreadful.

    Theological understanding of the changeling
    While the word "changeon" belongs in France to a specialized vocabulary, its German counterpart "Wechselbalg" is understood by nearly everybody, even if it usually applies to a misshapen or heavily handicapped child. The reason is that the superstitions about them were earlier than elsewhere taken up and worked out by German speaking theologians.
  • The oldest mention of the word is found in a translation of the Psalms by the Benedictine Nokter III (ca. 950-1022) who uses for "alien children" the words "wihselinc" and "wihselinga judei", and in fragments of Saint Paul's Epistles, the word "wehselkint", which proves that they were already in common use.
  • In his law book titled "Sachsenspiegel", Eike von Repgow (ca. 1180-ca. 1223) names a simpleton a "Wechselbalg". From the same century date the equivalent terms "wehselkind", "wechseling", "wehselkalp". "Wechsel" means "exchange". As for "Balg", it means a whole hide of an animal, akin to English "belly" and "bellows" (and by no means "baby", as stated in the Wikipedia article used in the present chapter).
  • Hildegard of Bingen ((1098-1179) was one of the first theologians who, in a book of medicine and magic, attributed mental disease and bodily handicap to the malevolent intervention of the devil and his hellhounds who thus took it out on devout humans. Other "scientists" interpreted in the same way the beliefs about substituted children.
  • Outside the German speaking domain, Cardinal Jacques de Vitry (ca. 1160-1240), in one of his model sermons for inexperienced priests used the word "chamium" (possibly "exchange") in connection with a little boy who did not grow up though he had been in the care of several wet nurses. The message to convey was that the devil exists in spite of the philosophers' assertions.
  • This devilish process is theorized by a demonologist whose written work was to influence all Europe, "Saint" Thomas Aquinas (ca. 1225-1274). The changeling begotten by a woman and an incubus is, in fact begotten by the seed of a man who had intercourse with the same demon taking on the form of a succuba, who mingled with it her own devilishness. The first recorded victim of these wild imaginings was possibly the 56 year old Angèle de la Barrhe who was sentenced to be burnt at the stake in Toulouse by the Inquisitor Hugues de Béniol.
  • In Heidelberg, the theologian Nicholas Magnus von Jauer (ca. 1355-1435) in his "De supersitionibus" (1415) resumes the substituted child issue in a long historical survey and concludes that the changeling is as much a demon as the demon who sired him. This was already asserted, in 1230, by the bishop of Paris, Guillaume d’Auvergne.
  • The fundamental work justifying witchcraft trials was the "Malleus maleficiarum", (Hexenhammer, "Hammer of the [=against] Witches") published in Strasbourg around 1487 by the Dominican monks Heinrich Kramer, alias Institoris and James Sprenger. Though the book was condemned by the Catholic Church in 1490 on account of certain statements that were considered false, it was re-edited 34 times until 1669. It was the hand book upon which the secular courts of the Renaissance relied throughout Europe. Women's congenital lustful malice explained witchcraft whose existence was "proved" by all sorts of risky reasoning. The book explained how to expose witches and to prosecute them. This edifying work was to make as many victims among Catholics as among Protestants.
  • For the Reformation made its own this murderous mysticism. Martin Luther was pitiless against the unfortunate people that were proclaimed "Wechselbälge" by their handicaps. In his "Tischrede" (table speech) 5207 of 1540, he suggested to kill them, since they were but soulless lumps of flesh (massae carnis). As the Prince of Saxony-Anhalt objected to drowning a certain changeling, Luther vouchsafed to recommend that an Our Father be prayed in church for the child.
  • Changelings became one of the favourite topics investigated by Protestant theologians: by what signs they could be told; how exchanges of not yet baptized children could be prevented (baptized ones were immune against them). Gottfried Voigt wrote his "Disputatio physica de infantibus suposititiis" (Wittenberg, 1667) to demonstrate the existence; to examine the causes of these monstrous substitutions; and last, but not least, to list the marks by which changelings may be told: gluttony, hypercephalia, aphasia, maliciousness. By means of a set of questions and answers, he "proves" that changelings are neither humans nor monsters, since they were born such as they are and do not evolve. Biga
  • The ecumenical Johannes Valentius Merbitzio dedicated his book published in Dresden in 1678, the "Biga disputationum...", to a theory of 'Wechselbälgen" and "Wassernixen" (changelings and water maids), based upon testimonies of Jesuits, like Cardinal Toletus and Father Schottus, as well as of the Protestant theologian David Chyträus; of the physician opposing to so-called witch-hunts, Johann Meyer, as well as of the historian Petrus Martyr. He also quotes the Italians Giambattista della Porta, Francisco Torreblanca and the learned bishop Agostino Steuco. His conclusion is that beings begotten by the Devil do exist with God's leave, but they are no humans, just bodies without a soul.
  • Erasmus Finx in his "Proteus in Hell", published in Nuremberg in 1695, advised mothers before they got rid of their unfortunate changelings in the hope to recover their true offspring, to make sure that the church authorities did not object to it. The most effective way of insuring the return of the stolen child was to scald the poor changeling. However, in 1654, in the Silesian town Zuckermantel (today, Zlaté Hory), more than a hundred innocent children and babies were burnt alive.
  • In Anglo-Saxon countries, the word "changeling" still refers to a child or an adult that was substituted to another with or without supernatural interference. The word usually also applies to a mentally ill person, originally afflicted with cyclothymia. Here too, folk belief was diverted by theologians, in this case by the Anglican bishop Samuel Parker (1640-1687) who named "a changeling" a young lunatic who was a compulsive eater. He was imitated by the "Behemist" (i.e. a disciple of the named Jacob Böhme) Samuel Portage (1633–1691), who had authored an endless long "Mundorum Explicatio" (the Worlds explained): as he could not sire his offspring by himself, the devil used witches and changelings to prosper his malevolent schemes among mankind.
  • The harnessing of folk beliefs by theologians, above all German theologians is mirrored by the definition of "Wechselbalg" given by the dictionaries:
    - Zedler's Universallexikon (1747): "Child of a witch, sired by the devil, substituted to the child of unfortunate parents... Such children whose foreheads bear horns are found in Peru... In Turkey they are called 'Nefesolini'..."
    - Herder's Conversations-Lexikon (1854): "Child of a witch, or some like imaginary monster, and the devil... All abnormal children were as such by shallow people in the 16th and 17th centuries; even educated people were persuaded of their existence... which cost the lives of many handicapped children until enlightenment relegated the "Wechselbalg" to the museum of non-existent horrors."
    - Herder's Conversations-Lexikon (1907) and most dictionaries of the early 20th century bypass the theological aspects of the topic and insist on the pagan folk myth: "According to Germanic folk beliefs, misshapen midget substituted by Dwarfs to the true child of a woman in childbed".
    - Meyer's Neues Lexikon (published in 1954, in the former GDR), in which the European Christian Middle Ages are ignored, states that a "Wechselbalg is a ghostly deformed child that was substituted to a new-born child, according to a Celtic and Germanic superstition.

    For the sake of exhaustiveness be it mentioned that Luther included the Pope among the creatures of Satan and that the Franciscan Sinistrari (1622 - 1701) saw in Luther the son of a woman and the devil.
    Though Erasmus (who died in 1536) and Paracelsus (1493 -1541) had in their days already condemned exorcism, the Catechism of the Catholic Church published in 1992, which does not mention any more succubus or incubus devils, has not yet completely given up this dangerous phantasmagoria. Article 1673 reads:
    "Before performing exorcism, it is important to make sure that the person concerned is really possessed by the devil and not merely affected by illness."

    Source for this chapter: Wikipedia Article for "Wechselbalg".
    A similar topic is discussed on page Merlin in his cradle
  • Line

    Lady Charlotte Guest 1812 -1895




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