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RAPPEL CONCERNANT LE CALENDRIER JULIEN
• Mars était le dieu de la guerre. Le 1er mois de l’année
était celui de la reprise de la guerre.
• Les Romains pensaient que le nom d'Aprilis était dérivé
de « aperio, aperire », verbe qui signifie « ouvrir ». Les Fasti
Praenestini (calendrier annoté par Verius Flaccus, exposé à
Palestrina au 1er s. de notre ère) offrent une explication plus
développée, précisant que « les fruits, les fleurs, les animaux,
les mers et les terres s'ouvrent à ce moment-là ». Cette
étymologie populaire pourrait être la bonne.
• Maïa était la déesse de la croissance.
• Junius était le mois de la déesse Junon, reine du ciel.
• Janus dieu romain qui donne son nom à Januarius, à
l’origine, avant-dernier mois, est le dieu des commencements
et des fins, du passage et des portes. Il a deux visages avec
une face tournée vers le passé, l'autre sur l'avenir.
• Februarius est le mois des februa (purifications),
à l’origine le dernier de l’année. D’après Ovide, un temps
où les vivants risquaient d’être en contact avec l’au-delà.
• Les autres mois du calendrier pré-Julien portaient
des noms de nombres de 5 à 10. Au 1 siècle avant JC, les 5ème
et 6ème mois (Quintilis et Sextilis) furent renommés en l’honneur
de Jules César et Auguste : Julius et Augustus. Peut-être
Januarius était-il déjà le 1er mois de l’année, suivi de
Februarius, dès le dernier siècle de la République.
Cet ordre est maintenu dans le calendrier grégorien si bien
que le nom des mois de septembre à décembre indique l’ordre
qu’ils occupent dans le calendrier diminué de 2 unités
(septembre est le 9ème mois…).
LES CALENDRIERS VERNACULAIRES ET LES VÊPRES DES GRENOUILLES
Les noms de mois du calendrier latin ont le plus souvent remplacé
partiellement ou totalement des noms que leur donnaient des
calendriers dans les langues vernaculaires.
On peut être tenté de rapprocher ces noms des formules
énumérées dans les Vêpres des grenouilles: les « Vêpres »
seraient, dans cette optique, une liste de périphrases
décrivant les 12 mois de l’année -et, dans certaines versions,
le mois supplémentaire périodique du calendrier lunaire-
(images principalement tirées de l’activité agricole et
de son corolaire, le temps qu’il fait…).
Dans le chant breton, la structure phonétique de l’hymne
(appel en « oré », principales rimes, allitérations…)
s’est conservée, mais la tradition a imposé des références
religieuses (exaudi…) et historiques (les rois Henri,
les 9 personnages revenant de Nantes…) qui se sont substituées
aux notions agricoles ou climatiques initiales et ont rendu
l’ensemble passablement hermétique.
La proximité des Vêpres et des « Perdrioles anglaises » telles
que « Green grow the rushes, O », nous engage à examiner
particulièrement les calendriers germaniques, par exemple
le calendrier islandais (retranscrit ici en allemand moderne).
On ne doit pas négliger pour autant les calendriers celtiques
et pour commencer le calendrier gaulois de Coligny où l’on
croit distinguer 2 noms de mois d’origine grecque (Athénienne
et Locrienne) et où le rapprochement avec d’autres langues
indo-européennes (latin et germanique ancien) suggère des
significations de nature agricole.
Il semble donc utile de compléter ce tableau par un calendrier
en ancien anglais que nous devons à Bède le Vénérable (+700)
et un calendrier haut-allemand de l’époque de Charlemagne,
l’un et l’autre transcrits en langues modernes. Nous y ajoutons
deux calendriers slaves, croate et polonais, qui montrent
que les mêmes noms évocateurs d’activités agricoles ou de
phénomènes saisonniers (chute des feuilles…) ne se rapportent
pas aux mêmes mois selon les latitudes.
Si le macédonien, le tchèque, l’ukrainien, le biélorusse ont
également leurs propres noms de mois, les autres langues slaves
utilisent les noms latins. Il en va de même de toutes les langues
romanes, du hongrois et de toutes les langues germaniques modernes.
En ce qui concerne les langues baltes, l’estonien a les noms
latins, le lituanien des noms proches des noms slaves, mais
non le finnois.
Les noms de mois dans les langues celtes proviennent en partie
des noms latins (italiques). Les noms de 3 des 4 grandes fêtes
païennes, Bealtaine (1er mai), Lugnasad (1er août), Samhain
(1er novembre) sont devenus des noms de mois irlandais (avec
un décalage d’environ 45 jours, ce sont des fêtes solsticiales
et équinoxiales). Il manque Imbolc au 1er février. Samhain est
attesté dans le calendrier de Coligny sous un nom très proche :
Samonios.
Alors que la nomenclature héritée de Rome se résume à une
énumération de 5 divinités tutélaires, d’un couple de personnages
historiques et de 4 ordinaux, les noms de mois des calendriers
vernaculaires sont, au moins partiellement, des épithètes
descriptives. C’est le même système qu’adopta la Convention,
en 1793. Elle chargea le poète Fabre d'Églantine de trouver
une nomenclature propre à « consacrer par le calendrier le
système agricole … en marquant les époques et les fractions
de l'année par des signes intelligibles ou visibles pris dans
l'agriculture ou l'économie rurale » (séance du 3ème jour
du second mois).
Outre un tableau de correspondance des noms de mois dans
différentes langues indo-européennes, on trouvera ci-après
un tableau présentant côte à côte:
-une description en 4 points (château, activité, élément(s)
caractéristique(s), animaux...) des 12 mois dans les "Très
riches Heures du Duc de Berry réalisées entre 1410 et 1416.
-les éléments caractéristiques des 12 articles dans les 3
verions des Vêpres des Grenouilles (Trégor, Haute-Cornouaille,
Basse-Cornouaille)
-les éléments caractéristiques des 12 articles dans 2
perdiolles françaises ("Dons de l'an" et "12 mois"), la
perdiolle anglaise ("Twelve Days of Christmas") et le semi-
chant de foi anglais "Green grow the rushes O".
On remarquera qu'aucune correspondance univoque ne s'impose
d'emblée entre ces différents éléments.
C'est pourquoi on a privilégié l'interprétation des Vêpres
par des signes liés aux "12 jours", plutôt que par des
périphrases décrivant les mois.
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English
REMINDER REGARDING THE JULIAN CALENDER
• Mars was the god of war. The first month of the year was
that of the resumption of the war.
• The Romans believed that the name Aprilis was derived from
“aperio, aperire,” a verb meaning “to open.” The “Fasti
Praenestini” offer a more developed explanation, specifying
that "fruits, flowers, animals, seas and lands open at this
time". This popular etymology could be the correct one.
• Maia was the goddess of growth.
• Junius was the month of the goddess Juno, queen of clear skies.
• Janus the Roman god who gives his name to Januarius, originally,
penultimate month, is the god of beginnings and endings, of
passage and doors. He has two faces with one side looking to the
past, the other to the future.
• Februarius is the month of februa (purifications), originally
the last of the year. According to Ovid, a time when the living
risked being in contact with the afterlife.
• The other months of the pre-Julian calendar had number names
from 5 to 10. In the 1st century BC, the 5th and 6th months
(Quintilis and Sextilis) were renamed in honour of Julius Caesar
and Augustus: Julius and Augustus. Perhaps Januarius was already
the 1st month of the year, followed by Februarius, from the last
century of the Republic.
This succession of months is kept unchanged in the Gregorian
calendar so that the names of the months from September to December
indicate the order they occupy in the calendar reduced
by 2 units (September is the 9th month...)
VERNACULAR CALENDARS AND VESPERS OF THE FROGS
The names of the months of the Latin calendar have most often
partially or completely replaced the names given to them by
calendars in the vernacular languages.
We might be tempted to compare these names to the formulas listed
in the "Vespers of the Frogs": the "Vespers" would be, in this
perspective, a list of periphrases describing the 12 months of
the year - and, in certain versions, the periodic additional month
of the lunar calendar - (images mainly drawn from agricultural
activity and its corollary, the weather…).
In the Breton tune, the phonetic structure (initial call in “oré”,
main rhymes, alliterations, etc.) was kept unchanged, while it has
imposed religious (“exaudi”, etc.) and historical references
(the kings Henry, the 9 dismal characters returning from Nantes…)
which replaced the initial agricultural or climatic notions and
made the whole thing fairly impenetrable.
The proximity of “Vespers” with English “Partridge songs” such
as “Green grow the rushes, O”, prompts us to closely examine
Germanic calendars, for example the Icelandic calendar (transcribed
here in modern German). However, we should not neglect the Celtic
calendars and to begin with the Gallic calendar of Coligny where
we have ground for recognizing 2 names of months of Greek (Athenian
and Locrian) origin and where the comparison with other Indo-European
languages (Latin and Old Germanic) suggests meanings
of an agricultural nature.
It therefore seems useful to complete this table with an Old English
calendar that we owe to Bede the Venerable (+700) and a High German
calendar from the time of Charlemagne, both transcribed into modern
languages. We add two Slavic calendars, Croatian and Polish, from
which we infer that the same names evocative of agricultural
activities or seasonal phenomena (leaf fall, etc.) do not relate
to the same months depending on the latitudes.
While Macedonian, Czech, Ukrainian and Belarusian also have their own
month names, other Slavic languages use Latin names. The same apply
to all Romance languages, Hungarian and all modern Germanic languages.
As for the Baltic languages, Estonian has Latin names, Lithuanian
has names close to Slavic names, and Finnish names of its own.
The names of months in Celtic languages come partly from Latin names
(italics). The names of 3 of the 4 major heathen festivals, Bealtaine
(May 1), Lugnasad (August 1), Samhain (November 1) became names of
Irish months (with a lag of about 45 days, these are solstitial and
equinoctial festivals). Imbolc is missing on February 1st. Samhain
is attested in the Coligny calendar under a very similar name: Samonios.
While the nomenclature inherited from Rome boils down to a list of 5
tutelary deities, a pair of historical figures and 4 ordinals, the
month names in vernacular calendars are, at least partly, descriptive
epithets. This is the same system that the French Convention adopted
in 1793. They charged the poet Fabre d'Églantine with finding a
nomenclature suitable for "extolling the agricultural system through
the calendar... by marking the periods and fractions of the year by
intelligible or visible tokens taken from agriculture or the rural
economy” (session dedicated to the 3rd Day of the Second Month).
In addition to a table of correspondence of the names of months in
different Indo-European languages, we will find below
a table showing side by side:
-a 4-point description (castle, activity, characteristic(s),
animals...) of the 12 months in the "Very Rich Hours of the
Duke of Berry made between 1410 and 1416.
-the characteristic elements of the 12 articles in the 3
versions of the Frogs' Vespers (Trégor, Upper-Cornouaille,
Lower Cornwall)
-the characteristic elements of the 12 articles in 2
French "partridge songs" ("Gifts of the year" and "12 months"), the
English partridge song ("Twelve Days of Christmas") and the
English nearly-song of faith "Green Grow the Rushes O".
It will be noted that no one-to-one evident correspondence appears
immediately between these different elements.
This is why we favoured the interpretation of "Vespers" by signs
and harbingers linked to the "12 days", rather than by
periphrases describing the individual months.
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