Le tribut de Noménoé

Noménoé's Tribute

Dialecte de Cornouaille

  • M-00252
  • Première publication de ce chant que George Sand estimait supérieur à l'Iliade dans le Barzhaz, 2ème édition, en 1845.
  • "Je tiens ce chant de Joseph Floc'h, cultivateur, du village de Kergerez dans les montagnes." (L.V., argument de l'édition de 1846).
    Dans l'édition de 1867, cette indication est remplacée par les citations d'Augustin Thierry qu'on trouvera plus loin. En revanche l'argument du chant suivant, "Alain-le-Renard" cite comme source commune des deux chants, "un vieux paysan, soldat de Georges Cadoudal".
    Ce soldat était nommément désigné dans l'édition de 1846: il s'agissait "d'un vieux paysan nommé Loéiz Vourriken de la paroisse de Lanhuel-en-Arrée, soldat dans sa jeunesse de Georges Cadoudal."
    Cf. Klemmgan Itron Nizon

    On peut se demander si ces histoires de décapitation et de renard dévastateur ne se rapportent pas toutes deux à la Chouannerie. La Villemarqué, à propos du second chant est devenu, en effet, moins affirmatif au cours du temps: En 1846 il écrivait "Le chant de guerre qu'on va lire...se rapporte à une des deux victoires d'Alain Barbe-Torte." En 1867, la même phrase est devenue "...doit se rapporter...

    Francis Gourvil a remarqué (P. 354) qu'il existe un lieu-dit Kerguérez en Leuhan, paroisse où vivait un autre Floc'h, le Michel Floc'h qui chantait la Marche d'Arthur.
    Cf. Le Faucon.
  • Ce chant est absent des manuscrits de Keransquer.
  • Il n'a été publié que par La Villemarqué.
    Selon Luzel et Joseph Loth, cités (P. 389 de son "La Villemarqué") par Francis Gourvil qui se range à leur avis, ce chant pseudo-historique ferait partie de la catégorie des chants inventés.
    Cependant on notera, en dépit des remarques ironiques dont Gourvil assortit cette citation, que l'Abbé Henry écrivait fin novembre 1867 à la "Revue critique" une lettre dont des passages furent reproduits en 1900 dans la "Revue celtique" par d'Arbois de Jubainville. On y lit: "Il y a cinquante ans j'ai entendu chanter le premier vers de Nomenoiou...et l'air du Vin des Gaulois"
    Le même Abbé Henry écrivait le 27 novembre à La Villemarqué: "Tant que nous sommes de bardes aujourd'hui, pourrions-nous ensemble faire le Nomenoiou?"

    La mélodie a été reprise par Ernest Chausson dans son "Roi Arthus", acte 3, scène 1: Chant du laboureur.
  • Le triomphe de Noménoé par Jeanne Malivel (1895 - 1926)

    "Le Triomphe de Noménoé" par Jeanne Malivel (1895 - 1926)
  • M-00252
  • Praised by George Sand as superior to the Iliad, this song was first published in "Barzhaz Breizh, 2nd edition, 1845.
  • "I learnt this song from the singing of Joseph Floc'h, a farmer at Kergerez in the mountains". (L.V. "argument" in the 1846 edition).
    In the 1867 edition, this information is replaced by the excerpts from Augustin Thierry's books quoted hereafter. On the other hand the "argument" to the next song, "Alan the Fox" states that both ballads were sung by "an old peasant, who was a soldier in the army of Georges Cadoudal".
    This soldier was precisely called by name in the 1846 edition: it was "an old peasant, named Loéiz Vourriken from the parish Lanhuel-en-Arrée, who served in the days of his youth under Georges Cadoudal".
    Cf. Klemmgan Itron Nizon

    One may wonder if both these tales of the double beheading and of the sly fox do not apply to the Chouan uprising, since La Villemarqué has become less peremptory about the second song, as time went by: in 1846 he wrote: "The war cry you are about to read... refers to one of the two victories of Alan Twisted-Beard". In 1867, the same sentence reads "...is likely to refer..."

    Francis Gourvil notes (p. 354) that a place-name "Kerguérez" is found in the parish Leuhan where lived another Floc'h, Michel, the singer of Arthur's March.
    See page The Hawk.
  • This song does not appear in the Keransquer MSs.
  • It was published only by La Villemarqué.
    According to Luzel and Joseph Loth, quoted by Francis Gourvil (p. 389 of his "La Villemarqué"), this pseudo-historical song was "invented" by its alleged collector.
    However it is noticeable, in spite of the "pithy" remarks which Gourvil appends to his quotations, that Abbé Henry wrote at the end of November 1867 to the "Revue critique" a letter excerpts of which were published in 1900 in "Revue celtique" by d'Arbois de Jubainville. It reads as follows: "Fifty years ago I heard the first stanza of the song Nomenoiou...and the tune of The wine of the Gauls"
    The same Abbé Henry wrote on 27th November to La Villemarqué: "Could the lot of us, bards of the present day, compose the Nomenoiou, even if we put our skills together?"

    The tune appears in Ernest Chausson's "King Arthus", Act 3, scene 1, as the Ploughman's song.

  • Ton 1
    (mode hypodorien= fond sonore de cette page)
    Ton 2



    Trio Per-Vari Kervarec, à l'Eglise de la Madeleine, 22 janvier 2023


    Notre traduction La Villemarqué Gourvil (mot à mot) (*) Our translation
    Le tribut de Noménoé

    I


    1. C'est l'herbe d'or (1) qu'on a fauchée
    Soudain la bruine est arrivée.
    -Bataille!-
    Soudain la bruine est arrivée.

    2.-Il bruine sans cesser, disait
    Le grand chef sur les Monts d'Arrez.
    -Bataille!-

    3. Trois semaines qu'il bruine autant,
    Du côté du pays des Francs,

    4. Il bruine tant que je ne puis,
    Voir si revient vers moi mon fils!

    5. Marchand qui parcours le pays,
    Que devient donc Karo, mon fils?"

    6. - Ce Karo, vieil homme d'Arrez,
    Quel est son emploi, son aspect?

    7. - Il a, plein de sens et courage,
    A Rennes mené l'attelage;

    8. A Rennes mené les chariots
    Tirés chacun par trois chevaux.

    9. Chacun portant à part égale
    L'exact tribut de la Bretagne.

    10. - Si ton fils portait le tribut,
    Hélas, il ne reviendra plus!

    11. Car lorsqu'on a pesé l'argent
    Il manquait trois livres sur cent;

    12. L'intendant dit: - Vassal, ta tête,
    Fera la mesure complète."

    13. Puis il a, tirant son épée,
    De ton fils la tête tranchée,

    14. La prend par les cheveux, la lance
    Sur le plateau de la balance!

    15. C'est plus qu'il ne pouvait ouïr,
    Le vieux chef, qui crut s'évanouir.

    16. Sur un roc il se laissa choir
    Ses cheveux cachant son regard.

    17. Se tenant la tête, il gémit:
    "Karo, mon fils, mon pauvre fils!"

    II

    18. Le grand chef chemine à présent,
    Accompagné de tout son clan;

    19. Voilà le grand chef arrivé
    Au château de Noménoé.

    20. - Toi, chef des portiers, dis-moi donc
    Si le maître est à la maison!

    21. - Qu'il y soit ou qu'il n'y soit pas,
    Que Dieu le garde du trépas!

    22. Et tandis qu'il parlait ainsi
    Le seigneur revint au logis.

    23. Il s'en retournait de la chasse
    Précédé de deux chiens folâtres

    24. Il tenait son arc à la main
    Et sur l'épaule un marcassin,

    25. Dont, par la bouche, le sang frais
    Sur sa main blanche s'écoulait.

    26. - Bonjour, honnêtes montagnards!
    Bonjour à vous, noble vieillard:

    27. Quoi de neuf chez vous? Et, surtout,
    Que puis-je donc faire pour vous?

    28. - Dis s'il est un droit, un Dieu, bref,
    Dis, si les Bretons ont un chef?

    29. Au ciel, oui, je le crois, un Dieu,
    En Bretagne un chef, si je peux!

    30. - Celui qui veut, celui-là peut!
    Faire rentrer les Francs chez eux!

    31. Chasser les Francs de ce pays;
    N'y laisser nul crime impuni;

    32. Venger les morts et les vivants,
    Et moi, et Karo, mon enfant,

    33. Karo, mon fils, décapité
    Par le Franc excommunié,

    34. Lui dont vertèbre, moëlle et tête,
    Ont servi d'appoint à ta dette.-

    35. Le vieil homme fondit en larmes
    Et ses pleurs coulaient sur sa barbe.

    36. Brillant comme sur un lis blanc,
    La rosée au soleil levant.

    37. Et le seigneur, en le voyant,
    Fit un vœu terrible et sanglant:

    38. -Je jure par ce sanglier,
    Et la flèche qui l'a percé:

    39. De n'ôter le sang de ma main
    Qu'une fois vengé ton chagrin!

    III

    40. Le chef Noménoé a fait
    Ce qu'aucun chef (b) ne fit jamais:

    41. Il s'en fut au bord de la mer
    Pour y remplir des sacs de pierres,

    42. A délivrer comme tribut [3]
    A l'intendant du roi chenu (2).

    43. Le chef Noménoé a fait
    Ce qu'aucun chef ne fit jamais:

    44. D'argent poli et à rebours
    Il a fait ferrer sa monture.

    45. Le chef Noménoé a fait
    Ce qu'aucun chef ne fit jamais:

    46. Il alla, tout Prince qu'il fut
    En personne payer tribut!

    47. -Ouvrez grand les portes de Rennes
    Et voyez le train que je mène:

    48. Des chariots, tous pleins d'argent.
    Je suis Noménoé. J'attends.-

    49. - Descend, seigneur, en ce château,
    Et laisse en la cour les chariots

    50. Et ta monture à l'écuyer
    Et montons à présent souper.

    51. Souper, et, tout d'abord, laver,
    On sonne le cor, écoutez! (3)

    52. -Dans un moment je laverai
    Quand le tribut sera pesé-.

    53. Le premier sac que l'on porta
    (Et fort bien ficelé, ma foi)

    54. Le premier sac que l'on porta
    On lui a trouvé le bon poids.

    55. Dans le second sac transporté
    Le bon poids aussi fut pesé.

    56. Le troisième que l'on pesa:
    -Attendez, le poids n'y est pas!-

    57. L'intendant entendant celà
    Etendit la main vers le sac.

    58. Il saisit vivement les liens
    Et s'efforça d'en dénouer un

    59. - Seigneur intendant, attendez
    Je le coupe avec mon épée.-

    60. A peine il achevait ces mots
    Que l'épée sortant du fourreau,

    61. Au raz des épaules tranchait
    La tête que le Franc courbait,

    62. Ainsi que les nerfs et la peau
    Et une chaine des plateaux.

    63. Dans la balance elle atterrit
    Et le poids y fut bien ainsi.

    64. Mais voilà la ville en rumeur:
    -Que l'on arrête ce tueur!

    65. Vite, des torches, il s'enfuit!
    Courons, courons vite après lui!-

    66. -Oui, des torches, vous ferez bien:
    Il fera nuit noire en chemin!

    67. Et le gel pourrait bien user
    Vos souliers si vous me suivez,

    68. Vos souliers en cuir bleu doré!
    Mais vous n'userez plus jamais

    69. Vos balances ni vos pesons
    A peser des cailloux Bretons!-

    -Bataille!-


    NOTES de l'édition 1845 (partie bretonne)

    1 L'herbe d'or ou "sélage" est une herbe réputée magique qui ne peut être coupée par le fer, sans que le ciel se voile et qu'il arrive un grand malheur. Cf: Héloïse et Herboristerie bretonne. retour

    2 L'empereur Charles surnommé le Chauve. retour

    3 On se lavait les mains au son du cor avant le repas. retour

    a.
    Drouk-kinnig (tribut): Ce mot, inusité aujourd’hui, est formé de drouk, fâcheux, pernicieux, en breton et en gallois, et de kinnig, présent, offrande, dans les deux dialectes. (V. le Gonidec et Owen.) On le trouve traduit par "munus" dans les actes contemporains de Noménoé.

    b.
    Pendevik (chef): Inusité aujourd’hui, se retrouve dans le vocabulaire breton de 882, déjà cité, ainsi que le titre de tiern, partiellement incompris.

    Trad. Ch. Souchon (c) 2003

    ************

    (*) Afin de "désenchanter" ce beau poème qui faisait l'admiration de George Sand, Francis Gourvil dans sa thèse de 1960 en donne une traduction mot à mot, censée refléter ce qu'un "bretonnant moyen" comprend lorsqu'il lit le texte breton.
    Mais le bretonnant Fañch Eliès-Abéozen déclare comprendre plus facilement le breton du Barzhaz que celui, réputé impeccable, de Jean-Pierre Calloc'h (qui écrivait en vannetais, il est vrai).
    Cliquer sur la case '+" ci-après pour afficher les remarques de Gourvil et Eliès.

    (*) In order to dispel magic from this beautiful poem which was admired by George Sand, Francis Gourvil, in his 1960 thesis, gives a word-for-word translation of it, meant to reflect what an "average Breton speaker" understands when reading the Breton text.
    But the Breton speaker Fañch Eliès-Abéozen claims to understand Barzhaz Breton more easily than the reputedly impeccable Breton language of Jean-Pierre Calloc'h (who wrote in Vannes dialect, by the way).
    Click on the '+' box below to display the remarks of Gourvil and Eliès. (In French only)
    Le tribut de Noménoé

    I.


    1. L’herbe d’or est fauchée ;
    il a bruiné tout à coup.[1]
    — Bataille! —
    il a bruiné tout à coup.

    2. — Il bruine, disait le grand chef de famille
    du sommet des montagnes d’Arez ;
    — Bataille! —

    3. Il bruine depuis 3 semaines, de plus en plus,
    de plus en plus, du côté du pays des Franks,

    4. Si bien que je ne puis en aucune façon
    voir mon fils revenir vers moi.

    5. Bon marchand, qui cours le pays,
    sais-tu des nouvelles de mon fils Karo ?

    6. — Peut-être, vieux père d’Arez ;
    mais comment est-il, et que fait-il ?

    7. — C’est un homme de sens et de cœur ;c’est
    lui qui est allé conduire les chariots à Rennes,

    8. Conduire à Rennes les chariots
    traînés par des chevaux attelés trois par trois,

    9. Lesquels portent sans fraude
    le tribut de la Bretagne, divisé entre eux.

    10. — Si votre fils est le porteur du tribut,
    c’est en vain que vous l’attendrez.

    11. Quand on est allé peser l’argent,
    il manquait trois livres sur cent ;

    12. Et l’intendant a dit : — Ta tête,
    vassal, fera le poids. —

    13. Et, tirant son épée,
    il a coupé la tête de votre fils.

    14. Puis il l’a prise par les cheveux,
    et il l’a jetée dans la balance. —

    15. Le vieux chef de famille,
    à ces mots, pensa s’évanouir ;

    16. Sur le rocher il tomba rudement,
    en cachant son visage avec ses cheveux blancs ;

    17. Et, la tête dans la main, il s’écria en gémis-
    sant: - Karo, mon fils, mon pauvre cher fils !-

    II.

    18. Le grand chef de famille chemine,
    suivi de sa parenté ;

    19. Le grand chef de famille approche,
    il approche de la maison forte de Noménoë.

    20. - Dites-moi, chef des portiers,
    le maître est-il à la maison ?

    21.- Qu’il y soit ou qu’il n’y soit pas,
    que Dieu le garde en bonne santé ! -

    22. Comme il disait ces mots,
    le seigneur rentra au logis ;

    23. Revenant de la chasse,
    précédé par ses grands chiens folâtres ;

    24. Il tenait son arc à la main,
    et portait un sanglier sur l’épaule.

    25. Et le sang frais, tout vivant, coulait
    sur sa main blanche, de la gueule de l’animal.

    26. - Bonjour à vous, honnêtes montagnards!
    à vous d’abord, grand chef de famille ;

    27. Qu’y a-t-il de nouveau ?
    que voulez-vous de moi ?

    28. - Savoir de vous s’il est une justice, s’il est
    un Dieu au ciel, et un chef [4] en Bretagne.

    29. - Il est un Dieu au ciel, je le crois,
    et un chef en Bretagne, si je puis. [3]

    30. - Celui qui veut, celui-là peut ;
    celui qui peut, chasse le Frank,

    31. Chasse le Frank, défend son pays,
    et le venge et le vengera !

    32. Il vengera vivants et morts,
    et moi, et Karo mon enfant.

    33. Mon pauvre fils Karo décapité
    par le Frank excommunié ;

    34. Dans sa fleur: sa tête, blonde comme mil,
    fut jetée dans la balance pour faire le poids ! -

    35. Et le vieillard de pleurer, et ses larmes
    coulèrent le long de sa barbe grise,

    36. Et elles brillaient comme la rosée
    sur un lis, au lever du soleil.

    37. Quand le seigneur vit cela,
    il fit un serment terrible et sanglant :

    38. - Je le jure par la tête de ce sanglier,
    et par la flèche qui l’a percé ;

    39. Avant que je lave le sang de ma main droite,
    j’aurai lavé la plaie du pays !-

    III.

    40. Noménoë a fait
    ce qu’aucun chef ne fit jamais :

    41. Il est allé au bord de la mer avec des sacs
    pour y ramasser des cailloux,

    42. Des cailloux à offrir en tribut
    à l’intendant du roi chauve [2].

    43. Noménoë a fait
    ce qu’aucun chef [4] ne fit jamais :

    44. Il a ferré d’argent poli
    son cheval, et il l’a ferré à rebours.

    45. Noménoë a fait
    ce que ne fera jamais plus aucun chef :

    46. Il est allé payer le tribut, [3] en personne,
    tout prince qu’il est.

    47. - Ouvrez grandes les portes de Rennes,
    que je fasse mon entrée dans la ville.

    48. C’est Noménoë qui est ici
    avec des chariots pleins d’argent.

    49. - Descendez, seigneur ; entrez au château ;
    et laissez vos chariots dans la remise ;

    50. Laissez votre cheval blanc entre les mains
    des écuyers, et venez souper là-haut.

    51.Venez souper, et, tout d’abord, laver ;
    voilà que l’on corne l’eau ; entendez-vous ?

    52. - Je laverai dans un moment, seigneur,
    quand le tribut sera pesé. -

    53. Le premier sac que l’on porta
    ( et il était bien ficelé ),

    54. Le premier sac qu’on apporta
    on y trouva le poids.

    55. Le second sac qu’on apporta,
    on y trouva le poids de même.

    56. Le troisième sac que l’on pesa :
    - Ohé ! ohé ! le poids n’y est pas ! -

    57. Lorsque l’intendant vit cela,
    il étendit la main sur le sac ;

    58. Il saisit vivement les liens,
    , s’efforçant de les dénouer.

    59. - Attends, attends, seigneur intendant,
    je vais les couper avec mon épée. -

    60. A peine il achevait ces mots,
    que son épée sortait du fourreau.

    61. Qu’elle frappait au ras des épaules
    la tête du Frank courbé en deux,

    62. Et qu’elle coupait chair et nerfs
    et une des chaînes de là balance de plus.

    63. La tête tomba dans le bassin,
    et le poids y fut bien ainsi.

    64. Mais voilà la ville en rumeur :
    - Arrête, arrête l’assassin !

    65. Il fuit ! il fuit ! portez des torches ;
    courons vite après lui !

    66. - Portez des torches, vous ferez bien:
    la nuit est noire et le chemin glacé ;

    67. Mais je crains fort que vous n’usiez
    vos chaussures à me poursuivre,

    68. Vos chaussures de cuir bleu doré ;
    quant à vos balances, vous ne les userez plus ;

    69. Vous n’userez plus vos balances d’or
    en pesant les pierres des Bretons.

    - Bataille ! -


    NOTES de l'édition 1845 (partie française)

    1. - L’herbe d’or, ou le sélage, ne peut être, dit-on, atteint par le fer sans que le ciel se voile et qu’il arrive un grand malheur.

    2.- L’empereur Charles surnommé le Chauve.

    3.- On se lavait les mains, au son du cor, avant le repas. (ajouté en 1867)

    Les notes suivantes disparaisssent dans l'édition 1867:

    3. On se rappelle qu’il y a peu d’années [édition 1839], Morvan-le-soutien- des-Bretons disait, en frémissant de rage : « Il aura de moi ce qu’il me demande, cet empereur des Franks, je lui paierai le tribut en fer[4] ! »
    - Si fortuna daret possim quo cernere regem...
    Proque tributali hæc ferrea dona dedissem.
    [Si le sort m'accorde de pouvoir voir ce roi
    Ce tribut c'est en fer que je le payerai]

    (Ermoldus Nigellus, ap. Scriptores rerum gall. et franc, t. VI, p. 46.) [Ermold le Noir (790- 838), Poème pour Louis le Pieux, cité d'après le "Recueil des Historiens des Gaules et de la France" de Dom Bousquet, 1738 ]

    4. J’ai déjà signalé les titres de tiern, et de pendevik ; j’indiquerai encore les mots, da, bon ; maour (aujourd’hui meur) grand ; bis, jamais ( qui se retrouve dans bis-koaz); la forme kleret-hui, entendez-vous ? de même que sellet-hu (maintenant contractée en setu, comme voyez ici, son équivalent français, l’est en voici) ; la préposition nemet ma, mais ; l’addition de l’article au nom propre {Ann Neumenoiou); enfin les verbes gwalc’hi, laver, et korna ann dour, corner l’eau, qui rappellent l’usage antique des ablutions, faites au son du cor, avant les repas, sont pareillement à noter.


    Méchante offrande de Neumenoiou (1).

    I.


    1. L'herbe d'or est fauchée;
    aussitôt cela s'est embrumé.
    Huée ! (2).
    aussitôt cela s'est embrumé.

    2. Cela s'embrume, disait
    le grand Ozac'h (3), du haut d' Aré;
    Huée !

    3. S'embrume, il y a trois semaines,
    si sombre, des côtés de la France (4).

    4. Tant que je ne puis voir en aucune façon
    mon fils revenir sur ses pas.

    5. Bon marchand à parcourir du pays,
    entendis-tu (5) la trace de mon fils Karo ?

    6. Peut-être, grand-père de l' Aré,
    savoir comment est et quelle manière ?

    7. Homme de conscience, homme de cœur,
    allé avec les charrettes à Rennes.

    8. Allé à Rennes avec les charrettes,
    des tireurs contre elles trois par trois.

    9. La méchante offrande de Bretagne avec eux
    sans défaut, et elle partagée entre chacun.

    10. Si c'est votre fils l'offrant,
    l'attendre vous ferez en vain.

    11. Quand on alla. pour peser l'argent,
    il en voulut (6) trois sur cent;

    12. Si bien que le fermier dit :
    Ta tête, homme, fera l'arfer (7).

    13. Et prise (8) dans son épée il a fait,
    et la tête de votre fils il a coupé.

    14. Et dans ses cheveux il a pris,
    et dans le plateau il l'a jetée.

    15. Le vieil époux sitôt qu'il l'entendit,
    était près de lui tant qu'il s'évanouit (9).

    16. Sur le rocher il tomba franchement,
    sa figure cachée dans ses cheveux blancs.

    17. Sa tête en main (10), pleurant maour (11),
    Karo, mon fils, mon pauvre fillot !

    II

    18. Le grand Ozac'h allant en route,
    avec lui à sa suite ses parents;

    19. Le grand Ozac'h allant à côté (12),
    à côté de la capitale de N eumenoiou.

    20. - Dites-moi, chef passeur (13),
    si le seigneur est chez lui ?

    21. - Ou il est, ou il n'y est pas,
    que Dieu le tienne (14) en santé !

    22. Son mot n'était pas tout-à-fait dit,
    quand le seigneur était arrivé à la maison.

    23. Arrivé à la maison de traîner (15),
    ses grands chiens avant, folâtrant.

    24. Dans sa main son arc avec lui,
    et un sanglier sur son épaule.

    25. Et tout frais le sang coulant sur sa main
    blanche de son museau.

    26. - Bien à vous ! bons montagnards;
    et à vous grand Ozac'h en premier;

    27. Qu'est-il survenu de nouveau !
    Quoi avec vous de moi ? (16)

    28. Nous sommes venus savoir s'il y a droit;
    Dieu dans le ciel et tiern (17) en Bretagne.

    29. - Dieu est au ciel, je crois
    , et tiern en Bretagne, si je puis.

    30. - Quiconque veut, celui-là peut;
    quiconque peut envoie (18) le Français (19),

    31. Envoie le Français, soutient son pays,
    et pour lui se fâche et se fâchera!

    32. Aussi bien pour vivant et mort,
    pour moi et mon fils Karo.

    33. Mon fillot Karo décapité
    par le Français excommunié.

    34. Déc. délicatement (20), tête blonde de mil,
    pour finir d'aplanir le plateau (21).

    35. Et lui de pleurer, tant qu'allèrent
    ses larmes jusqu'à sa barbe grise,

    36. Tant que cela brillait comme rosée
    sur fleurs de lis quand éclate le jour.

    37. Le seigneur, quand il l'a vu, jurer rouge
    épouvantablement il a fait.

    38. - Je le jure tête de ces arbres (22)
    et la flèche qui Ie piqua (24),

    39. Plutôt que je laverai le sang de ma main
    droite, j'aurai lavé la plaie du pays.

    III

    40. Le Neumenoiou a fait
    ce que ne fit bis aucun tiern :

    41. Aller avec des sacs sur les grèves
    pour ramasser des petits cailloux;

    42. Des petits cailloux pour envoyer
    à offrande au fermier du roi chauve.

    43. Le N eumenoiou a fait
    ce que ne fit bis aucun tiern :

    44. Ferrer son cheval avec de l'argent fin
    , mais le ferrer envers contre envers (25).

    45. Le N eumenoiou a fait
    ce que ne fera jamais aucun tiern:

    46. Aller payer l'offrande,
    bien qu'il soit pendevik (26).

    47. Ouvrez toutes grandes les portes de Rennes,
    que j'entre dans la ville tout droit.

    48. Le Neumenoiou est ici, des charrettes
    pleines d'argent avec lui.

    49. Descendez, seigneur, venez dans la maison,
    et laissez vos charrettes dans la remise.

    50. Et laissez votre cheval blanc aux pages,
    et venez souper en haut.

    51. Venez souper, avant laver;
    on corne l'eau (27), entendez-vous ?

    52. Je laverai, seigneur, tout-à-l'heure,
    quand sera pesée l'offrande.

    53. Le premier sac qui fut apporté,
    (et il était bien ficelé),

    54. Le premier sac qui fut apporté,
    le poids y fut trouvé.

    55. Second sac (28) qui fut apporté,
    uni aussi (29) il fut trouvé,

    56. Troisième sac qui fut pesé :
    Ho la ! ho la ! il veut ! (30)

    57. Le fermier, comme il le vit,
    sa main sur le sac allongea;

    58. Dans les liens il prit franchement,
    cherchant le moyen de les détacher (31).

    59. Attends, attends, seigneur fermier,
    mon épée les coupera bientôt.

    60. Sa parole n'était pas achevée
    que son épée était diwennet (32).

    61. Et à la tête du Français plié en deux,
    au ras des épaules, frapper il a fait.

    62. Tant qu'il coupa chair et elfeien (33)
    et la corde d'un plateau encore plus.

    63. Et tombée dans le plateau la tête,
    et lui bien uni comme ceci.

    64. Mais voyez-vous, bruit dans la ville :
    - Arrête, arrête le tueur !

    65. Le voilà parti ! Envoyez de la lumière;
    venons vite à la suite de ses traces !

    66. Envoyez de la lumière, vous ferez bien,
    noire la nuit et le chemin glacé;

    67. Excepté que vous n'usiez vos sabots,
    j'en ai peur, à venir sur mes traces,

    68. Vos souliers bleu-doré (34),
    vos plateaux vous n'userez pas;

    69. Vos plateaux d'or aucune fois,
    en pesant les pierres des Bretons.

    Huée!


    Noménoé's tribute (a)

    I


    1. Gold herb (1) was mown by somebody.
    For it has drizzled suddenly .
    -Let's fight!-
    For it has drizzled suddenly.

    2. "It drizzles, it drizzles", has said
    The chief, from the Mount of Arrée.
    -Let'us fight!-

    3. "For three weeks it has been misty,
    Far towards the Frankish country,

    4. So that by no means can I see,
    If my dear son returns to me!

    5. Merchant, who travels many lands,
    Did you hear of Karo, my son?"

    6. -Maybe, old father of Arrée,
    But how looks he and what does he?

    7. A man of sense, a man of heart
    Who went to drive to Rennes the carts;

    8. Who went to Rennes with the barrows
    That horses bound three by three draw.

    9. Well divided each cart carries
    Brittany's tribute faithfully.

    10. Is your son the tribute-bearer?
    You may wait for him no longer!

    11. When they came to weigh the silver
    There lacked 3 pounds in each hundred;

    12. And the steward has said: "Your head,
    Vassal, shall then complete the weight."

    13. And suddenly his sword he's drawn
    And cut off the head of your son!

    14. And he has grasped it by the hairs
    And he has thrown it on the scales

    15. The old chief when he heard that news
    Staggered and he was like to swoon.

    16. Harshly upon the rock he fell
    Hiding his face with his white hair.

    17. And his head in his hands, he moaned:
    "Karo, my son, my poor dear son!"

    II

    18. The great tribal chief has set out
    And by his kindred he's followed

    19. The great tribal chief approaches
    The house where Noménoé lives.

    20. -Tell me, o head of the porters,
    Is he at home now, the master?

    21. -Be he there or be he not there,
    God keep him always in good health!-

    22. And he was still to him speaking
    When the Lord came to his dwelling.

    23. He was returning from the hunt
    Preceded by great playful hounds

    24. In his hand he held still his bow
    On his shoulder carried a boar.

    25. From the mouth of the beast fresh blood
    Was flowing upon his white hand.

    26. Hail to you, honest mountaineers!
    First of all, to you, tribal chief:

    27. What news are you bringing to me?
    What do you want to know from me?

    28. -If a law and a God there be;
    Is there a chief in Brittany?

    29. There is a God to my belief.
    And if I can, there is a chief

    30. In Brittany. -He who will, can!
    And who can, drives away the Frank!

    31. Drives him from his country away
    Avenges it now and always,

    32. Avenges who lives and who died,
    And me and Karo, my dear child.

    33. My poor son Karo, beheaded
    By the excommunicated,

    34. Beheaded in his prime, alas,
    To balance the weight in the scales.

    35. And the old man began to weep
    And his tears flowed down his grey beard.

    36. As the dew at the rising sun
    On a lily flower they shone.

    37. And the Lord when his tears he saw
    Swore a terrible, bloody oath.

    38. By this boar's head and the arrow
    Which has pierced it, I do swear now:

    39. I won't wash the blood from my hand
    Before washing my country's wound!

    III

    40. And chief Noménoé has done
    What no chief (b) did, but he alone:

    41. He went with bags to the sea shore
    And gathered pebbles more and more,

    42. Pebbles as tribute to tender
    To the bald emperor's (2)steward.

    43. And chief Noménoé has done
    What no chief did, but he alone:

    44. With polished silver has he shod
    His horse, and with reversed shoes.

    45. And chief Noménoé has done
    What no chief did, but he alone:

    46. For, Prince as he is, he has gone
    To pay the tribute in person!

    47. -Open wide the big gates of Rennes
    That I make entry in the town,

    48. With chariots full of silver
    'tis Noménoé who is there.-

    49. -Alight, my lord, and come ahead
    And leave your chariots in the shed

    50. Leave to the equerry your horse
    And come and have supper above.

    51. Come to soup, to wash, first of all
    Hear you them sound the water-horn ? (3)

    52. -I will wash presently, my laird
    When the tribute shall have been weighed

    53. The first bag they had to carry
    (And it was tied right properly)

    54. The first bag they had carried down
    Was of the weight agreed upon.

    55. The second bag which they had brought
    Also of a right weight was found.

    56. The third bag they weighed: -Aha! ha!
    Aha! ha! This weight is not right!-

    57. When the steward heard it, he had
    Extended his hand to the bag.

    58. And quickly he had seized the cord
    And to untie it endeavoured...

    59. Wait a moment, Master Steward
    I will cut it off with my sword.

    60. Hardly had he finished these words
    That his sword leaped from the scabbard,

    61. And it struck close to the shoulders
    The head of the double bent steward,

    62. And that it had cut flesh and nerves
    And beside one chain of the scales.

    63. In the scale had fallen the head
    And thus now the balance was made.

    64. But behold the town in uproar:
    -Come on, and stop the murderer!

    65. -He flees, he flees, quick, torches bring!
    Let us run quickly after him!

    66. -Bring torches! And you will do right:
    Frozen is the road, black the night!

    67. But I greatly fear you will wear
    Your shoes if follow me you dare,

    68. Your shoes of blue gilded leather!
    But your scales you will use no more;

    69. Your golden scales in weighing stones
    Brought as tribute by the Bretons.

    -Let's fight!-


    NOTES to the FRENCH text in the 1845 release

    1 The Herb of Gold or "selagium" is a magic herb that should never be cut with an iron blade which causes the sky to turn cloudy and a calamity to happen. Cf: Héloïse and Breton Herbal. back

    2 The Emperor Charles, surnamed the Bald. back

    3 Before the repast, at the sound of the horn, one washed one's hands. back



    NOTES to the BRETON text (1845)

    a. Drouk-kinnig (tribute): This word, unusual today, is made up of drouk, annoying, pernicious, in Breton and Welsh, and kinnig, present, offering, in both dialects. (V. le Gonidec and Owen.) It is found translated by "munus" in the contemporary acts of Noménoé. back

    b. Pendevik (chief): Unusual today, is found in the Breton vocabulary of 882, already quoted, as well as the title of tiern, partially misunderstood. back


    Transl. Ch.Souchon (c) 2003

    ************


    Remarques de Gourvil et d'Eliès-Abeozen
    (Notes de la colonne 3 ci-dessus)
    Cliquer sur la case '+" ci-dessus pour afficher les remarques de Gourvil et Eliès.

    Analyses du « Tribut » par F. Gourvil et F. Eliès-Abeozen

    Ces deux philologues bretonnants ont donné chacun leur propre analyse du texte breton de cette gwerz.
    Gourvil assortit la sienne d'une curieuse traduction (colonne 3 ci-dessus) mot à mot des vers bretons afin de faire accéder le lecteur ne connaissant pas l'idiome original « non à ce que l'auteur a voulu leur faire exprimer par l'intermédiaire d'une autre langue, mais à ce qu'il y a réellement exprimé. »
    Elies-Abeozen avait d'abord publié en 1959, dans « En ur lenn Barzhaz-Breizh » (En lisant le Barzhaz Breizh) la teneur de ses cours de philologie donnés en 1943 : des remarques relatives à la conformité des textes bretons du Barzhaz avec les règles en vigueur en matière de breton littéraire (imprimées en bleu ci-après).
    Dans une seconde édition de cet opuscule, il s'efforce d'allumer des contre-feux en répondant aux plus surprenantes des critiques assassines de Gourvil, en particulier en ce qui concerne le « Tribut » et la fameuse « traduction » qu'il traite de « furlrukinerez » (bouffonerie). (Cf. à ce sujet les 2 traductions du Remède de l'amoureux maladecollecté par F.-M. Luzel en 1890).
    Each of these two Breton philologists gave their own analysis of the Breton text of this gwerz.
    Gourvil appends to his a curious word-for-word translation of the Breton verses (above column 3) in order to give access to the reader unaware of the original idiom " instead of what the author wanted to express via another language , to what is actually expressed in said idiom ».
    Elies-Abeozen had first published in 1959, in "En ur lenn Barzhaz-Breizh" (Reading the Barzhaz Breizh) the content of philology courses given in 1943: remarks relating to the conformity of the Breton texts in the Barzhaz with the rules in force regarding literary Breton (printed in blue below).
    In a second edition of this booklet, he endeavours to defend La Villemarqué's work by answering the most surprising of Gourvil's murderous criticisms, in particular with regard to the "Tribute" and the famous "translation" which he calls a "furlrukinerez" ( mere buffoonery). (Cf. on this subject the 2 translations of Remedy for the sick lover collected by F.-M. Luzel in 1890).


    Vers le texte breton
    To the Breton text


    Résumé
    Karo conduisait l'expédition chargée de livrer le tribut annuel au Roi de Francs. Pour faire bonne mesure, les Francs lui avaient coupé la tête qu'ils avaient jetée dans la balance. Pour venger la mort du fils du Chef d'Arrée, Noménoé alla porter lui-même le prochain tribut: des sacs remplis du poids convenu non point d'or, mais de cailloux! Cette fois, ce fut la tête de l'intendant qui servit d'appoint. Noménoé avait jeté le masque: après avoir longtemps feint de se soumettre à la domination de l'empire franc, il fut vainqueur de Charles le Chauve à la bataille de Ballon (845), et annexa les pays de Rennes et de Nantes, qui jusqu'à une récente réforme administrative, n'ont pas cessé de faire partie du territoire breton. L'aristocratie bretonne s'empressa d'adopter la langue des provinces conquises, de sorte que cette date marque le début du recul de l'idiome national.

    Un large éventail d'appréciations
    George Sand écrira en 1856, dans "La filleule", au sujet du Barzhaz Breizh:
    "Une seule province de France est à la hauteur dans sa poésie, de ce que le génie des plus grands poètes et celui des nations les plus poétiques ont jamais produit: nous oserons dire qu'elle le surpasse: Nous voulons parler de la Bretagne... Le Tribut de Noménoé est un poème de 140 vers plus grand que l'Iliade, plus beau, plus parfait qu'aucun chef-d’œuvre sorti de l'esprit humain."
    A l'inverse, André Chédeville et Hubert Guillotel, dans "La Bretagne des saints et des rois" (1984, Editions Ouest-France), écrivent (p.229):
    "Au lieu d'avouer nos ignorances, beaucoup ont trop souvent substitué à la trame extraordinairement ténue du tissu historique une représentation idéale qu'ils ont forgée. Le branle fut donné assez tôt, mais le pas décisif paraît avoir été franchi avec le "Tribut de Noménoé", poème de 140 vers inséré dans le "Barzhaz Breizh" dont Arthur Le Moyne de La Borderie (1827-1901) publia la traduction au tome II de son "Histoire de Bretagne", 1898 [où il lui attribue le surnom de "Tad ar Vro", Père de la patrie]. Inutile de s'interroger sur la façon dont La Villemarqué a établi son texte. Pour un esprit tant soit peu familier de l'histoire du Haut Moyen Âge, la seule lecture de ce poème suffit à se persuader de son manque total d'intérêt. Vouloir reconnaître en Noménoé le créateur de la nation bretonne, c'est se condamner à ne pas comprendre l'histoire de Bretagne du IXème siècle.".
    Pour un siècle, la contestation de l'authenticité du Barzhaz allait d'ailleurs exclure du champ d'action de l'historien tout travail sur la littérature orale bretonne, y compris celle issue de sources considérées comme sûres (De Penguern, Luzel...), jusqu'à ce qu'on "découvre" l'intérêt de se pencher sur l'histoire des mentalités et que Donatien Laurent ait fait la démonstration de l'authenticité de la collecte du Barde de Nizon.
    C'est donc plus à La Villemarqué qu'à ses mérites propres que Noménoé, devenu premier Duc de Bretagne en 846, devrait d'être considéré par certains comme le Père de la patrie bretonne.
    C'est, me semble-t-il, la thèse que défend M. Bernard Tanguy dans son ouvrage "Aux origines du nationalisme breton" déjà cité. Cette "sensibilité", comme disent les journalistes, se fonderait d'avantage sur des fictions qui ont vu le jour au XIXéme siècle, que sur une connaissance raisonnée des faits historiques.

    Une gwerz populaire inconnue
    Bien entendu, pour qui s'intéresse autant aux qualités littéraires et poétiques qu'à la portée historique de ce texte, la question de son origine et de ce qu'il doit à l'authentique tradition orale, est du plus haut intérêt.
    Contrairement à ce qu'affirme la page Wikipedia consacrée à Noménoé, la ballade du Bazhaz ne fut pas reconnue
    "comme authentique et issue de la tradition bretonne en 1974 par Donatien Laurent après consultation des carnets retrouvés de La Villemarqué en 1964." (j'écris ceci en mai 2022).
    Mais bien qu'elle soit absente des carnets de collecte, il se peut que cette ballade soit basée sur une véritable gwerz populaire (ou plusieurs), selon le témoignage de l'Abbé Henry qui assure qu'il en
    "avait entendu chanter le premier vers" (dont le texte est, à vrai dire, peu caractéristique d'un chant historique: "L'herbe d'or a été coupée"!) en 1817.
  • C'est ainsi que la formule que l'on trouve aux strophes 40, 43 et 45 "Et il fit ce qu'aucun...ne fit jamais" est un cliché que les gwerzioù affectionnent.
  • Il en est de même, aux strophes 53 à 56, de l'énumération en trois points: le premier sac, le second sac, le troisième sac.
  • Ou, à la strophe 60, de l'expression qui structure le récit "A peine il achevait ces mots..."
  • Par ailleurs, le carnet 2, à la page 93 où commence le chant "In Nomine Patris" qui deviendra dans le Barzhaz, La tournée des étrennes présente 2 strophes qui ressemblent fort aux strophes 20 et 21 du présent chant. C'est le début du dialogue (assez peu original, il est vrai) entre le père de l'infortuné Karo et le portier de Noménoé:
    - Me garfe gout a dra sklaer
    Dian mard'eo an Aotrou er ger.

    - Dian mar d'eo pe mar d'eo ket,
    Doue e dalc'ho anezhañ er yec'hed!
    - Jaimerais qu'on me dise sans détour
    Si le seigneur est chez lui.

    - Qu'il y soit ou non,
    Dieu le garde en bonne santé!
  • On remarque également la proximité des strophes 47 et 48 avec le commencement du "Siège de Guingamp" (tel qu'il apparaît p. 106 du carnet 1):
    - Porzhier, digorit 'r perzhier-mañ
    D'ar priñs Denoblin zo amañ!

    Triwec'h mil kavaliour gantañ
    Da lakaat seziz war Wengamp. -
    - Portier, ouvrez ces portes
    Au Prince Denoblin qui est ici

    Avec dix-huit mille cavaliers
    Pour mettre le siège à Guingamp.
  • De même,les strophes 40, 43 et 45 reprennent une formule que l'on trouve dans le carnet 2, p.61 au début de la gwerz La dame de Pontquer:
    An Itron Ponker he-doa graet,
    Pezh biskoazh itron n'he-doa graet.
    Madame de Pontquer a fait
    Ce que dame ne fit jamais...
    La Villemarqué est-il à l'origine de ces emprunts? Dans le dernier exemple, il a pu vouloir éviter la répétition du mot "graet" (fait) que lui suggérait son modèle et lui substituer dans le second vers des distiques la rime "ebet" (aucun), présente dans la version de ce chant collectée par Luzel. Il aurait compensé le pied supplémentaire en remplaçant le mot "biskoazh" (jamais) par l'emprunt au gallois "biz". A la strophe 45 le passage au futur "pezh na ray biken tiern ebet" fournit d'emblée un octosyllabe...On entre ainsi dans le domaine de l'érudition.

  • Erudition et tradition orale
    Le duel entre bretonnants auxquels se livrent Gourvil et Eliès (cf. ci-dessus) montre que, paradoxalement les deux adversaires sont au fond d'accord: le recours aux dictionnaires, gallois et bretons, anciens et modernes a été essentiel dans l'élaboration de ce texte. C'est ainsi que la mention de l'usage de "corner l'eau" au début des banquets au moyen-âge relève d'une érudition livresque tout à fait suspecte s'agissant de littérature orale authentique.
  • Il est dommage que les carnets de collecte ne nous apprennent rien sur l'origine des épisodes du récit si caractéristiques : tête coupée jetée sur une balance; main souillée de sang qu'on ne lave pas tant qu'un grave affront n'est pas vengé; sacs remplis de cailloux au lieu de pièces d'or; cheval ferré d'argent et à rebours pour égarer les poursuivants.
  • On penserait volontiers à un conte, bien que le "Répertoire des motifs de la littérature orale" de Antti Aarne et Stith Thompson ou "répertoire numérique AT" ne semble connaître aucun de ces thèmes. Il est vrai que ce compendium oublie de citer l'histoire du "cheval ferré à rebours", alors qu'on peut y reconnaître la vieille ruse de la marche à reculons, réelle ou simulée, utilisée par voleurs et guerriers, depuis l'Hermès de l'hymne homérique jusqu'aux héros des contes chinois ou des ballades écossaises. Même Anne de Bretagne y aurait eu recours, après la défaite de son armée à Saint-Aubin-du-Cormier!
  • Comme bien souvent, La Villemarqué nous dévoile les sources savantes utilisées pour "améliorer" le poème d'origine: outre les dictionnaires gallois, le récit d'Ermold Le Noir, le poème des moines de Saint-Florent qui s'efforce de faire de Noménoé un parvenu et d'où provient le nom Nomenoiou, comme le montre F. Eliès. Selon Gourvil qui cite d'Arbois, qui lui-même cite La Borderie, La Villemarqué l'a préféré à "Navin[é]ou" dont on aimerait connaître la provenance.
  • En dernière analyse, ce poème s'apparenteraît à la gwerz 31 Ceinture de noces, qui est une véritable marqueterie de chants
    , Ou encore à la gwerz jamais publiée, k41 La Quenouille d'ivoire": Le point de départ est un authentique "chant d'Anglais", Marivonik, que, dans une note en marge du 1er carnet de collecte, La Villemarqué associe à un événement survenu au Pouldu en octobre 1746. En amalgamant à ce matériau de base des éléments tirés dune douzaine d'autres gwerzioù sur des thèmes divers, "Ar Jouiz" (chant de "maumariée"), "Barbaik" (qui flétrit les goûts de luxe d'une jeune fille), etc., il constitue un ensemble, médiocrement cohérent il est vrai, destiné au Barzhaz.

    Le grief d'incohérence
    A y regarder de près, ce même grief d'incohérence pourrait être fait au "Tribut".
  • On peut à peine l'invoquer à propos de l"herbe d'or" propre à créer une atmosphère tragique dès le début du récit. D'autant qu'on ne voit pas pourquoi ne pas croire l'Abbé Henry quand il affirme qu'une gwerz (chantée sur l'air du Tribut?) commençant par "L'herbe d'or a été fauchée" existait dès 1817. C'est donc la muse populaire bretonne qui aurait eu cette idée excellente.
  • On n'en dira pas autant de ces "chaussures de cuir bleu-doré", une traduction exceptionnellement exacte de l'expression "glas-alaouret". Eliès ne conteste pas l'explication proposée par Gourvil (une lecture hâtive du "Dictionnaire vannetais de M. de l'A."), ni que ladite expression soit traduite 5 fois sur 6 - on la trouve dans trois chants du Barzhaz de 1845: 1 fois dans le "Tribut", 3 fois dans "Bran" et 2 fois dans la "Ceinture"- de façon erronée, avec le sens spatial de "[d']au-delà des mers".
    On peut se demander si La Villemarqué n'avait pas voulu parler ici de "cuir exotique" ou de "cuir de Cordoue" et si, s'étant trompé deux fois, il n'était pas revenu au sens exact de "bleu d'outre-mer" qui ne convient guère appliqué à du cuir. Il est vrai qu'après l'"herbe d'or" en introduction, cette note "bleu-dorée" en conclusion constituait une "preuve" supplémentaire de la "bretonnité" du poème inséré entre ces deux bornes.
  • Surprenants enfin, ces fers à cheval en argent (posés à rebours) qui visent sans doute à se distancer du registre des farces et attrapes.
  • Quant au serment par le sang... d'un sanglier tué à la chasse, on est en droit de juger qu'il illustre le dicton: "du sublime au ridicule ..."

    Un poème subversif
    Comme la plupart des trente pièces ajoutées au corpus dans l'édition de 1845, le "Tribut" est un poème subversif, où le nationalisme local breton s'exprime de façon agressive.
    On le verra à propos du chant Jeanne la Flamme, Francis Gourvil considère les vingt chants de ce type comme des inventions du Barde de Nizon.
    Comme l'a indiqué M. Donatien Laurent dans son étude sur les "Sources du Barzaz Breiz", après une campagne de collectes centrée sur les domesticité du manoir natal de Nizon-Pont Aven au cours de la période 1833-1837, La Villemarqué déclare lui-même avoir étendu ses investigations à d'autres groupes sociaux et d'autres régions: il avait
    "recherché de préférence les mendiants, les chiffonniers ambulants, les tisserands, les tailleurs les sabotiers, toute la population nomade et chanteuse du pays" (page IV de la préface de 1867), et avait parcouru les "Monts d'Arrée" (souvent il les confond avec les "Montagnes Noires"), interrogeant en particulier des vieillards, dont il dit, "qu'ils avaient fait partie des bandes armées du dernier siècle, [entendez "de la chouannerie"] et dont la mémoire quand elle consent à s'ouvrir, est le répertoire national le plus riche qu'on puisse consulter".

    Le seul brevet d'authenticité, dont se prévaut abondamment le Barde de Nizon, est la citation que fait de ce poème Augustin Thierry dans "Dix ans d'études historiques", lequel voit dans ce texte
    "une peinture énergiquement symbolique de l'inaction prolongée du prince patriote et de son brusque réveil, quand il jugea que le moment était venu".
    Bien entendu, une telle démarche relève plus du sophisme que de la logique.

    Le Noménoé des historiens
    Contrairement à ce que le jugement porté sur ce texte par MM. Chédeville et Guillotel pourrait laisser croire, Augustin Thierry et La Villemarqué qui le cite considéraient que ce qui en faisait l'intérêt, c'était l'"esprit général" qu'il reflétait, plutôt qu'"aucun trait précis" (Notes, p.118 ed. 1867).
    Aujourd'hui, on s'accorde pour voir en Noménoé un personnage issu d'une puissante famille bretonne longtemps fidèle aux Carolingiens. Lui-même fut investi d'importantes fonctions (comte de Vannes, "missus imperatoris" et "ducatus ipsius gentis" des Bretons depuis 831) au service de Louis le Pieux et s'efforça de maintenir la paix entre les nombreux comtés bretons. Personnellement lié à Louis par serment, il lui reste fidèle lors de la crise dynastique de 833 qui voit la déposition provisoire de l’empereur. Il est exceptionnel que la fonction ne soit pas remplie par la noblesse franque.
    Après la mort de Louis, en 840, Noménoé soutint Charles le Chauve contre son frère Lothaire et reçu en récompense d'immenses domaines, dans une Bretagne bien intégrée à l'Empire. C'est l'arrivée à la tête du comté de Nantes de Renaud d'Herbauge, un dangereux rival, qui poussera Noménoé à s'affranchir de la tutelle carolingienne et à ériger la Bretagne en duché indépendant. Mais c'est Renaud et non Noménoé qui ouvrit les hostilités en franchissant la Vilaine à Messac. Au cours de la sanglante bataille (24 mai 843), il fut tué par Lambert II de Nantes, le fils du précédent comte qui n'étant pas reconnu dans cette fonction par Charles, s'était fait l'allié de Noménoé. La Bretagne avait cessé d'être une terre d'empire.
    Noménoé profita des difficultés rencontrées par Charles dans ses efforts pour pacifier l'Aquitaine, pour dévaster le Maine. Puis il refusa de promettre obéissance et fidélité à Charles comme l'avaient fait Lambert et Pépin II d'Aquitaine. Ce changement d'équilibre des forces incita le roi à tenter une expédition rapide pour vaincre ce suzerain récalcitrant. Il est défait le 22 novembre 845 à Ballon (près de Redon). Cette défaite eut un énorme retentissement, parce que le roi avait pris une part active dans les opérations et que la rumeur de sa mort s'était même répandue. Battu trois fois par les Vikings, Noménoé doit traiter avec eux pour qu'ils s'éloignent de Bretagne. Deux ans après, il s'empare d'Angers et des pays voisins.
    Rendant compte d'une entrevue que Noménoé eut avec Charles en été 846, le chroniqueur désigne le chef Breton, par le titre de "Duc", ce qui n'empêcha pas ce dernier de multiplier les actes d'insoumission, tels que la déposition de cinq évêques bretons en 849.
    A cause de la défection de Lambert II de Nantes, il annexe ensuite Nantes et Rennes en 850, lance des raids sur le Bessin et le Comté du Maine. Noménoé mourut à Vendôme le 7 mars 851, après avoir conquis le Maine et l'Anjou. Son fils Erispoë, second duc et premier roi de Bretagne, lui succéda.

    Le roi Noménoé?
    La ville de Redon se développa autour de l'abbaye fondée par Noménoé à l'initiative de son ministre, Saint Konwoïon. Bien qu'une plaque apposée en 1934 sur le rempart le déclare "premier roi de Bretagne, Noménoé ne porta jamais ce titre.
    Son curieux nom qui existe aussi sous les formes "Nevenoe", "Noménoé", "(Saint) Neveno(u)", "Nemenoiou", "(Saint) Venou" est certainement breton. Peut-être est-il parent du mot gaulois "nemeton" qui désigne le sanctuaire à ciel ouvert, puis le ciel comme lieu mystique, comme le breton "neñv" et l'irlandais "neamh" (cf. "Coatnevet" dans La vie de Saint Ronan).
    Outre les poèmes vantant ses exploits, Noménoé inspira à ses ennemis des chants satiriques tels que celui-ci, cité par La Villemarqué. Il fut composé par les moines de Saint Florentin-sur-Loire dont il avait détruit le monastère:
    Quidam fuit hoc tempore
    Nomenoius nomine.
    Pauper fuit progenie:
    Agrum colebat vomere.
    Sed reperit largissimum
    Thesaurum terra conditum.
    Quo plurimorum divitum
    Junxit sibi solatium.
    Dehinc per artem fallere
    Coepit qui mox succrescere.
    Donec super cunctos ope
    Transcenderet potentiae...
    Au temps jadis il y avait
    Un dénommé Noménoé.
    Si pauvres étaient ses parents,
    Qu'il charruait lui-même son champ.
    Mais il découvrit un trésor
    Immense caché dans la terre
    Et qui lui servit à se faire
    Des amis plus riches encor.
    Et possédant l'art de l'intrigue
    Aux plus hauts rangs il se hissa.
    Grâce au trésor bientôt il fig-
    Ura parmi les potentats.

    Le Noménoé des poètes
    Les poèmes ci-après montrent que le "Noménoé" de La Villemarqué, pas plus que son "Arthur", est loin d'être tombé dans l'oubli. Outre la pièce de théâtre inclassable de Jakez Riou (1935), "Noménoé,-oé", il a inspiré les poèmes qu'on va lire.
    Son auteur, Emile Le Scanff dit "Glenmor" (1931 - 1996), fut un remarquable poète et auteur-compositeur et un défenseur, sans doute parfois outrancier, de l'identité bretonne.
    Comme ils évoquent le "Gwenn-ha-du", créé par Morvan Marchal en 1925, force est de comprendre que le combat auquel ces textes à la fois beaux et sulfureux appellent, n'a rien d'historique et s'adresse aux Bretons d'aujourd'hui.
    La mort accidentelle du jeune activiste Jean-Michel Kernaléguen, le 30 septembre 1976 a inspiré, outre Glenmor, le poète-chanteur Youenn Gwernic (1925-2006) qui composa, en respectant les canons du genre, une "Gwerz Ti-Voujeret" du nom du camp militaire dont il s'agissait d'empêcher la constuction. On la trouvera ci-après. Interrogé sur le point de savoir s'il s'agissait d'une authentique gwerz sur les antennes de Radio-France en 1980, Donatien Laurent, visiblement gêné, répondait:
    "L'idée de départ est la même: faire une chanson pour fixer un événement et le faire passer dans la tradition, la succession des générations. Cette chanson est-elle traditionnelle? Nous ne pouvons pas le dire. Le compositeur ne peut jamais le dire. Il fait sa chanson, il la "lance" (autrefois, auprès des voisins, dans les foires etc. maintenant par les ondes et le disque) mais c'est le peuple qui décide du sort de la chanson et elle sera traditionnelle s'il l'accepte, l'apprend et la transmet."
    Les innombrables occurrences de ce chant sur le web montrent que c'est le cas.
    Si ces chants figurent ici, ce n'est certes pas que je considère que les innombrables Bretons dont les noms sont gravés sur les stèles du mémorial de la "Grande" guerre à Sainte Anne d'Auray, soient autant de brebis égarées, tombées au service d'étrangers qui les oppriment. Je n'ai aucun doute sur le sens à donner au "Marv evit ar vro" gravé sur certains monuments aux morts de Basse-Bretagne.
    Non, c'est avant tout parce que ces "Marseillaises" à la mode de Bretagne - et à peine plus excessives que leur auguste modèle apportent la preuve:
  • du talent exceptionnel de l'auteur,
  • de l'expressivité de langue bretonne qui justifie qu'on la défende avec une telle fougue,
  • de la pérennité de l'héritage de La Villemarqué dans l'imaginaire collectif breton.

    Une approche plus raisonnable
    Paul-André Bempéchat aborde en ces termes la question des conflits de loyauté dans son ouvrage sur le "génial touche-à-tout", Jean Cras:
    "Vers 1900, des Bretons instruits s'étaient rendu compte que le liens moraux et politiques qui les attachaient à la fois à leur province armoricaine et à la république française étaient également solides et inébranlables. C'était pour eux un choc moral et une chose difficilement compréhensible et encore moins admissible que la dérision avec laquelle on traitait officiellement leur patrie. Les écrits du poète aimé de tous, YB Calloc'h (1888-1917), originaire de l'Île de Groix et du musicien-devenu-politicien, le Rennais Maurice Duhamel (1884-1944) reflètent les aspects poignants et la complexité de ce dilème identitaire. Calloc'h qui avait adopté le pseudonyme bardique de Bleimor avait été le membre éminent de plusieurs sociétés savantes qui, en cette fin de 19ème siècle, bataillaient non seulement pour restaurer la réputation de l'héritage culturel de leur province, mais aussi pour obtenir un maximum d'autonomie culturelle, même s'il n'était nullement question d'autonomie politique. Cette multitude de groupuscules, tant catholiques que neutres sur le plan confessionnel ou politique, faisaient un contre-feu à la rhétorique incendiaire fédéraliste en propageant leurs idées dans les médias connus ou confidentiels. Pendant la "Grande" guerre, Calloc'h écrivait:
    "La guerre peut jouer en notre faveur:...L'Alsace-Lorraine, une fois retournée à la France, aura des privilèges spéciaux. Son langage sera enseigné dans toutes ses écoles. Cela ne peut être pour nous qu'un bon présage et mérite notre soutien. Nous l'aiderons à conserver ce qui lui appartient et réclamerons des autorités les mêmes droits et privilèges. Notre tâche primordiale et la plus urgente sera de préserver nos langues."
    Convaincu que la France victorieuse assurerait à la Bretagne la survivance de sa culture, Calloc'h fut engagé volontaire dés qu'éclata la guerre... Comme près de 250.000 autres Bretons, Calloc'h fit à la France le sacrifice de sa vie."
    Les espoirs de JM. Calloc'h étaient vains: le 21 juillet 2008 les deux chambres réunies en congrès adoptaient l'amendement à la Constitution selon lequel:
    Article 2: La langue de la République est le français.
    Article 75, alinéa 1er: Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.
    Ce dernier article permet d'accorder une aide publique au développement de ce patrimoine. Il n'autorise pas la reconnaissance desdites langues comme langues officielles dans les départements où on les parle, ni d'en faire un véhicule principal de l'enseignement public.
    L'article 2 interdit la ratification par la France de la "Charte européenne des langues régionales et minoritaires", considérée comme menaçant l'unité nationale.
    Rappelons que le deuxième prix Nobel de littérature décerné à un écrivain français, le fut à Frédéric Mistral, en 1904, pour son oeuvre en provençal! Depuis longtemps, hélas, le provençal, moribond, a cessé de "menacer l'unité nationale"...
    Et signalons aussi que l'article 2 est régulièrement violé sur les sites officiels du gouvernement français qui publient certaines études seulement en anglais, alors qu'elles intéressent aussi les lecteurs français...
  • Résumé
    Karo led the expedition sent to deliver the yearly tribute to the King of the Franks. To round off the weight, the Franks had cut off his head which they had thrown on the scales. To avenge the death of the son of the Arrée Chief, Noménoé himself, carried the next tribute: sacks filled with the weight agreed upon, not of gold, but of stones! This time, it was the steward's head that was used to tip the scales. After long-lasting submissiveness to the Frankish emperor, Noménoé had unmasked: having defeated Charles The Bald at the battle of Ballon (845), he annexed the lands around Rennes and Nantes, which have been, since then, part of the Breton territory until a recent administrative reform separated Nantes from it. But the Breton aristocracy very soon adopted the language of these new provinces, so that the decline of the national idiom may be traced back to this date.

    A broad spectrum of assessments
    Concerning the "Barzhaz Breizh", George Sand wrote in 1856 in her essay "La filleule":
    "Only one province in France may vie with the poetry of the greatest authors or with the poetic production of the most renowned nations, past and present: we will go as far as to assert that this poetry even surpasses all others: the province I mean is Brittany... "Noménoé's Tribute" is a poem in 140 lines that is even greater than the Iliad, more beautiful and perfect than any masterwork produced by human mind."
    At the opposite end of the spectrum, André Chédeville and Hubert Guillotel, in "Saints and Kings of Brittany" (1984, Ouest France Editions) state (p.229):
    "Instead of admitting to their ignorance, many were those who complemented the particularly thin web of data provided by historical documents with ideal representations forged by themselves. The bell was set swinging rather early, but the decisive move was made when "Noménoé's Tribute" was published, a 140 line strong poem included in the "Barzhaz Breizh", a translation of which was attached by Arthur Le Moyne de La Borderie (1827-1901) to his textbook "History of Brittany", 1898 [who found for him the nickname "Tad ar Vro", "father of the land"]. It is no use speculating about the origin of the text proposed by La Villemarqué, or to what transformations he subjected it. Anyone, however little conversant with early medieval history, will satisfy himself that this poem is of no value whatsoever to the historian. Whoever recognizes in Noménoé the creator of the Breton nation, never will understand the history of 9th century Brittany."
    For a century, the controversy about the authenticity of the Barzhaz did also exclude from the field of action of the historians any work on Breton oral literature, even derived from sources considered as safe (De Penguern, Luzel .. .), until the interest of investigating the history of mentalities was acknowledged and Donatien Laurent had proved the authenticity of the Bard of Nizon's collecting work.
    If Noménoé, who in 846 advanced to be the first Duke of Brittany, was considered by many as the father of the Breton nation, it was less on account of his own merits, than of La Villemarqué's poetic skills.
    This is, I take it, the thesis postulated by M. Bernard Tanguy in his already addressed study on "The Origins of Breton Nationalism". According to him, this political persuasion is based on fictions that arose from the 19th century literature, rather than on a soundly reasoned analysis of historically ascertained facts.

    An unknown folk ballad
    Of course, if you consider, not only the historical import, but also the literary and poetical value of this text, the issue of its origin and the part of genuine oral tradition it contains, is of crucial importance.
    Contrary to the statement on the Wikipedia page devoted to Noménoé, the Bazhaz ballad was not recognized
    "as authentically belonging to Breton oral tradition by Donatien Laurent in 1974 after after he had studied La Villemarqué's notebooks for ten years." (I wrote it in May 2022).
    But though there is no trace of it in the three collecting books, this song could base on a genuine folk ballad (or several ballads) in accordance with Abbé Henry's statement that he "had heard the first stanza of the song Nomenoiou sung in 1817" (not very relevant for a historic song, in fact: "The golden herb was mown").
  • The phrase repeated in stanzas 40, 43 and 45 "And chief Noménoé has done What no chief did, but he alone" is a customary cliché in the "gwerzioù".
  • So is, in stanzas 53 with 56, the listing of three items, here, the first bag, the second bag, the third bag.
  • Or, in stanza 60, the structuring phrase: "Hardly had he finished these words, that.."
  • Besides, notebook 2, on page 93 where begins the song "In Nomine Patris" which will become in Barzhaz, The New Year gift gathering tour presents 2 stanzas which are very similar to stanzas 20 and 21 in the song at hand. It is the beginning of the dialogue (not very original, it is true) between the unfortunate Karo's father and Noménoé's gatekeeper:
    - Me garfe goût a dra sklaer
    Dian mar d'eo an Aotrou er ger.

    - Dian mar d'eo pe mar d'eo ket,
    Doue e dalc'ho anezhañ er yec'hed!
    - I would like to be told bluntly
    If the lord is at home.

    - Whether he's there or not,
    God keep him healthy!
  • We also notice the proximity of stanzas 47 and 48 with the beginning of "Siège de Guingamp" (as recorded p. 106 of notebook 1):
    - Porzhier, digorit 'r perzhier-mañ
    D'ar priñs Denoblin zo amañ!

    Triwec'h mil kavaliour gantañ
    Da lakaat seziz war Wengamp. -
    - Doorman, open these doors
    - Prince Denoblin who is here

    With eighteen thousand horsemen
    To lay siege to Guingamp. -
  • Similarly, stanzas 40, 43 and 45 use a formula found in notebook 2, p.61 at the beginning of the gwerz The Lady of Pontquer :
    An Itron Ponker he-doa graet,
    Pezh biskoazh itron n'he-doa graet.
    Madame de Pontquer did
    What no lady ever did ...
    Are these borrowings ascribable to La Villemarqué? In the 3rd instance, he may have wanted to avoid the repetition of the final "graet" (done) suggested by his model and substitute in the second verse of the couplets the rhyme "ebet" (none), like in the version of this song collected by Luzel. He would have compensated for the extra foot by replacing the word "biskoazh" (never) with the Welsh loanword "biz". In stanza 45 the transition to the future tense "pezh na ray biken tiern ebet" provides an octosyllable...
    We are now entering the fields of scholarship.

  • Scholarship and oral tradition
    We may infer from the above duel between two genuine Breton speakers, Gourvil and Eliès that they surprisingly agree on a crucial point: the use of old or new Welsh and Breton dictionaries was essential in the making of this text. The mention of "corner l'eau" (blowing a horn to request guests to wash hands in medieval banquets) hints at erudition interfering with genuine oral lore.
  • It is a pity that the examination of the collection notebooks should teach us nothing about the origin of these outstanding episodes: a severed head thrown on a scale; a hand stained with blood that is not washed until a serious afrront is avenged; bags are filled with pebbles instead of gold coins; a horse is shoed in silver and the other way round to confuse pursuers.
  • All this seems reminiscent of a folk tale, although Antti Aarne and Stith Thompson's "Motif Index of Folk Literature" or "AT- number system" does not seem to include any of these themes. For instance it seems to omit the pattern of the horse shoed backwards, though one can recognize in it the old ruse of real or simulated backwards walking, resorted to by thieves and warriors, since Hermes in a Homeric hymn, up to the heroes of Chinese tales or Scottish ballads. Even Duchess Anne of Brittany would have had recourse to it, after the defeat of her army at Saint-Aubin-du-Cormier.
  • As usual La Villemarqué hints at the literary sources he used to "improve" the original poem: Welsh dictionaries, a Latin narrative by Ermold Le Noir, a poem devised by the monks of Saint-Florent Abbey to introduce Noménoé as a parvenu. F. Eliès assumes that this poem is the origin of the name "Nomenoiou". According to Gourvil, La Villemarqué preferred it to "Navin[é]ou" whose provenance we really would like to know.
  • In the final analysis, this poem appears to be, like the 31 Wedding belt, a true patchwork of songs; or like the never published gwerz, k41 La Quenouille d'ivoire". In this latter poem the starting point is a genuine "Saxon song", Marivonik, which, according to a margin hint in La Villemarqué"s1st collection book is about an English raid at Le Pouldu in October 1746.
    By mixing up this basic material with excerpts from a dozen other gwerzioù on various themes, "Ar Jouiz" (unhappy wives), "Barbaik" (a girl's addiction to luxuryl), etc., the author gets a compound which, though poorly coherent, is deemed worthy entering the Barzhaz shrine.

    Internal inconsistency in the narrative?
    Looking closely , this same complaint of inconsistency could apply to the "Tribute":
  • But hardly in connection with the "Gold herb" which is apt to create, a tragic atmosphere from the start of the story. Especially since we do not see why not believe Abbé Henry when he asserts that a gwerz (sung to the tune of the Tribute?) beginning with "The golden herb was mown" existed as early as 1817. It is therefore to the popular Breton muse that this grand idea.is ascribable.
  • The same does not apply to the "golden blue leather shoes", an exceptionally accurate translation of "glas-alaouret". Eliès does not challenge the explanation set forth by Gourvil (a hasty reading of the "Dictionnaire Vannetais de M. de l'A."), nor the fact that the said expression is translated 5 times out of 6 - it is found in three songs of the 1845 Barzhaz: once in the "Tribute", thrice in "Bran" and twice in the "Belt" - erroneously, with the spatial meaning of "[from] beyond the seas".
    One may wonder if La Villemarqué did not mean here "exotic leather" or "Cordoba leather" and having made a reverse mistake, he had not come back to the accurate meaning of "overseas blue" which is hardly suitable when applied to leather. But "golden grass" at the very outset, and a "blue-golden" touch to conclude delivered an additional "proof" of the "Bretonness" of the poem inserted between these two bounds.
  • But most surprising are, finally, these (backwards put on) "silver horseshoes" which may just aim to keep at bay associations with pranks and tricks.
  • As for the solemn oath by the blood... of a hunted wild boar, does it not illustrates the saying: "From the sublime to the ridiculous etc."

    A subversive poem
    Like most of the thirty pieces added to the extant body in the 1845 edition, the present poem is a subversive one, where Breton patriotism is expressed in a warlike way.
    As we shall read in connection with the Joan the Arsonist, Francis Gourvil considers all the twenty songs in this category as mere inventions of the Bard of Nizon.
    As stated by M. Donatien Laurent in his study on the "Sources of the Barzhaz Breizh", after a first collection campaign focussing on the domestic staff of his native manor at Nizon-Pont Aven in the period 1833-1837, La Villemarqué himself declares that he extended his investigations to other social communities and other areas. He had, so he writes on page IV of the preface to the 1867 edition,
    "visited preferably beggars, wandering ragmen, weavers, tailors, clog-makers, and all the wandering and singing folks of our countryside." Moreover, he had travelled the Mounts of Arrée (apparently he often means the "Black Mountains"), asking in particular old men who, so he says , " Had served in the armed bands of the past century [i.e. in "Chouan bands"] and whose memory, when it accepts to open up, has retained the most complete repertoire of national lore you may consult."

    The only "proof" of authenticity of which the Bard of Nizon takes advantage without restraint, is that this poem was quoted by no less than the famed historian Augustin Thierry in "Ten years of historical researches", where this poem is described as
    "a symbolic but lively description of the prolonged inactivity of the patriotic prince and of his sudden awaking when he judged the time was ripe for it".
    Of course this way of reasoning is more sophism than logic.

    The historical Noménoé
    In contradiction to MM. Chédeville and Guillotel's statement, Augustin Thierry and La Villemarqué who quotes him considered that the most interesting information conveyed by this text is about the "overall mental framework of the time concerned", rather than "any specific event" (Notes P.118, 1867 edition).
    Nowadays, historians generally agree that Noménoé was a man of note stemming from a family of Breton rulers who had been for a long time supporters of the Carolingians. He himself was vested with important functions on behalf of Louis the Pious: Count of Vannes, "Missus imperatoris" and "Ducatus ipsius gentis" of the Bretons as from 831 and had been striving to maintain peace among the many Breton counties. Bound by an oath to Louis, he remained loyal during the dynastic crisis in 833 that caused the emperor to be temporarily deposed. It was exceptional that a count's function would not exercised by a Frank.
    When Louis died in 840, Noménoé first supported Charles the Bald against his brother Lothair and was rewarded with important domains in Brittany which, at the time, was a regular part of the Empire. It was when a dangerous antagonist, Renaud d'Herbauge was appointed as Count of Nantes, that Noménoé was prompted to free himself from the Carolingian overlordship and to make of Brittany an independent duchy. But Renaud, not Noménoé engaged in open hostilities, when he crossed the Vilaine river at Messac. During the bloody combat (24th May 843), he was killed by Lambert II of Nantes, the son of the former Count of Nantes who, as he was not acknowledged by Charles, adhered to Noménoé. Brittany no longer belonged to the Empire.
    Noménoé took advantage of the trouble encountered by Charles when endeavouring to pacify Aquitaine, to raid into Maine and plunder the territory. Then, unlike Lambert and Pepin II of Aquitaine, he refused to swear obedience and allegiance to Charles. This imbalance of forces prompted the king to attempt a quick raid against his reluctant vassal so as to coerce him into obedience. But he was defeated on 22nd November 845 at Ballon, near Redon. This defeat created a considerable stir in public opinion because the king had taken an active part in the expedition and rumours of his death had circulated. Three times vanquished by the Vikings, Noménoé must negociate their departure from Brittany. Two years later, he captures Angers and the surrounding area.
    In an account of an interview between Noménoé and Charles in the summer of 846, a chronicler styles the Breton ruler "Duke of Brittany", which did not prevent the latter to increase his insubordinate attitude, for instance by deposing five bishops in Brittany in 849.
    Because of Lambert I's failure to support him, he then annexed Nantes and Rennes in 850, and raided on Bessin and the county of Maine. Noménoé died in Vendôme, on 7th March 851, after he had conquered Maine and Anjou. His son Erispoë succeeded him as the second Duke and the first king of Brittany.

    King Noménoé?
    The town of Redon spread around an abbey founded by Noménoé on behalf of his minister Saint Konwoïon. In spite of a plaque affixed in 1934 on the rampart climing that he was the "first king of Brittany", Noménoé never .styled himself a king.
    His curious name also exists as "Nevenoe", "Noménoé", "Saint Neveno(u)", "Nemenoiou", "Saint Venou". It is without doubt a Breton name, maybe related to the Gaulish "nemeton" that meant an open air sanctuary, then the sky as a mystic place (heaven), like the Breton "neñv" and Irish "neamh" (see "Coatnevet" in The Life of Saint Ronan).
    Beside poems extolling his merits, Noménoé inspired his enemies with satiric songs like this one, quoted by La Villemarqué. It was composed by the monks of Saint Florentin-on-the-Loire whose abbey he had ruined:
    Quidam fuit hoc tempore
    Nomenoius nomine.
    Pauper fuit progenie:
    Agrum colebat vomere.
    Sed reperit largissimum
    Thesaurum terra conditum.
    Quo plurimorum divitum
    Junxit sibi solatium.
    Dehinc per artem fallere
    Coepit qui mox succrescere.
    Donec super cunctos ope
    Transcenderet potentiae...
    There was at that time a certain
    Man whose name was Noménoé.
    Born to indigent parents,
    He would plough his field by himself.
    But once he dug up a treasure
    That was hidden below ground.
    So that of many moneybags
    He could soon secure the support.
    Then skilled in the art of swindling
    He set to ascending the grades.
    Piling up riches on riches
    He was at last a potentate.

    The legendary Noménoé
    The poems below demonstrate that Noménoé as featured in La Villemarqué's ballad, no less than his "Arthur", did not fall in oblivion. Beside the unique theatre play by Jakez Riou (1935) titled "Noménoé-oé", he inspired the poems you are about to read.
    Their author, Emile Le Scanff, aka "Glenmor" (1931 - 1996) was a remarkable poet, composer of songs and songster. He also defended with (sometimes too much) conviction the Breton identity.
    Since the present poems evoke the Breton flag "Gwenn-ha-du", devised in 1925 by Morvan Marchal, the uprising to which these beautiful and subversive poems call the Bretons, does not refer to an historic event but is to take place in the present times.
    The accidental death of the young activist Jean-Michel Kernaléguen, on September 30, 1976 inspired, in addition to Glenmor, the poet-singer Youenn Gwernic (1925-2006) who composed, fully respecting the canons of the genre, a “Gwerz Ti-Voujeret” named after the military camp whose construction was to be prevented. It will be found below. Asked whether this was an authentic gwerz, on the airwaves of Radio-France in 1980, Donatien Laurent, visibly embarrassed, replied:
    "The basic idea is the same: to make a song to keep alive an event's memory and to pass it over to generations to come. Is this song traditional? We cannot say. The composer never can tell. He makes his song, "launches" it (formerly via neighbours, at fairs etc., now through TV, radio and audio records) but it is the people who decide the fate of the song. It will be traditional if people accept it, learn it and transmit it."
    The countless occurrences of this song on the web show that this is the case.
    If these pieces are included on this site, one should by no means infer that I share the point of view they represent, or that I consider the countless Bretons whose names are engraved on the WWI memorial at Sainte Anne d'Auray as as many submissive victims who sacrificed their lives for the benefit of a foreign oppressor. Nor is it one second's doubt in my mind about the meaning of the words "Marv evit ar vro" one can read on many a war memorial in Lower Brittany.
    The reason for this inclusion is that these "Marseillaises" in Breton fashion - whose extravagant violence is hardly more outré than in their famous model- clearly demonstrate:
  • the author's exceptional talent,
  • the expressiveness of the Breton language, which deserves to be defended with such spirit,
  • the durability of La Villemarqué's legacy in the Breton collective psyche.

    A more commonsense point of view
    Paul-André Bempéchat clarifies the issue of conflicting allegiances in his book on the "polymath" Jean Cras as follows:
    "By 1900 educated Bretons had realized that their moral and political allegiances both to the Armorican Province and to the French Republic were equally strong and equally unwavering. Morally confounded, they could hardly understand, much less accept official derision of their homeland. The writings of the beloved poet YB Calloc'h (1888-1917), from the Île de Groix and musician-turned-politician Maurice Duhamel (1884-1944) from Rennes reflect the poignancy and complexity of this spiritual affliction.
    Calloc'h who adopted the Bardic pen name Bleimor had been a prominent member of several "sociétés savantes", that, as the 19th century drew to its close, were struggling, not only to regain respect for the province's heritage, but to obtain a maximum degree of cultural though not political autonomy. These myriad groups, Catholic as well as religiously or politically neutral, countered the inflammatory federalist rhetoric by disseminating their ideas through both the known and underground media. During the Great War, Calloc'h wrote:
    "The war can work to our advantage:... Alsace-Lorraine, when returned to France, will have special privileges... Her language will be taught in all her schools. This will bode well for us. We will approve of it and help her preserve what is her and we will claim the same rights and privileges from the authorities . Our primordial, most urgent task will be to protect our language."
    Believing that a victorious France would assure Brittany's cultural survival, Calloc'h enlisted voluntarily in the army at the outbreak of the Great War... Along with nearly 250,000 other Bretons, Calloc'h made the ultimate sacrifice for France."
    YB Calloc'h's hopes were thwarted: on 21st July 2008 the Congress of the two houses passed an act amending the Constitution to the effect that:
    art.2: French is the language of the Republic,
    art.75, al. 1: The local languages are part of the French heritage.
    Pursuant to the latter article, government funding actions promoting this heritage become lawful. But local languages do not qualify as official languages in the "départements" were they are spoken and they may not be used as a main vehicle for public education.
    Article 2 does not allow the "European Charter for regional or minority languages" to be adopted by France, as it is considered a menace for the unity of the nation.
    Let us mention here that the second French winner of the Nobel prize in literature was Frédéric Mistral, in 1904, who was thus rewarded for his works in Provençal language! Since long, alas, dying out Provençal has ceased "menacing" the Republic.
    Let us also mention that article 2 is commonly violated on official sites maintained by the French government, where some studies are published only in English, though they provide information, which is relevant for a French speaking audience, too.
  • Line

    Trois poèmes de Glenmor, un poème de Youenn Gwernig et un poème de Bleimor
    Three poems by Glenmor, another poem by Youenn Gwernig and still another one by Bleimor

    La Bretagne de demain par Jeanne Malivel . Bataille de Ballon par Jeanne Malivel . L'union perpétuelle par Jeanne Malivel

    La graphiste Jeanne Malivel (1895-1926), créatrice du groupe "Seiz Breur" (les Sept Frères), mit parfois son talent au service d'idées discutables comme l'illustration de cette "Histoire de Notre Bretagne" publiée en 1922 par Jeanne Coroller-Danio (1892-1944). Au centre, la bataille de Ballon; à gauche, la Bretagne de demain; à droite l'Edit d'Union de 1532 montrant la France, affublée à la fois d'un manteau à fleurs de lys et d'un bonnet phrygien, s'emparant de la bourse de la Bretagne! The artist Jeanne Malivel (1895-1926) who was the founder of the group "Seiz Breur" (Seven Brothers) sometimes got involved in questionable schemes like illustrating the "History of this Brittany of ours" published in 1922 by Jeanne Coroller-Danio (1892-1944). In the middle: "the Battle of Ballon"; left: "Brittany of tomorrow"; right: "The 1532 Edict of Perpetual Union" showing France, wearing both a royal fleurdelys cowl and a republican Phrygian cap, robbing Brittany of her purse!





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